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https://www.lefigaro.fr/sciences/y-a-t-il-des-arguments-en-faveur-du-port-du-masque-en- exterieur-20200828 Y a-t-il des arguments en faveur du port du masque en extérieur ? LA VÉRIFICATION - D'aucuns jugent excessive cette généralisation de l'obligation du port du masque. Il y a peu encore, ne disait-on pas qu'il était inutile en plein air ? Par Alexis Feertchak Publié le 28/08/2020 à 17:20, mis à jour le 28/08/2020 à 20:08 LA QUESTION. Masqués, presque partout. Après les Toulousains, puis les Marseillais, les Caennais, voici les Parisiens qui, désormais, passeront une grande partie de leurs journées le masque collés à leur figure. Sinon à domicile ou en voiture, l'arme anti-Covid, qui permet de pallier les limites de la distanciation physique, sera bien sûr de rigueur dans les commerces, mais aussi au sein des entreprises et dans la rue. Le mouvement de généralisation du masque est d'autant plus frappant que le gouvernement, pendant des mois, a répété que son port était inutile, voire contre-productif. En la matière, le retournement, quoique progressif, fut à 180°. Dans la capitale, la nouvelle mesure suscite des réactions diverses. Certains comprennent, gravité de la crise sanitaire oblige. D'autres en revanche ne cachent pas leur exaspération, comme cet artisan-menuisier de 57 ans, qui lâche à l'AFP : «Je devrai même le mettre sous mon casque en scooter, c'est dément! J'ai une visière, quel intérêt ?». Pour lui, comme pour beaucoup sur les réseaux sociaux, ce bout de tissu est «un leurre» car «rien ne prouve que le virus s'attrape dans la rue». Qu'en est-il ? Quelles sont les raisons qui plaident pour le port du masque quasiment partout, y compris en extérieur ? VÉRIFIONS. L'argument de l'artisan-menuisier n'a rien d'absurde a priori. Qu'on y songe, il y a peu encore, une majorité de scientifiques expliquaient que le port du masque dans la rue n'était pas une nécessité d'ordre scientifique. Nous écrivions ainsi dans notre édition du 5 août : «Le consensus scientifique qui émerge peu à peu penche plutôt pour le 'non', dans la majeure partie des cas. Pour une raison très simple: le vent, même léger, disperse très rapidement gouttelettes et aérosols qui transportent le virus». Depuis le début de l'épidémie, les autorités sanitaires le répètent inlassablement : attention aux lieux les moins aérés, c'est là que le risque de contamination est de loin le plus élevé. Il suffit de retourner l'argument pour estimer que le risque est beaucoup plus faible dans la rue... Une étude japonaise a même tenté d'estimer la différence entre les deux : le risque de contracter le virus serait 18,7 fois plus faible à l'extérieur qu'à l'intérieur, écrivait-on encore début août. Lors, deux lectures sont possibles : la première consiste à dire que le risque est très faible à l'extérieur et que, par conséquent, le port du masque, dans ces conditions, n'est pas nécessaire ; elle avait encore cours il y a quelques jours. La seconde, à l'inverse, consiste à remarquer que le risque est faible, même beaucoup plus faible, mais qu'il n'est pas nul pour autant. Dès lors que le masque n'est pas dangereux, pourquoi s'en priver ? Pallier les limites de la distanciation Mais ce dernier argument n'est probablement pas le cœur du raisonnement que tiennent aujourd'hui les autorités. «En extérieur» est en fait assez flou. Il y a en réalité des myriades de situations. Dans la majorité des rues, certes, la distance entre les gens est probablement grande, rendant la distanciation physique facilement applicable. Mais, dans une minorité des cas, il n'en est rien : quartiers anciens aux rues étroites, zones commerciales en plein air - que l'on pense aux images de certains marchés qui avaient choqué après la levée du confinement -, centres-villes où se concentrent les activités festives, etc. Dans la capitale ou ailleurs, à proximité de bars et de restaurants, il n'est pas rare de voir le soir de petites foules compactes dont les membres, sans la moindre distanciation, ne portaient pas toujours le masque. En pareilles circonstances et en pareils lieux, alors que les contaminations concernent aujourd'hui surtout les jeunes, le masque apparaît comme un outil simple pour pallier ces limites. Les