La France coloniale de 1830 à 1870, Annie Rey-Goldzeiguer -> Après la prise d’A

La France coloniale de 1830 à 1870, Annie Rey-Goldzeiguer -> Après la prise d’Alger en 1830, il ne fallut que 40 ans pour que la France devienne la seconde puissance coloniale ; le phénomène de colonisation est-il, dès son origine un succès, une entreprise prometteuse, ou plutôt un « boulet attaché au pied de la France » ? (Napoléon III) Chapitre 12 : Une France frileuse et nostalgie en 1830 La France sous haute surveillance Désastre de 1815 : met un temps d’arrêt aux ambitions politiques françaises : amputation de son territoire, suppression des restes de son Empire colonial, domination anglaise des mers et océans, disparition de la « Grande Armée » … La France doit accepter une restauration sans gloire et reconnaitre la suprématie anglaise qui domine les mers, le grand commerce, et assure un remarquable démarrage industriel. Traités de Paris 1814-1815 : mutilation de l’Empire colonial Angleterre restitue : une partie des Antilles, St Pierre et Miquelon, l’Ile Bourbon, 5 comptoirs indiens et 8 loges commerciales du Bengale. La France récupère le Sénégal. Les grands négociants français sont supplantés dans l’Atlantique et l’océan Indien par le concurrent anglais (lion colonial). D’autant plus difficile que la France a perdu de nombreuses routes commerciales à la fin du XVIII avec le désintéressement napoléonien pour le grand commerce : les villes et ports français qui avaient bâti leur fortunes avec les « Isles » se voient ruinés. Ex : Grenoble, liée à St-Domingue pour son grand commerce voit s’effondrer ses exportations de produits dauphinois, drap, toiles, mercerie… La France est alors la cinquième puissance coloniale. Sur le continent, elle se retrouve amputée : diplomatiquement elle est à la portion congrue, militairement ses effectifs sont limités, sa marine n’est plus qu’un souvenir. Un pays dont le dynamisme persiste mais qui se considère comme traumatisé et replié sur lui-même Conscience de la défaite de 1814-1815 marque la Nation qui se juge stoppée dans son dynamisme. • La courbe triomphante de la démographie des XVII et XVIII siècles est alors plus faible : pacification et modification des conditions d’hygiène font abaisser la mortalité de 28% (Empire) à 26 % (Restauration). L’accroissement de 13% en Angleterre tombe à 4% en France. • Problème social en 1830 : insatisfaction paysanne (exploités dans les campagnes) insatisfaction prolétarienne des faubourgs surpeuplés des villes (Lille, Reims…). Société de la Restauration ressemble à celle de l’Ancien régime quant à son ordre social : • L’Aristocratie foncière domine économiquement par la vente et l’achat de biens, mais aussi politiquement en profitant du suffrage censitaire et de la loi du double vote. • La grande bourgeoisie en a profité pour affermir ses postions économiques. Mais, Charles X ayant modifié le cens électoral au profit des propriétaires fonciers, elle se retrouve dans le camp politique des classes moyenne en 1830. Les bourgeois se réunissent en sociétés secrètes pour préparer l’avènement d’un nouveau régime. • Le monde rural et les travailleurs citadins sont eux dominés par l’Aristocratie / Bourgeoisie. Le monde rural est écrasé par l’Eglise. Celui des villes n’a pas de droits politiques mais présente au moins l’avantage d’être bien organisé. Economie semble bloquée et frileuse ; toutefois, il y a un accroissement considérable de la production industrielle, qui permet le retour d’une collaboration Anglo- européenne. Le mercantilisme pas encore beaucoup, même sur des villes industrielles comme Mulhouse et d’autres à l’abri du protectionnisme (Lyon, Lille…). Cette économie « asphyxiée » dont parle Annie Rey-Goldzeiguer entraine la chute du salaire réel des ouvriers et la misère (cf. Déclaration d’Argout, ministre du commerce p. 323) La force militaire étant largement affaiblie, elle sert surtout à garantir l’ordre politique et social. L’armée veut effacer la honte des défaites, et prouver sa vertu militaire à retrouver la victoire. Les ultimes tentatives de Charles X pour mener à bien son « grand projet » ne permettront pas de sauver son régime. Humiliations continues exacerbent le nationalisme et le désir de revanche, surtout chez une jeune génération critique et dynamique qui veut partir à la conquête d’un monde nouveau. Une France de la sensibilité et de la rupture Les besoins des Français s’exacerbent : besoin d’évasion, aspiration à la conquête (Palestine, Orient…) et voyages sont autant de rêves qui permettent d’échapper de l’atmosphère atone de la Restauration. Les artistes et intellectuels rêvent de cette évasion, et de la création d’une société plus efficiente / juste. Cf. Socialisme de Saint-Simon, économie politique de J. B Say… L’Eglise se réforme, affirmant un catholicisme libéral prônant les œuvres humanitaires charitables et la croisade missionnaire à une époque où la société se déchristianise. C’est donc dans une Restauration « engluée dans ses difficultés » que la nostalgie de l’épopée napoléonienne et les rêves de croisade humaniste aiguillonnent les jeunes générations. Chapitre 13 : Le redoutable engrenage de la politique de la canonnière 1830-1837 L’Affaire d’Alger Restauration mena une politique d’envergure pour récupérer et conserver les concessions de l’ancienne Compagnie royale d’Afrique. 1817 : restitution des concessions permet au commerce français de s’installer à nouveau à la Calle et à Bône pour le commerce des grains notamment. A Alger, la maison marseillaise Paret obtient alors le monopole de la vente des laines. France ne participe à aucune action collective contre le dey d’Alger. Le coup d’éventail Septembre 1814 : Dey Hussein est chargé de régler les dettes de blé contractées par Jacob Bacri (créances Bacri-Busnach de 7 millions de francs or). Avril 1827 : Le consul Deval est envoyé à Alger qui donne satisfaction aux Bacri, en oubliant la dette contractée envers le Dey : n’acceptant pas d’être berné, le Dey accuse de collusion Deval, les Bacri, et le gouvernement français. Alors, le neveu de Deval tente un coup de force contre les postes de la Calle et de Bône pour les fortifier, les considérant comme français. Le Dey cherche à chasser les occupants et insulte le consul avec son « coup d’éventail » ; le roi de France décide de rompre les relations diplomatiques avec le dey. 16 juin 1827 : rupture est consommée = blocus d’Alger, Hussein fait détruire les comptoirs de la Calle et de Bône. -> Histoire de dettes impayées aboutit donc à une rupture diplomatique de portée symbolique plus que réelle. En août 1829, on cherche à camoufler l’impopularité du ministère Polignac : il imagine un Empire arabe avec l’armée égyptienne de Mehmet Ali pour créer une suprématie française sur la Méditerranée. Mais Ali exige une expédition strictement musulmane…Ridiculisé par ce problème mineur, Polignac souhaite une victoire extérieure permettant de garantir le prestige du régime. Pour venger son honneur offensé, le 2 mars 1830, le roi annonce sa nouvelle expédition. L’expédition d’Alger divise l’opinion et interroge les motifs de son entreprise : preuve de la suprématie française sur Alger ? Anglophobie ? Moyen de corruption et de violences ? Un seul accord : l’expédition permettra de mettre fin à la piraterie et de redonner du prestige aux armées françaises humiliées. Une expédition impopulaire Haussez, ministre de la Marine, réussit l’exploit de rassembler 675 bâtiments, dont 103 de la marine royale, et de relever des marins. Le corps expéditionnaire, fort de 37 000 hommes est placé sous le commandement de Bourmont (Louis Auguste Victor de Ghaisne de Bourmont), commandant très contesté. On joint une quarantaine d’interprètes, de peintres et d’écrivains destinés à populariser les grands faits d’armes de la France et à relater l’entreprise coloniale. Mai 1830 : Marseille grouille de soldats en attente du départ ; les officiers sont insultés, certains soldats brisent leurs fusils, cherchent à se faire condamner à la détention pour éviter le départ en Afrique. Gouvernement fait silence sur les opérations militaires. Pour l’opinion, l’expédition est une source de troubles : la mobilisation de l’armée exige des dépenses accrues, ajoutant des incidents imprévisibles à la crise intérieure ; Malgré les articles dithyrambiques de la propagande gouvernementale, les Français ne ressentent pas l’enthousiasme guerrier et patriotique à l’œuvre. Le pillage du trésor de Casbah (Juillet 1830) où est impliqué l’entourage de Bourmont « officiers avec de beaux noms » suscite l’opposition de la classe dirigeante. La prise s’empare dès lors du scandale ; les dessinateurs populaires réinventent la prise d’Alger, se moquent d’un pouvoir haï… La classe politique est toutefois unanime quant à la conservation d’Alger ; il s’agit de prouver que ces efforts n’ont pas été vains, que la France va vers une victoire, et qu’une indépendance est possible face à la suprématie britannique. Un consensus pour conserver la conquête Dès 1828, Marseille se montre favorable à la colonisation pour de nombreuses raisons : elle tente de retrouver de sa suprématie méditerranéenne après les effets Révolution / Empire, elle veut se venger du « coup d’éventail », lutter contre la barbarie grâce à la « Croix contre le Croissant » (dimension humanitaire et religieuse), combattre la piraterie algéroise, participer à l’enrichissement du pays, et se vante de son attachement aux Bourbons et à la cour. Marseille = « le fer de lance de l’idée coloniale en France », en développant sa stratégie grâce à uploads/Politique/ la-france-coloniale-de-1830-a-1870-annie-rey-goldzeiguer.pdf

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