LA PROGRAMMATION NEURO-LINGUISTIQUE ou l'art de manipuler ses semblables par Ch

LA PROGRAMMATION NEURO-LINGUISTIQUE ou l'art de manipuler ses semblables par Christian BALICCO Il nous paraît bien difficile de décrire en quelques pages, de manière exhaustive, quels sont les présupposés, les fondements et les objectifs de la PNL. Notre approche sera, de ce fait, relativement synthétique. Pour tous ceux qui, au terme de leur lecture, souhaiteront aller plus loin dans la réflexion, une bibliographie sommaire est proposée à la fin de cet article. Le fait que la PNL soit une méthode très utilisée en psychothérapie ainsi que dans le domaine des ressources humaines — notamment dans le cadre de la formation continue et, dans une moindre mesure, dans le recrutement — ne doit pas faire croire au lecteur que sa fréquence d'utilisation serait une preuve de sa pertinence, bien au contraire. I. TENTATIVE DE DÉFINITION DE LA PNL Donner une définition de la PNL semble impossible tant la diversité de celles que nous avons consultées est grande. Pour certains, elle serait "une étude de l'expérience subjective", ou une "nouvelle approche de la communication et du changement" ; pour d'autres, sautant allègrement le pas de la communication à la psychologie, elle serait une "nouvelle approche de la personnalité". Quelles que soient les définitions proposées, la stratégie est toujours la même : derrière un hermétisme pseudo-conceptuel, elles tentent, par le biais d'un discours plus ou moins obscur, de dissimuler un nombre incalculable de contrevérités — parfois naïves, souvent grossières — comme cette petite étude permettra de s’en rendre compte. Ainsi, à titre d'illustration de cet hermétisme pseudo-conceptuel : "La PNL serait un processus et le modèle d'un processus"; elle serait "un modèle de l'expérience subjective et la manière dont cette expérience influe sur notre comportement. En tant que modèle la PNL peut être considérée comme une "épistémologie" de l’expérience. Les modèles épistémologiques tels que le modèle de la PNL sont des modèles uniques dans la mesure où l'acte de penser à de tels modèles les fait devenir une partie de notre expérience" (Dilts, 1995) (1) II. FONDEMENTS ET ORIGINE DE CETTE MÉTHODE Pour un de ses "spécialistes", la PNL a été conçue dans les années 1970 en "croisant les apports méthodologiques de la cybernétique, de l'informatique, de la linguistique avec, d'une part, les approches communicationnelles issues de l'École de Palo Alto et d'autre part, l'apport des sciences cognitives" (Cayrol, 1990). De telles origines pourraient immédiatement faire croire à une certaine légitimité de la méthode. En effet, ces différentes disciplines ne sont-elles pas enseignées dans les universités les plus prestigieuses de la planète ? Ne constituent-elles pas, pour une majorité d’entre elles, les fondements de la plupart des disciplines scientifiques ? Mais qu'en est-il véritablement ? Quand on connaît l'extrême complexité de disciplines comme la neurologie (2), la linguistique où les sciences cognitives (et la cybernétique), on pourrait légitimement s'attendre à une explication de la PNL relativement difficile d'accès, notamment pour le néophyte. C'est pourtant loin d'être le cas puisque pour Hevin et Turner, deux illustres praticiens de la méthode, la PNL s'intéresse à la "programmation créée par les interactions entre le cerveau (neuro), le langage (linguistique) et le corps qui produisent aussi bien des comportements efficaces qu'inefficaces". Ces deux "génies" ont donc découvert que nous nous servions d'un langage pour communiquer et que nous utilisions notre cerveau et notre corps pour nous faire comprendre d'autrui. Cette explication, qui n'est d'ailleurs pas tout à fait fausse, illustre parfaitement la complexité intellectuelle de cette « discipline » (?) et, plus sérieusement, la stratégie sous-jacente qui est de rendre compliqué ce qui, est pourtant simple (3). Bien évidemment, n'ayant pas encore suivi les différentes recettes préconisées par les "spécialistes de la PNL", nous ne pouvons malheureusement pas éviter encore les comportements inefficaces (par opposition aux comportements supposés efficaces…). La simplicité intellectuelle de la PNL - tant au niveau de ses fondements que de ses objectifs - est d'ailleurs ce qui fait son succès. Acquise en quelques semaines dans des "Instituts" ou des "Centres de développement" et ouverte au "tout venant" sans autre obligation que de s'acquitter du prix - généralement prohibitif - de la formation, la PNL fascine un public peu formé à la démarche scientifique et surtout extrêmement naïf et crédule dès lors qu'il est question de "communication", de "développement personnel" ou de "psychologie"(4). III. LA PNL EST-ELLE UNE SCIENCE ? La PNL est présentée comme la synthèse d'un travail d'observation et de compréhension. Elle se fixe comme ambition de "mieux communiquer" avec autrui ou, pour être plus précis, "d'atteindre l'excellence en matière de