UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3 ÉCOLE DOCTORALE 120 – LITTÉRATURE FRANÇA

UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3 ÉCOLE DOCTORALE 120 – LITTÉRATURE FRANÇAISE ET COMPARÉE Thèse de doctorat Langue, littérature et civilisation françaises Camilo BOGOYA GONZÁLEZ PASCAL QUIGNARD : MUSIQUE ET POÉTIQUE DE LA DÉFAILLANCE Sous la direction de Marc DAMBRE Soutenue le 14 janvier 2011 Jury : M. Marc DAMBRE, Professeur émérite, Directeur de thèse M. Philippe DAROS, Professeur, Examinateur M. Dominique RABATÉ, Professeur, Rapporteur M. Eduardo RAMOS-IZQUIERDO, Professeur, Rapporteur 2 REMERCIEMENTS Je remercie en premier lieu mon Directeur de thèse, M. Marc Dambre, Professeur émérite à l’Université de Paris 3. Sa lecture critique et profonde, ses conseils avisés et son encouragement ont été cruciaux dans le lent mûrissement d’une somme d’ébauches et de brouillons qui trouvent ici leur visage dernier. Je tiens à exprimer mes remerciements aux membres du jury, MM. les Professeurs Philippe Daros, Dominique Rabaté et Eduardo Ramos-Izquierdo, qui ont bien accepté d’évaluer mon travail. J’exprime ma gratitude à Sarah Enees, à Benoit Braunstein et à Laure Issaurat qui m’ont aidé à ne pas me noyer dans la marée du langage. 3 SOMMAIRE INTRODUCTION ……………………………………………………………………….. 6 PREMIÈRE PARTIE : LANGAGE ET DÉFAILLANCE ……………………………… 28 Chapitre I : Le langage, cet adversaire……………………................................................ 31 Chapitre II : La littérature comme défaut du langage ……………………………………. 58 Chapitre III : La fragmentation comme expression de la défaillance …………………… 97 Chapitre IV : Les voix hallucinogènes : une réponse à la tension fragmentaire…………. 127 DEUXIÈME PARTIE : LA DÉFAILLANCE SONORE ……………………………….. 166 Chapitre I : La musique comme forme du langage : de la lyre d’Orphée à la perdition de Boutès ……………………………………………………………………………………. 174 Chapitre II : La défaillance sonore ………………………………………………………. 217 Chapitre III : Figures du silence …………………………………………………………. 259 TROISIÈME PARTIE : DÉFAILLANCES, DIFFICULTÉS ET ÉCRITURE AUTOBIOGRAPHIQUE ………………………………………………………………... 301 Chapitre I : Une recherche obscure et tourmentée ………………………………………. 307 Chapitre II : Les marges de la défaillance ……………………………………………….. 352 Chapitre III : La défaillance autobiographique ………………………………………….. 398 CONCLUSION ………………………………………………………………………….. 458 BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………. 463 INDEX …………………………………………………………………………………... 502 4 « À un certain moment, les circonstances, c’est-à-dire l’histoire, sous la figure de l’éditeur, des exigences financières, des tâches sociales, prononcent cette fin qui manque, et l’artiste, rendu libre par un dénouement de pure contrainte, poursuit ailleurs l’inachevé » Maurice Blanchot, L’Espace littéraire (1955). 5 LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES1 1. Livres A : Albucius B : Boutès C : Carus CP : Le Petit Cupidon DR, I : Les Ombres errantes DR, II : Sur le jadis DR, III : Abîmes DR, IV : Les Paradisiaques DR, V : Sordidissimes DR, VI : La Barque silencieuse EB : L’Être du balbutiement EC : Les Escaliers de Chambord EE : Écrits de l’éphémère EW : Ethelrude et Wolframm GT : Georges de La Tour LEZ : Lycophron et Zétès LM : La Leçon de musique LR : La Raison LS : Le Nom sur le bout de la langue LV : Le Vœu de silence LVCM : L’Enfant au visage couleur de la mort MD : Michel Deguy NS : La Nuit sexuelle OA : L’Occupation américaine PD : La Parole de la Délie PT, I ; PT, II : Petits Traités I ; Petits Traités II RE : Rhétorique spéculative SE : Le Sexe et l’effroi SW : Le Salon du Wurtemberg TB : Les Tablettes de buis d’Apronenia Avitia TMM : Tous les matins du monde TR : Terrasse à Rome TT : Triomphe du temps VA : Villa Amalia VS : Vie secrète 2. Textes divers PQS: Pascal Quignard le solitaire : rencontre avec Chantal Lapeyre-Desmaison, Paris, les Flohic, coll. « Les Singuliers », 2001. VP : « La voix perdue », Adriano Marchetti (dir.), Pascal Quignard : la mise au silence, Seyssel, Champ Vallon, 2000, pp. 7-35. 1 Nous citons toujours la dernière édition. Il s’agit, dans la plupart des cas, de celle de la collection Folio ou de celle des éditions Galilée pour les ouvrages qui ne sont pas publiés en livre de poche. 6 INTRODUCTION Auteur canonique au sein de la littérature contemporaine, Pascal Quignard dessine à travers son œuvre un parcours tout à fait singulier. Traducteur et essayiste, lecteur et romancier, ayant publié des livres à neuf exemplaires ou à des tirages considérables, il propose une fonction complexe de la littérature. Sans vouloir être le porte-parole d’une génération, cherchant à faire surgir l’imprévisibilité du texte, construisant une mythologie spéculative et personnelle, Quignard interroge des problématiques inédites. Hétérogène dans sa forme, récurrent dans ses thèmes, l’auteur explore à chaque livre une structure propre, un chant singulier. Cependant, sa diversité peut se condenser en deux grandes stratégies. Au son rude, brutal, sec et