ARISTOXÈNE DE TARENTE, ~ 365/362-~ 280 av. J.-C. Théoricien grec de la musique
ARISTOXÈNE DE TARENTE, ~ 365/362-~ 280 av. J.-C. Théoricien grec de la musique (mousikôs), philosophe et polygraphe, né à Tarente et mort vraisemblablement à Athènes. De sa vie, nous ne savons que ce qu'en dit la notice de la Souda : il était le fils d'un musicien appelé Mnèsias ou Spintharos, qui lui donna sa première formation musicale. Mnèsias était sans doute d'obédience pythagoricienne, école dont l'influence politique avait été prépondérante en Grande-Grèce, en particulier à Tarente, où Archytas avait durablement exercé le pouvoir. Au dire de son propre fils, Mnèsias aurait connu plusieurs personnages de premier plan, tant en Grande-Grèce qu'à Athènes : les musiciens Archytas, Damon et Philoxène, mais aussi Socrate emême le stratège thébain Épaminondas. Quant à Aristoxène, il suivit l'enseignement de Lampros d'Erythrée, puis, à Athènes, de Xénophile le Pythagoricien. Il passa la majeure partie de son existence en Grèce continentale, où il rencontra le tyran de Syracuse, Denys le Jeune, alors en exil (fr. 31 W.). Nous savons aussi qu'il séjourna durablement à Mantinée, où la musique, fort à l'honneur, était soumise à des lois très conservatrices qu'il admirait (Sur les coutumes de Mantinée, fr. 42-46 W.). Dès 335/334 av. L-C. ou vers 330 au plus tard (Barker), Aristoxène se détache des doctrines pythagoriciennes, tout en conservant son admiration pour Archytas, dont il rédige une Vie (fr. 47-50 W.). Il devint l'un des plus éminents disciples d'Aristote, qui aurait même envisagé de lui confier sa succession à là tête du Lycée. Évincé au profit de Théophraste, Aristoxène rompt tout lien avec l'École' et s'engage alors, pour son propre compte, dans un enseignement de la théorie musicale, tout imprégné des doctrines aristotéliciennes : les auteurs anciens le désignent toujours comme « disciple d'Aristote ». En pur péripatéticien de la première génération, comme l'ont fait Théophraste en botanique ou Diogène de Caryste en médecine, Aristoxène annexe à cet « atelier de tous les arts » qu'est le Lycée une science à laquelle Aristote n'a pas consacré un grand traité : la musique. Aristoxène a été un écrivain prolifique, aux centres d'intérêt très diversifiés : histoire des institutions, biographies, éducation, musique. La Souda le crédite de 453 ouvrages (un chiffre sans doute surestimé). Dé ces Mémoires, Vies, Miscellanea^ Hy-pomnèmata et autres opuscules, ne subsistent.que 139 fragments édités en 1944/1945 par Fritz Wehrli. Ce qui reste de ces écrits atteste l'intérêt que portait Aristoxène non seulement à la théorie harmonique et rythmique, mais aussi - fait rare chez les théoriciens grecs - à l'histoire de la musique, des musiciens et des institutions musicales et à la pratique comme à la facture des instruments de musique (fr. 69-102 W.) ou encore à la danse (fr. 103-112). L'œuvre majeure d'Aristoxène, qui lui valut d'être considéré dans toute l'Antiquité comme le mousikôs par excellence, est son ouvrage Sur l'Harmonique, qui nous a été transmis sous l'intitulé probablement erroné à'Éléments harmoniques (Harmonikà stoikheîa), rédigé dans le dernier quart du IVe s. av. J.-C. C'est le plus ancien traité théorique sur la musique qui nous soit parvenu dans son intégralité. Il constituait en fait le premier volet d'une grande œuvre Sur la musique, où Aristoxène étudiait les diverses branches de la science musicale, en particulier la rythmique. Mais de ses Éléments rythmiques, seuls nous sont connus des fragments^ ou bien grâce à des citations faites par des auteurs postérieurs (Aristide Quintilien et surtout Michel Psellus, auteur byzantin du XIe s.) ou bien encore par des papyrus : son livre II nous est parvenu entièrement. Il est possible que le papyrus d'Oxyrhynçhus 34, n° 2687 nous ait livré une partie des Éléments rythmiques. Dans l'histoire dé la pensée musicale antique, les doctrines d'Aristoxène ont constitué une révolution epistemologique dont l'importance fut perçue par l'ensemble des théoriciens postérieurs, qu'ils les aient suivies ou combattues. En effet, avant lui, les pythagoriciens (Philolaos, Archytas) et les platoniciens considéraient la science musicale comme partie dés mathématiques. Pour Aristoxène, au contraire, la science harmonique doit et peut être une science autonome, affranchie de tout lien avec l'arithmétique et l'astronomie et délivrée de l'empirisme des « Harmoniciens » (Eratoklès, Agènor de Mytilène, Pythâgbre de Zante, et peut-être Héraclide du Pont). N'ayant plus pour objet des entités mathématiques, mais Uniquement les sons musicaux, distingués dés bruits ou des sons du langage parlé, la science harmonique ne procède plus par le calcul d'intervalles exprimés par des rapports de deux nombres. Organisés eh structures musicales, les sons entretiennent entre eux