COMMENT NAQUIT LE CHRISTIANISME Chapitre V. Etienne et la "conversion" des Simo

COMMENT NAQUIT LE CHRISTIANISME Chapitre V. Etienne et la "conversion" des Simoniens. Dans la version actuelle des Actes des Apôtres, il est relaté que lesdits apôtres choisirent, parmi les juifs hellénistes de Jérusalem, des "diacres", c'est à dire des serviteurs, et que les juifs orthodoxes persécutèrent ces derniers. Mais les passages qui racontent cela ont certainement été remanies au IIe siècle, c'est à dire à l'époque où plusieurs sectes chrétiennes et nazaréennes se sont unifiées et où il convenait donc de ne plus parler des querelles qui les avaient opposées. La réalité fut certainement très différente. Un certain rapprochement doit même s'être opéré entre les nazaréens et les israélites orthodoxes, puisque Jacques qui fut le chef des premiers après Jésus, aurait été, si l'on en croit Eusèbe de Césarée, nommé grand- prêtre et souverain sacrificateur... Pareil rapprochement serait d'ailleurs, en réalité, moins surprenant que pourraient le croire nos esprits habitués à voir une apposition radicale entre les juifs et les premiers chrétiens. Mais, on l'a vu dans les chapitres précédents, la doctrine de Jésus le Nazaréen et de ses disciples immédiats n'avait en réalité rien de profondément révolutionnaire. Elle tendait surtout à donner à la Loi hébraïque traditionnelle une certaine orientation, à la rendre moins formaliste, mais elle ne s'en écartait pas essentiellement. Elle était semblable en cela à celle de la plupart des sectes qui s'étaient formées depuis le retour de Babylone au sein même de la religion mosaïste. C'est pourquoi ces nazaréens ne furent point poursuivis comme hérétiques. Jésus avait été exécuté, selon le Talmud, après avoir été condamné pour impiété et magie, mais ses disciples directs ne semblent pas avoir été inquiétés, au contraire du moins jusqu'en l'an 60 environ. Il n'en sera pas de même des Johannites hellénisés, à la tête desquels s'était mis un certain Stepanos Etienne, que les Actes présentent comme le chef des "diacres" et qui avait tenté, sans doute sous l'impulsion de Philippe, de s'intégrer à la communauté issue, à Jérusalem, des anciens disciples de Jésus et des disciples galiléens de Dosithée menés par Simon Bariôna. A vrai dire, il était inévitable que ces deux sectes se heurtassent tôt ou tard. Jacques, surnommé le Juste, était d'esprit rigoriste, bien que disciple et peut-être même frère de Jésus le Nazaréen, et encore très imprégné de l'esprit de la Loi biblique, matérialiste et légaliste. Etienne, au contraire, était un "helléniste", un juif pétri de culture grecque, connaissant probablement les philosophes grecs, leur esprit universaliste et leur métaphysique idéaliste ou réaliste , très différente du matérialisme judaïque. Il devait considérer comme d'un autre âge les prescriptions rigoureuses de la Torah et désirer au moins leur assouplissement. Ces deux hommes n'étaient pas faits pour s'entendre (1). Déjà, par son patriotisme intransigeant et par son universalisme doctrinal, Jean le Baptiseur s'était violemment opposé aux pharisiens, qu'il traitait sans aménité de "race de vipères" (Mat, III 7), tandis que les rapports de Jesus avec ces derniers, sans être excellents , étaient cependant beaucoup moins hostiles, puisqu'il fut même plusieurs fois invite à leur table. Ce qu'il leur reprochait surtout, c'était leur formalisme étroit , voire leur hypocrisie. Il importait peu pour Jésus que l'on mangeât sans s'être d'abord lave les mains ou que l'on enfreigne à l'occasion le repos du sabbat, surtout si c'était pour faire COMMENT NAQUIT LE CHRISTIANISME Chapitre V Etienne... Page 1 du bien, pour venir en aide au prochain notamment; l'essentiel pour lui était de se conduire vertueusement, de ne nuire à personne, de secourir ceux qui seraient en difficulté et d'agir avec droiture. Très attachés aux rites, les pharisiens avaient fini par prendre ombrage des libertés que Jésus se permettait avec ceux-ci, et c'est pourquoi ils s'étaient alliés aux sadducéens pour le perdre. Entre Etienne et eux, dont Jacques s'était au contraire rapproché, ce ne pouvait qu'être pire encore. Etienne, en effet, semble bien avoir été plus progressiste et plus gnostique encore que son maître Jean-Dosithée. Sans mettre essentiellement en question le monothéisme juif, il professait une doctrine qui personnalisait en la Divinité la Sagesse et l'Esprit, donnait aux anges un rôle important, attribuait peut-être même déjà, comme devaient le faire plus tard d'autres gnostiques, la création du monde, non à Jéhovah lui- même, mais à un Démiurge distinct de lui, voyant enfin en le Messie prochainement attendu un être céleste et divin: le Paraclet , annoncé par Dosithée, qui devrait procéder au Jugement