discontinu, s’oppose un accent linéaire, intime, avançant par prolifération. Les deux musiques sont pourtant reliées par leur mélancolie, leur lucidité et leur cadence. Elles peuvent résonner en même temps, intégrées à un même ouvrage, ou bien marquer le passage d’un livre à l’autre. Cette dynamique pendulaire illustre la spécificité d’une œuvre qui avance à partir d’un ensemble de paradoxes : faire appel au savoir pour exprimer l’incertain, dire l’autobiographie pour mieux disparaître, révoquer les genres pour en proposer un – le non-genre total. L’ambiguïté traverse cette littérature au point que la fascination qu’elle suscite enfante une gêne. Il s’agit d’une écriture qui, notamment dans son versant fragmentaire, revendique la difficulté. Elle ne réclame pas du lecteur une complicité confortable, elle tente de faire de la lecture, plus qu’une rencontre, une collision. Cette expérience de choc est façonnée par l’énonciation du langage, la juxtaposition de styles, l’exigence cognitive et mnémotechnique, par la démesure même de la parole quignardienne. Son excès peut être considéré comme une richesse, sa surabondance comme un défaut. Néanmoins, toute appréciation de ce type constitue un jugement que l’œuvre dépasse, de même qu’elle se positionne dans une expérience des limites : les marges de l’indécidable, les frontières du mutisme, l’effroi du sonore et du sexuel, le retour impossible vers les origines, la scène primitive et le deuil, telles sont ses thématiques. Limites qui secouent également les formes pour transgresser aussi bien les contours de l’essai que les conventions rhétoriques de la fiction. Limites pour effacer l’écart entre la main qui signe la paternité du texte et la main qui réécrit les textes du passé. Expérience des limites, enfin, pour amener à la surface de la page les profondeurs de l’intime. Ces marges font référence, il faut le préciser, à deux mythes fondateurs qui hantent la littérature quignardienne. L’un annonce l’unité, l’autre la dissolution, l’un dit la lecture en tant 7 qu’expérience fondamentale, l’autre le premier royaume en tant que grotte utérine à jamais perdue. L’œuvre est le déploiement inlassable de ces deux phénomènes. D’une part, tous les livres sont configurés par l’injonction d’écrire en lisant. Il s’en détache, plus qu’une mémoire spécifique de la littérature, une archéologie des textes historiques, anthropologiques, philosophiques, psychanalytiques, littéraires qui donnent à l’écriture un caractère encyclopédique et érudit, mais non moins incertain. D’autre part, la question du pré-verbal, à l’échelle du sujet ou de l’humanité, voue cette littérature à une restitution imaginaire de l’inaccessible. Si lire et écrire se disposent dans un rapport de continuité, en revanche le passage du premier au dernier royaume signale une opposition irréconciliable. Évoquer cette fracture, régresser dans le temps, chercher les indices d’une narration pour exprimer le défaut du langage sont les prolongations de ce deuxième mythe. Aussi bien la lecture que la nuit utérine structurent une œuvre fortement spéculative, dont l’ambition première a été jugée à travers le prisme de l’obscurité. Cependant, au fil des décennies, la littérature quignardienne ne cesse de diversifier et sa portée et sa réception. L’intérêt croissant que la critique lui porte montre la place qu’elle occupe à l’intérieur de l’histoire récente. L’œuvre dialogue ainsi avec les notions majeures de la critique contemporaine : le retour du récit, la question de l’hybridité des genres, la dynamique de l’autobiographie, le statut du fragmentaire. Cette réception déborde les études spécialisées. Les institutions littéraires comme les travaux d’autres artistes témoignent du retentissement de l’œuvre dans le champ culturel du début du XXIe siècle. Malgré l’ampleur de sa résonance, cette écriture continue à revendiquer sa solitude et son autonomie ; elle est profondément insoumise aux règles collectives et au langage du groupe. Elle s’éloigne volontiers du désir de transmettre, elle se met à l’écart de toute tentative de sacralisation. Elle tient à une éthique, c’est-à-dire à une quête personnelle qu’il faut défendre en marge des commandements de la Cité, du marché, des hommes d’État et des religieux ; et à une érotique de la littérature, c’est-à-dire à une expérience de la fascination accomplie par la volupté du savoir hypothétique et de la parole. Œuvre d’une étrangeté incontestable, porteuse de l’excès et du ressassement, elle est en train d’écrire une page dans l’histoire littéraire. Nous allons étudier l’espace de cette page aussi sidérante que sophistiquée, aussi inquiétante que difficile à appréhender. 8 Étudier le contemporain Une remarque préliminaire est à formuler, à savoir la double impossibilité de l’accès au contemporain. Double parce qu’il n’y a pas de distance vis-à-vis de l’objet d’étude, et parce que uploads/Litterature/ pascal-quignard-musique-et-poetique-de-la-defaillance.pdf

  • 35
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager