Recherche & Formation « Éthique ou morale ? » Jacques Lagarrigue, Guy Lebe Cite
Recherche & Formation « Éthique ou morale ? » Jacques Lagarrigue, Guy Lebe Citer ce document / Cite this document : Lagarrigue Jacques, Lebe Guy. « Éthique ou morale ? ». In: Recherche & Formation, N°24, 1997. Conscience éthique et pratiques professionnelles. pp. 121-130; doi : https://doi.org/10.3406/refor.1997.1405 https://www.persee.fr/doc/refor_0988-1824_1997_num_24_1_1405 Fichier pdf généré le 19/04/2018 AUTOUR DES MOTS « ÉTHIQUE OU MORALE ? » CfTTE RllbllioUE pROpOSE AUTOUR d'UN OU <1e OUeIoUES MOTS UNE IiaItE pENSWE À TRAVERS UN choix dt ciTATioNS siqNiFicATivss empruntées à des ÉpoouES, dis littx et des hoRizoNS diFFE- RENTS. L'emploi du mot « éthique » dont la fréquence ne cesse de croître au détriment d'ailleurs du terme « morale » constitue un phénomène majeur de société qui ne peut manquer d'interpeller. L'émergence de ce mot dans le champ des sciences de l'éducation est récent d'une dizaine d'années à peine, et les nombreux articles, numéros spéciaux des revues ou éditions diverses excitent autant la curiosité du chercheur ou du formateur qu'ils n'éveillent son interrogation, voire sa suspicion. Un premier réflexe pour le chercheur ou le formateur épris du sens des mots est d'ouvrir un dictionnaire ou un bon lexique de son domaine. Ainsi, devant cette émergence de l'usage du mot « éthique » comme de celui de « morale » prenons les ouvrages existants spécialisés dans le vocabulaire de l'éducation et de la formation, et tentons d'appréhender le sens et la portée de cette émergence. Le parti pris ici est de se limiter à des ouvrages accessibles comme des manuels, des dictionnaires, et de ne rete- ■ nir que des auteurs fréquemment cités. I UN CONSTAT D'ABSENCE RÉVÉLATEUR Si le mot « morale » figure dans tous les dictionnaires généraux ou philosophiques consultés, pour ce qui concerne celui d'« éthique », il n'en est pas de même. Le mot est absent du Dictionnaire abrégé de terminologie pédagogique de l'INRP (1 969), du Vocabulaire de l'éducation de Gaston Mialaret (PUF, 1 979), du Vocabulaire des formateurs (AFPA, 1 992), des 700 mots clés pour l'éducation (PUL, 1 992), et du Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation (Nathan, 1 994). Le mot est aussi absent des index des huit tomes du Traité des sciences pédagogiques 1 - Autour de ces mots, nous rencontrons aussi « déontologie ». Ce concept est plus clair mais mérite toute une série de nuances. Retenons la définition large : « Ensemble des règles et devoirs s'imposant à une profession ». La déontologie est du côté du droit, du légiféré. On parlera plutôt de code de déontologie. Pages 121-130 RECHERCHE et FORMATION • N° 24 - 1997 Autour des mots de Debesse et Mialaret (PUF, 1 969-1 978), comme de \' Encyclopaedia Universalis où il faudra attendre un supplément en 1 985 intitulé « Les enjeux » pour trouver une référence à ce concept sous la plume de Paul Ricœur dans un article « Avant la loi morale : l'éthique » (pp. 42-45) ou encore dans ce même ouvrage un autre article « La psychanalyse : une éthique du sujet » par Jean Clavreul (pp. 455-461) (2). Nous le trouvons cependant dans le Dictionnaire encyclopédique de la pédagogie moderne de Hotyat et Delépine (Nathan-Labor, 1 973), le Dictionnaire de la langue pédagogique de Foulquié (PUF, 1971) et dans le Vocabulaire psychopédagogique de Laïande (PUF, 1 969). Le mot apparaît cependant dans un ouvrage récent Pédagogie : dictionnaire des concepts clés de Raynal et Rieunnier (ESF, 1 997) Remar- 3uons d'emblée que ces deux derniers ouvrages ont été élaborés sous la direction e philosophes. Cette absence est significative au moment où l'on constate qu'apparaissent dans le champ de l'éducation et de la formation bon nombre de chartes, d'engagements qualité, de règlements intérieurs des formations (obligation inscrite dans le code du travail depuis 1 990), comme si, quand l'éthique fait défaut, ou se prononce peu, il fallait la remplacer par du prescrit, du contractuel. Le mot semble avoir quelques difficultés à entrer dans le champ lexical de l'éducation et de la formation, où on lui préfère « déontologie », « morale », « morale professionnelle » ou « valeur ». On défend les valeurs de l'école publique avec une morale professionnelle qu'ont bien connue plusieurs générations d'instituteurs et qui disparaît d'ailleurs du Code Soleil avec la partie déontologique à partir de l'édition , de 1981. 