L'autonomie de l'apprenant en questions Concernant la problématique de l'autono
L'autonomie de l'apprenant en questions Concernant la problématique de l'autonomie, la représentation habituelle, courante, correspond à la revendication adolescente bien connue "être autonome, c'est se débrouiller (tout) seul". Il faut bien percevoir à quel niveau de connaissance nous nous situons : comme le soleil tourne autour de la terre dans notre perception immédiate (et même Copernic avait cette perception immédiate), l'autonomie, c'est ne pas avoir de comptes à rendre, décider seul de ce que l'on doit et veut faire. Bien évidemment, nos connaissances immédiates ne sont jamais totalement fausses. Si je prends la terre pour point fixe de l'observation, c'est bien le soleil qui lui tourne autour ! Mais si je considère l'univers comme le fit Copernic, cette vérité devient partielle et s'inscrit dans une vérité plus large qui la réinterprète. De même, il est évident que l'autonomie c'est avoir un poids dans la prise de décisions. Mais ce qui masque tout le reste chez l'adolescent avide de liberté (par exemple qu'il dépend financièrement de ses parents) n'est là aussi qu'une vérité partielle. Cette liberté s'inscrit dans un jeu de contraintes auxquelles l'adolescent ne peut échapper. Victime de sa trop courte vue et du poids quotidien, familier, des mots, la recherche appliquée qui se limite à des réponses immédiates affublées d'un pseudo bon sens (prétendue recherche qui n'a d'autre fonction que d'assoupir, répétons-le) répond : "l'autonomie, c'est effectivement travailler seul". Et voilà nos commerciaux en logiciels (nous disons bien commerciaux et non concepteurs même si quelques concepteurs agissent en purs commerciaux) et nos comptables de Centres de langues ravis. En effet, ne recevant pas de salaire, une machine permet de se limiter au coût de l'investissement initial et à des dépenses de fonctionnement réduites. Notons que l'on ne saurait reprocher cette attitude aux commerciaux et aux comptables. En pensant ainsi, ils ne font que leur travail. Page 73 Nous serons plus réservés sur la responsabilité des concepteurs qui tiennent ce type de discours. D'une part, l'apprenant n'y trouve pas son compte, d'autre part commerciaux et comptables ne peuvent que déchanter puisqu'ils devront, un jour ou l'autre, ajouter aux dépenses prévues l'emploi d'un enseignant ou d'un tuteur. Approche d'une définition. http://alsic.u-strasbg.fr Vol. 1, Numéro 1, juin 1998 pp 73-77 Points de vue Henri PORTINE Université de Bordeaux 3 , France omme l'art urbain, la recherche — qu'elle soit fondamentale (c'est-à-dire " portant sur les fondements du savoir ") ou appliquée (c'est-à-dire " portant sur les relations du savoir à l'action sur le monde "), et la recherche en didactique est une recherche appliquée — peut chercher à assoupir (en proposant des réponses traditionnelles), à questionner, ou à révolter (c'est-à-dire à entraîner soit une réaction de rejet soit un basculement dans les fondements mêmes des conceptions). Pour notre part, nous préférerons la recherche questionnante. La forme de la question ne peut être seulement "qu'est-ce que X ?", bien sûr. Ce n'est pas de ce type de questions — toujours présent dans la recherche — qu'il s'agit ici. La forme de la question sera aussi "est-ce que X est bien de la forme Y ?", Y étant la représentation habituelle ou traditionnelle de X, et donc la réponse que donnera une recherche assoupissante (pour reprendre le terme utilisé ci-dessus). Que répondra la recherche en didactique qui a pour fonction de questionner ? La réponse sera claire : l'autonomie, c'est construire un projet d'action et gérer la réalisation de ce projet au sein d'une structure qui définit les contraintes globales et apporte une aide lorsqu'elle est nécessaire. Caractérisation approchée de la procédure d'autonomisation. Deux cas sont à envisager : z 1. L'apprenant fonctionne en autodidaxie. z 2. L'apprenant fait partie d'un groupe-classe. 1. L'apprenant fonctionne en autodidaxie. Dans ce cas, l'apprenant a un projet initial. Ce projet est généralement flou. Il pourra s'inscrire au Centre de ressources du Centre de langues où il bénéficiera de l'appui d'un tuteur qui l'aidera dans un premier temps à préciser son projet et à le subdiviser en projets partiels, plus facilement cernables. Le tuteur aura ensuite pour tâche de s'effacer au maximum tout en étant là pour lui éviter les faux pas qui le déséquilibreraient trop (et en le laissant réaliser les faux pas qui — au contraire — le renforceront dans sa démarche). Le tuteur doit donc être capable de distinguer les erreurs et les mauvais aiguillages qui mettent en péril le projet (parce qu'ils découragent l'apprenant, parce qu'ils sont difficilement surmontables, etc.) et ceux qui rendent l'apprenant plus fort et plus avisé lorsqu'ils sont surmontés. L'apprenant doit aussi se construire des paliers évaluatifs. Là encore, l'aide du tuteur sera précieuse. Normalement, au fur et à mesure qu'évolue le projet (évolue et non se réalise car toute mise en oeuvre d'un projet le transforme), l'apport du tuteur doit tendre à diminuer, voire à disparaître. 