des rapports « dynamiques » qù'Aristoxène est le premier à situer dans ce qu'il appelle « l'espace » sonore. Les outils du théoricien de la musique sont la pensée rationnelle (diànoïa) et la sensation auditive (akoê, aïsthèsis). La raison identifie les structures et en dé- terminé lés lois par des définitions, axiomatiques ou raisonnées, et par des théorèmes (prôblêmata) qui font l'objet de démonstrations. Quant à la sensation auditive, Aristoxène est le premier théoricien de la musique à insister sur la nécessité de l'éduquer pour la rendre plus sûre et plus précise, tout en là soumettant au contrôle strict de la pensée dianoé-tique. De ce point de vue, Aristoxène a édifié une science musicale dont la méthode, la terminologie et les principes dérivent directement des doctrines aristotéliciennes de la science. La première partie du Traité d'harmonique procède à l'examen des doctrines des prédécesseurs d'Aristoxène. Il se montre extrêmement critique envers eux, moins sur les points de détail que sur les fondements mêmes de leurs doctrines.: aux pythar goriciens (qu'il ne nomme pas), il reproche d'avoir considéré les intervalles musicaux, non pas comme des entités musicales en tant que telles mais comme des rapports numériques, lesquels sont superpartiels lorsqu'ils « définissent » des intervalles consor nants (octave, 2: 1 ; quinte, 3 : 2,; quarte, 4: 3; ton, 9:8). Contre les pythagoriciens, Aristoxène postule et démontre que le ton est divisible en deux demi-tons justes, et non pas en un leimma de rap* port 256: 243 et une apotomé de rapport 2187 ■ ■: 2048. Il s'oppose également à un ensemble d'écoles \ musicales qu'il désigne sous le terme global '; d' « Harmoniciens », dont les diagrammes subdivi- ' saient l'octave en 24 quarts de ton, dépourvus de j toute réalité musicale, puisqu'on n'entonne jamais j plus de 2 quarts de ton successivement. 225 ARISTOXÈNE DE TARENTE Au contraire, il s'efforce de décrire le système musical dans toute sa cohérence et toute sa complexité, en partant des entités tes plus simples (le son musical) jusqu'aux combinaisons de plus en plus complexes d'intervalles et de « systèmes », envisagés à la fois « selon l'étendue », « selon la disposition» et «selon la fonction». La dernière partie du Traité est une série de 26 théorèmes qui énoncent les lois de l'harmonique. Aristoxène est le premier à avoir forgé le concept de « genre » (gé-nos), défini par l'étendue et la position des trois intervalles dont se compose chacun des 5 tétracordes (sur une quarte) de ce qu'il nomme le « grand système complet », qui comporte 18 notes. D admet trois genres : l'enharmonique, « le plus ancien et le plus beau des genres », le chromatique et le diatonique. En enharmonique, les tétracordes comportent, de l'aigu au grave : un diton (2 tons qui ne peuvent se décomposer en deux fois 1 ton), puis 2 quarts de ton ; la disposition chromatique des tétracordes est : ton et demi, demi- ton, demi-ton ; enfin, le diatonique se caractérise par la succession d'un ton, d'un autre ton et d'un demi-ton. Les genres chromatique et diatonique admettent des « colorations » ou « nuances » (khrôai), dans lesquelles l'étendue des intervalles varie dans des limites qu' Aristoxène réglemente. Dans son Traité d'harmonique, Aristoxène définit enfin les tônoi, terme destiné à remplacer le vieux concept, devenu trop étroit, d'harmonia. Sur ce point capital, Aristoxène rejette toutes les classifications et tous les échelonnements «désordonnés » ou incohérents qui ont pu être proposés par ses prédécesseurs (Héraclide du Pont inclus). Il procède donc « depuis les bases », afin de remettre de l'ordre dans la confusion qui régnait alors en musique. Le tonos est défini avec limpidité : « Ge dans quoi se placent les systèmes lorsqu'ils sont mis en musique ». En d'autres termes, ce sont des échelles de transposition. Au lieu des 7 reconnues avant lui, il en admet 13 (de l'aigu au grave : l'hypermixoly-dien, le mixolydien aigu, le mixolydien, le lydien, le lydien grave, le phrygien, le phrygien grave, le do-rien, l'hypolydien, l'hypolydien grave, l'hypophry-gien, l'hypophrygien grave et l'hypodorien). Leur échelonnement se fait sur le critère de « l'affinité » qu'entretiennent entre eux les tons, affinité qui permet de moduler de l'un à l'autre avec plus ou moins de facilité. H ne s'agit donc pas de «modes», comme on le croit trop souvent, mais d'échelles tonales qui s'étagent de demi-ton en demi-ton sur une octave et un ton : cette construction théorique d'une échelle thétique dont chaque degré constitue la fondamentale de l'échelle dynamique du « grand système » est la première description complète, rai-sonnée uploads/s3/ aristoxenes-de-tarante.pdf
Documents similaires










-
76
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 30, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0868MB