dernier. Pareilles croyances heurtaient par trop les conceptions de ceux, nazaréens, pharisiens ou sadducéens, qui restaient attachés aux traditions. Si altérée qu'elle ait été, la version canonique des Actes des Apôtres garde la trace de ces oppositions. Un jour, en l'an 37 ou 38 probablement, Etienne fut attrait devant le Sanhédrin, comme l'avait été Jésus. Sommé de s'expliquer, il se lança dans un long discours, au cours duquel il eut une vision et déclara voir le Fils de l'Homme, à travers les cieux ouverts, debout à la droite de Dieu (Actes VII, 56). C'en était trop, Etienne fut lapidé à son tour, ainsi que peut-être un de ses compagnons, Nicanor. Puis, leurs disciples se dispersèrent en différents lieux (2). C'est d'eux en effet qu'il est question aux versets VIII-1 et XI-19, où l'on parle des "fidèles” de Jérusalem, le passage qui va de VIII-2 à XI-18 n'étant qu'une longue interpolation. Quelques uns des disciples de Dosithée et d'Etienne poussèrent jusqu'en Asie mineurs. Ce fut le cas de Nicolas, qui retourna à Antioche, d'où il était originaire, ainsi que de Procore, qui était accompagne de Jean, l'un des fils de Zébédée: dans son “Histoire de l'Apôtre Jean”, il raconte comment ils arrivèrent, au terme d'un long voyage, à Ephèse. Ils devaient y fonder, eux et leurs continuateurs, une école gnostique, qui subira dans la suite l'influence des philosophes grecs et de Philon d'Alexandrie, comme on le verra aux chapitres VIII et XIII. On peut en déduire que ce Jean, après avoir compté parmi les disciples de Jésus le Nazaréen, se rallia à ceux de Jean le Baptiseur, ce qui paraît assez surprenant de la part de celui dont une tradition veut qu'il soit celui que le IVe Evangile canonique appelle "le disciple que Jésus aimait": mais que ce dernier soit bien Jean l'évangéliste, cela est certainement inexact, comme on le verra aussi. Par contre, s'il était, comme on a vu au chapitre II qu'on peut le supposer, un fils de Jean Dosithée, cela est beaucoup moins étonnant et même tout à fait naturel. On aura d'ailleurs l'occasion de revenir sur tout cela aux chapitres XIII et XVIII. D'autres fidèles de Jean-Dosithée et d'Etienne passèrent dans l'île de Chypre, d'autres encore en Mésopotamie, d'autres enfin, entre autres Philippe, se réfugièrent en Samarie, où Jean, on le sait, avait prêché et baptisé, où il avait été proclamé Taëb et où il était enterré. Dans l'interpolation des Actes à laquelle il a été fait allusion plus haut, il est raconté qu'un certain Simon, un magicien, fut alors converti par Philippe avec tous ses disciples, puis qu'il devint même un compagnon de Pierre... Narrée de la sorte, la chose est totalement invraisemblable. Encore une fois, le compilateur de ce texte a voulu présenter comme achevée dès cette époque la fusion de diverses sectes, fusion qui COMMENT NAQUIT LE CHRISTIANISME Chapitre V Etienne... Page 2 n'était même pas encore entièrement accomplie au moment où il écrivait lui-même, c'est à dire vers le milieu du IIe siècle. En réalité, ce Simon magicien n'a probablement jamais existé. Le nom de Simon, en l'occurrence, paraît être la transcription grecque d'une déformation araméenne du nom du dieu Eshmoûn, lequel était révéré en Phénicie, en Samarie, en Syrie et en d'autres lieux encore, depuis des siècles (3). Dans la plupart des écrits où il est question de Simon le Mage ou le magicien, il est présenté, il est vrai, comme un homme, mais chaque fois sous des traits différents, et la doctrine qu'il enseigne n'est jamais tout à fait la même. Il ne s'agit donc sans doute jamais non plus du même personnage, le nom de Simon désignant chaque fois un adepte différent de la religion dont il était le Dieu et qu'on appelle le simonisme, voire ce Dieu lui-même (4), qui a pu aussi être pris pour un homme par certains des auteurs de ces écrits, tous assez tardifs, de la même façon que l'un d'eux notamment, Epiphane, écrivit aussi dans son Panarion ou "contre-poison" contre toutes les hérésies connues de son temps, c'est a dire au IVe siècle, que la secte des ébionites avait été fondée en Pérée par un certain Ebion... Ce qu'était exactement le simonisme au moment où Philippe passa en Samarie, il est assez difficile de le préciser, car les écrits qui parlent de cette doctrine sont, on vient de le dire, de beaucoup postérieurs à cette époque; ils émanent tous d'adversaires et ils la décrivent sous l'une des formes qu'elle avait prises dans la suite. Rappelons-nous quand même que Jean-Baptiste avait adhéré à l'essénisme, doctrine gnostique mêlant des éléments tirés de la Loi hébraïque uploads/Religion/ naissance-du-christianisme.pdf

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  • Publié le Dec 31, 2021
  • Catégorie Religion
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