communication". Même si l'objectif est louable en soi, les praticiens de cette méthode ont la fâcheuse tendance à négliger certains détails, les uns touchant aux fondements scientifiques, les autres à la dimension éthique. A. Les fondements scientifiques : Comme le précise Yves Winkin après sa lecture de divers ouvrages de PNL, "l'univers scientifique est régulièrement évoqué à travers des noms et des titres célèbres, mais l'attitude générale n'est pas celle de la recherche, du questionnement, de l'évaluation critique. C'est celle de l'application claire, concrète, rapide sur les bases "des découvertes de la science" (1990). Illustrons notre position par quelques exemples La PNL se réfère à "l'école de Palo Alto" : Il est toujours intéressant de rencontrer des "maîtres praticiens en PNL" qui font référence à cette "institution" en oubliant — ou en ignorant — que cette "école" n'est pas un centre universitaire comme certains le supposent encore mais une communauté de chercheurs et de cliniciens regroupés autour de Grégory Bateson. Inutile de préciser — hormis le fameux présupposé : "Nous ne pouvons pas ne pas communiquer" — que la PNL ne se réfère aux travaux de cette école que de manière extrêmement superficielle et, disons-le, tout à fait personnelle (5). La grammaire transformationnelle de Chomsky : Les praticiens de la PNL s’en remettent constamment à la théorie linguistique de cet auteur mais en oubliant de préciser que les expressions utilisées sont totalement détournées de leur sens. Ainsi, à titre d'exemple, les PNL'istes n'hésitent pas à se servir de la "structure de surface" qui, pour eux, devrait "aider le sujet à retrouver son expérience sensorielle initiale et enrichir son modèle du monde". Les PNL'istes se servent ainsi d'une théorie de nature linguistique pour légitimer un discours à objectif psychothérapeutique. Une telle dérive ne relève pas du simple hasard : après avoir suivi deux ou trois semaines de séminaires en PNL, certaines personnes n'hésitent pas à se présenter comme des "psychothérapeutes" (6), en faisant croire à leurs patients - à travers des titres ronflants, "Maître praticien en PNL » par exemple - qu'ils sont de véritables spécialistes du soin. L'interprétation abusive : Comme tous "les marchands de certitude", les praticiens de la PNL n'hésitent pas à interpréter le moindre de nos comportements — de la même façon que les "gestuologues" — et à leur donner une signification psychologique, obligatoirement univoque (7). Dans cette perspective, ils attachent une grande importance au regard ou, plus précisément, aux mouvements des yeux. Ainsi, pour les PNL'istes, il existerait six mouvements oculaires qui constitueraient une sorte de grille de lecture et l'observation des yeux permettrait de préciser si le sujet dit ou non la vérité. A titre d'exemple, si on prend un "visuel" droitier et qu'on lui pose la question "Qu'as-tu regardé à la télé hier soir ?", il devrait regarder en haut et à gauche : c'est ce que les PNL'istes appellent le "visuel souvenir". Si ce n'est pas le cas, c'est que vous ne dites pas la vérité (CQFD) et, tant pis, si ça ne « marche » pas à tous les coups ! Malheureusement, comme le souligne le rapport 2001 de la MILS, et au risque de décevoir nombre de PNL’istes qui croient dur comme fer à cette gigantesque fumisterie, que - au niveau des validations scientifiques - «les hypothèses relatives aux mouvements oculaires ont été infirmées (8)». La notion de programmation : Il est incontestable que certains de nos comportements constituent des automatismes mais la question qui se pose est de savoir si on peut pour autant les généraliser à l'ensemble de nos comportements. Cette notion de programmation empruntée à l'informatique présuppose donc une vision extrêmement déterministe et rigide de notre comportement. Une fois programmé, l'être humain ne pourrait plus, en effet, le changer car celui-ci serait dicté par ses programmes. Or, contrairement aux PNL'istes, personne n'a encore réussi à identifier quels sont les facteurs qui interviennent dans un comportement. Comme le souligne d'ailleurs le psychiatre Édouard Zarifian : "Le changement existe dans les comportements psychologiques humains : cela s'appelle l'adaptation aux circonstances". Cette notion d'adaptation — qui présuppose une souplesse à la fois intellectuelle et cognitive de notre action par rapport à notre environnement — va donc à totalement l'encontre de cette notion de programmation qui suppose une rigidité de nos comportements. Fort heureusement, cette mauvaise programmation qui nous conduit à des comportements forcément inefficaces possède sa solution et légitime l'action des PNL'istes grâce à l'installation de nouveaux programmes. La distinction entre le fonctionnement d'un ordinateur (et ses logiciels) et celui d'un être uploads/Management/ 152.pdf

  • 39
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Nov 10, 2021
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1759MB