autorités, qu'elles soient locales ou nationales, l'ont vite compris et, ces dernières semaines, des arrêtés ont été pris dans de nombreuses villes rendant obligatoire le port du masque selon les quartiers voire les rues, en fonction de leur densité. Ici, portez le masque, faîtes dix mètres, et vous pouvez l'ôter. Cinquante mètres plus loin, remettez-le. Le risque de s'y perdre n'a pas échappé à de nombreux Français, comme Ségolène, 25 ans, qui témoigne à l'AFP : «C'est plus clair comme ça. Avant, avec seulement quelques quartiers concernés, ça prêtait à confusion». À LIRE AUSSI :Conspirationnisme, défiance... Les anti-masque français refusent «la muselière» Il est probable qu'en certains endroits, le port du masque à l'extérieur est superfétatoire, mais la politique en la matière risquait de tourner à la zizanie s'il avait fallu, au cas par cas, lieu par lieu, trancher la question de son utilité. Pour éviter une casuistique fastidieuse, le plus simple n'était-il pas de le généraliser ? Point de liste interminable à établir, laquelle aurait d'ailleurs pu varier dans le temps, selon le niveau atteint par l'épidémie, ajoutant ainsi à la cacophonie. À établir, mais aussi à retenir pour la population. Aux récalcitrants qui s'opposent par choix quasi philosophique au masque, à ceux qui, plus simplement, n'en sont pas à une incivilité près, s'ajoutent certainement ceux qui ignorent qu'en tel lieu, le masque est de rigueur. Avec la généralisation du masque, le port de celui-ci devient tout simplement la nouvelle règle en cas de circulation active du virus, les exceptions se comptant sur les doigts de la main (les vélos à Paris, par exemple). Cet argument de la simplicité pèse lourd dans une période où la communication gouvernementale - surtout à propos des masques - a pour le moins été confuse. Qu'on se souvienne, lors des plus de deux mois de pénurie, des arguties sur sa dangerosité éventuelle. Les stocks stratégiques étant vides, il s'agissait surtout de les réserver aux soignants, gravement sous-équipés, sans avouer qu'ils manquaient. Si l'offre fait défaut, il suffit de réduire la demande. Eviter un reconfinement Cette généralisation s'inscrit par ailleurs dans la volonté affichée par les autorités de tout faire pour éviter un reconfinement généralisé que rendrait nécessaire une seconde vague ayant la même ampleur que la première. Le premier ministre l'a déclaré mercredi sur France Inter : «Le pire de tout, c'est que l'on s'enfonce, parce que l'on ne reprend pas l'activité, dans une crise économique et sociale qui serait – les Français le sentent bien – beaucoup plus dangereuse que la crise sanitaire». Or, inutile d'opposer crises sanitaire, économique et sociale : si un confinement pèse effectivement lourd sur l'économie - avec le plus fort recul au monde en termes de PIB au premier semestre (-12,5%), la France le sait bien - il est absurde d'en conclure que le confinement était économiquement la mauvaise solution. Car, en effet, on ne sait pas si les conséquences sanitaires d'une absence de confinement n'auraient pas été pires encore. Pour pouvoir relancer l'économie et éviter une crise sociale terrible, il faut éviter un confinement. Mais, encore faut-il, pour éviter un confinement, que la situation sanitaire le permette. En conclusion, la généralisation du port du masque, excessive selon certains, peut être lue comme un exemple typique de politique du «moindre mal». Certes, le masque paraît inutile ici, mais pourrait en même temps pallier là les limites vite atteintes de la distanciation physique. Pour éviter la zizanie, le porter partout n'apparaît-elle pas comme la solution la plus simple à défaut d'être la plus satisfaisante ? Car le masque occasionne aussi une gêne sociale, à la fois pratique (inconfort, notamment en entreprise) et symbolique (la tristesse d'une société masquée), difficilement mesurable, mais pas forcément négligeable. Gageons que cette peine permette d'éviter celles, vécues ou redoutées, de l'épidémie elle-même (et de ses morts), du confinement (et de l'isolement qu'il crée), enfin de la paupérisation qu'engendrerait une relance économique indéfiniment repoussée. uploads/Politique/ expose-argumentatif-identifier-la-these-et-les-arguments.pdf

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