2. L'apprenant fait partie d'un groupe-classe. Dans ce cas, la coopération de l'enseignant et du tuteur du Centre de ressources du Centre de langues sera nécessaire. Dans l'enseignement traditionnel, l'élève est individué, c'est-à-dire que — lorsqu'il est considéré en tant qu'individu — il n'est pas pris en compte dans son individualité mais comme un échantillon moyen des individus du groupe. Dans une procédure d'autonomisation, l'élève est individualisé. Il est à la fois membre du groupe-classe (car l'individualisation des élèves ne signifie pas la disparition du groupe-classe en tant qu'entité, notamment pour certaines tâches) et individualité ayant son projet propre et ses caractéristiques personnelles. L'enseignant doit être capable de co-gérer la réalité du groupe-classe et ses exigences et les réalités individuelles avec leurs exigences. Le Centre de ressources jouera un rôle analogue à celui qu'il joue dans le cas d'un apprenant en autodidaxie. Toute la difficulté est alors d'harmoniser l'individualisation de l'élève au sein de certaines activités du groupe-classe (celles qui ne sont pas des travaux de groupe) et son travail d'apprenant à la fois dans les activités de groupe et dans ses activités individuelles. Rappelons que la pédagogie Freinet proposait des techniques d'autonomisation des élèves. Page 74 Remarquons que nous ne disons rien de plus que ce qui a été dit et répété au CRAPEL (Université de Nancy 2). S'il faut répéter, voire marteler, cela aujourd'hui, c'est tout simplement parce que les appareillages électronico-informatiques font croire à certains que l'on peut se passer d'enseignant, une machine faisant très bien l'affaire. Nous avons déjà entendu le discours suivant, tenu par des responsables de Centres de langue privés, enseignant principalement l'anglais bien évidemment : pour les cadres, nous avons recours à l'enseignement en présentiel ; pour les employés et pour la maîtrise (le niveau intermédiaire entre les employés et les cadres), nous utilisons des centres de ressources (entendez : des salles multimédias). Ce discours, tenu par des gestionnaires, n'a rien de scandaleux en soi. Mais, si nous tenons, nous qui ne sommes pas des gestionnaires mais des méthodologues de l'enseignement/apprentissage des langues, un langage qui les conforte dans leur position, nous ne jouons pas notre rôle et nous les trompons. Cela ne signifie pas que nous sommes hostiles aux applications informatiques. Bien au contraire, nous pensons que les postes de formation multimédia (PFM) sont appelés à jouer un rôle important dans l'accession de l'apprenant à son autonomie. La vraie question n'est pas "faut-il recourir ou non à des PFM ?" mais "dans quel contexte faut-il intégrer les PFM ?" La question du contexte de l'apprentissage est fondamentale pour l'autonomie. Avant l'invasion du multimédia liée à l'apparition des micro-ordinateurs au début des années 70 et à leur commercialisation au début des années 80, le CRAPEL avait mis en place une salle où coexistaient des cabines de laboratoire pour le son, des bancs de visionnement vidéo, et un comptoir d'emprunt de documents. Il y avait là l'amorce d'une réflexion sur l'espace de formation qui est l'un des trois paramètres contextuels de la mise en place de procédures d'autonomisation de l'apprenant. Le deuxième paramètre est le tuteur, dont nous avons grossièrement défini le rôle. Le troisième paramètre est le temps. Dans la constitution de l'autonomie, le temps joue un rôle important car il doit être géré comme une composante du processus. Les deux principales erreurs de la réponse immédiate (l'autonomie c'est travailler seul) sont les suivantes : z elle considère que l'autonomie est purement individuelle alors que l'autonomie est un rapport (complexe) apprenant/tuteur ; z elle considère que l'autonomie s'obtient ou s'acquiert par un saut qualitatif brutal, alors qu'il s'agit d'un processus en spirale, avec des reculs (liés à des pertes de confiance que l'apprenant peut avoir vis-à-vis du tuteur éventuellement mais surtout vis-à-vis de lui-même), avec des avancées brutales (faisant penser aux expériences-déclics que Vygotski appelait " ah !-ah ! expériences "), avec des phases de latence et des progressions lentes. L'erreur de la réponse immédiate est d'autant plus surprenante qu'elle aurait pu trouver matière à réflexion dans le langage courant. En effet, le mot autonomie s'oppose à indépendance. Et l'étude de l'histoire, obligatoire dans nos cursus, mais aussi l'actualité nous apprennent la différence entre un pays indépendant et un territoire autonome. Esquissons les questions que doit uploads/Management/ alsic-n01-poi1.pdf
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- Publié le Mai 21, 2021
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