122 | UNE MÊME ÉTYMOLOGIE « Morale » vient du latin mos, mores et de moralis, traduction par Cicéron du grec ethos, dans les premières lignes de son De Fato : « Parce qu'elle a trait aux mœurs, en grec e/fjos; nous, pour désigner cette partie de la philosophie, nous disons couramment "philosophie" des mœurs, mais c'est le cas d'enrichir notre langue et de l'appeler morale. » « Éthique » et « morale » ont donc même origine et renvoient toutes deux aux mœurs et aux coutumes donc aux règles de conduite et à leur justification. Cependant, une première distinction peut être opérée grâce à Eric Weill : « On réserve parfois, mais sans qu'il y ait accord sur ce point, le terme latin à l'analyse des phénomènes moraux concrets, celui d'origine grecque au problème du fondement de toute morale 2 - Cependant, le terme apparaît dans la récente édition du Thésaurus, mais ne donne pas lieu à un article. RECHERCHE et FORMATION • N° 24 - 1 997 Autour des mots et à l'étude des concepts fondamentaux, tels que bien et mal, obligation, devoir, etc. » [Encyclopaedia Universalis, pp. 611 -61 9) LA MORALE Un système de règles de conduite : principaux sens • La morale se définit principalement comme une théorie de l'obligation ou bien un ensemble de règles de conduite d'action. Grand Robert, 1 983 (sens 3) : « Ensemble de règles de conduite découlant d'une conception de la morale. » (sens 4) : « Ensemble des habitudes et des valeurs morales (V. Mœurs), dans une société donnée. » Petit Larousse, 1 990 (sens 1 ) : « Ensemble des règles d'action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société. » Lalande, 1 990 (sens A) : (Une morale) « Ensemble des règles de conduite admises à une époque ou par un groupe d'hommes. - "une morale sévère. - Une mauvaise morale. - Une morale relâchée". » Weill (E.) : « La morale apparaît d'abord, et légitimement, comme le système des règles que l'homme suit (ou doit suivre) dans sa vie aussi bien personnelle que sociale. » [Encyclopaedia Universalis, pp. 61 1-619) Durkheim (E.) : « La morale est un système de règles d'action qui prédéterminent la conduite. Elles disent comment il faut obéir dans des cas donnés; et bien agir, c'est bien obéir. » [L'éducation morale, Paris, PUF, 1963, p. 21) « C'est la société qui les [les idées morales] a gravées en nous, et, comme le respect qu'elle inspire se communique à tout ce qui vient d'elle, les normes imperatives de la conduite se trouvent en raison de leur origine, investies d'une autorité et d'une dignité que n'ont pas nos autres états intérieurs : aussi leur assignons-nous une place à part dans l'ensemble de notre vie psychique. » [Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Alcan, 1912, p. 377) • Ou bien, se pose comme la poursuite d'une finalité. Grand Robert, 1 983 (sens 5) : Peu usit « État des mœurs dans lequel se marque la réalisation d'un idéal moral. Les progrès de la morale (Lalande). - Spécialt. Valeur morale. » Lalande, 1 990 (sens D) : « Conduite conforme à la morale, par exemple lorsqu'on parle des "progrès de la morale", en entendant par là, non un progrès des idées morales, mais la réalisation d'une vie plus humaine, d'une justice plus grande dans les relations sociales, etc. Voir Levy-Bruhl, La morale et la science des mœurs. » • Cette norme sociale peut alors prétendre alors à l'inconditionnel ou l'absolu, postulant une morale parfaite. Grand Robert, 1983 (sens 2) : « Ensemble des règles de conduite considérées comme valables de façon absolue. » RECHERCHE et FORMATION • N° 24 - 1997 Autour des mots Lalande, 1 990 (sens B) : « (La Morale) Ensemble des règles de conduite tenues pour inconditionnellement valables. » • De ce système d'obligation découle une intervention : faire la morale. Petit Larousse, 1 990 (sens 1 ) : « Faire la morale à quelqu'un, lui adresser des exhortations, des recommandations morales, le réprimander »; (sens 3) : « Précepte, conclusion pratique que l'on veut tirer d'une histoire. » Grand Robert, 1 983 (sens 6) : « Injonction, leçon de morale portant sur un point particulier. (V. Admonestation, leçon, parénèse.) [...] Faire la morale à quelqu'un, à soi-même (cf. Incartade). (V. Réprimande.) Spécialt. Courte pièce ou conclusion en forme de leçon de morale. (V. Apologue, maxime, moralité. La morale d'une fable.) Par ext. Précepte moral qu'on peut tirer d'une histoire. La morale de cette histoire. » Morale et sciences humaines • Dans le champ des sciences humaines la morale prend un sens descriptif des faits et se rattache uploads/Philosophie/ e-thique-ou-morale.pdf
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- Publié le Nov 06, 2022
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