BIBLIOTHÈQUE ALLEMANDE Collection dirigée par JEAN-MARIE VALENTIN de l’Académie
BIBLIOTHÈQUE ALLEMANDE Collection dirigée par JEAN-MARIE VALENTIN de l’Académie allemande de littérature Professeur à la Sorbonne NOVALIS HYMNES À LA NUIT suivis des CHANTS SPIRITUELS et des DISCIPLES À SAÏS DANS LA MÊME COLLECTION Eduard Mörike, Poèmes / Gedichte, texte traduit par Nicole Taubes et présenté par Jean-Marie Valentin Gotthold Ephraim Lessing, Dramaturgie de Hambourg, texte traduit et présenté par Jean-Marie Valentin Johann Gottfried Seume, Ma vie, texte traduit et présenté par François Colson Johann Wolfgang Goethe Le Divan d'Orient et d'Occident / West-Östlicher Divan, texte traduit et présenté par Laurent Cassagnau Friedrich Schiller, Écrits sur le théâtre, texte traduit et présenté par Gilles Darras Stefan George, Feuilles pour l’art, 1892-1919. Et autres textes du cercle de George, textes traduits et présentés par Ludwig Lehnen E.T.A. Hoffmann, Les Élixirs du diable, nouvelle traduction et introduction par Jean-Jacques Pollet Joseph von Eichendorff, De la vie d’un vaurien nouvelle traduction et introduction par Philippe Forget B I B L I O T H È Q U E A L L E M A N D E PARIS LES BELLES LETTRES 2014 NOVALIS HYMNES À LA NUIT (Version de l’Athenäum et version manuscrite), suivis des CHANTS SPIRITUELS et des DISCIPLES À SAÏS NOUVELLE TRADUCTION ET INTRODUCTION PAR AUGUSTIN DUMONT Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays © 2014, Société d’édition Les Belles Lettres 95 bd Raspail 75006 Paris ISBN : 978-2-251-83009-4 www.lesbelleslettres.com Retrouvez Les Belles Lettres sur Facebook et Twitter. En souvenir de Viviane Haanen-Dumont, ma grand-mère paternelle, et de ses clairs-obscurs germaniques. NOVALIS ET SA TRADUCTION (D’UN ÉTRANGER À L’AUTRE) I Le poète, romancier, philosophe, juriste, géologue, minéralogiste et ingénieur des Mines Friedrich von Hardenberg (1772-1801), alias Novalis, ne fait pas partie de ces auteurs oubliés dont l’exhumation, par une maison d’édition bienveillante, se verrait justifiée par un jubilé ou un certain sens du devoir d’ordre historique. Entrés par la grande porte dans le paysage francophone dès le début du XIXe siècle – une porte ouverte par Mme de Staël –, les premiers romantiques allemands, ou « romantiques d’Iéna », rassemblés autour de la revue Athenäum, s’y sont installés de bonne heure et durablement. La figure de Novalis, en particulier, a rapidement capté l’attention du public francophone. Le Prix Nobel de littérature de 1911, Maurice Maeterlinck, écrivain flamand d’expression française et fondateur du symbolisme belge avec Georges Rodenbach et Albert Mockel, découvre avec passion les Disciples à Saïs, dont il propose la première traduction française dès la fin du XIXe siècle. Mis au contact de la littérature romantique allemande par Villiers de L’Isle-Adam et Mallarmé, il est l’un des premiers « passeurs » importants de Novalis. Prenant le relais en France, Germaine Claretie s’attaque aux Hymnes à la nuit, dont elle publie une traduction NOVALIS ET SA TRADUCTION XII en 1927, précédée du Journal intime du poète. Après- guerre, Novalis est traduit à plusieurs reprises : par Armel Guerne, bien sûr, dont les traductions (échelonnées des années 1950 à sa mort en 1980) des Hymnes à la nuit, des Disciples à Saïs, des Chants religieux et d’une partie considérable des fragments théoriques, auront su attirer l’attention du public français. Mais d’autres traductions, plus discrètes, voient également le jour : celle des Disciples et des Hymnes par Gustave Roud, parue en 1948, et bien plus tard celle de Raymond Voyat, en 1990. De son côté, Heinrich von Ofterdingen, le grand roman inachevé de Novalis, est traduit par la poétesse Yanette Delétang- Tardif dans le premier volume de « La Pléiade » consacré au romantisme allemand (1963), mais aussi par Robert Rovini (dont Julien Gracq préface le travail en 1967) et Marcel Camus (en 1988). Pendant ce temps, Maurice de Gandillac traduit le Brouillon général (alors libellé : Encyclopédie) dans une édition aujourd’hui périmée sur le plan historiographique (Minuit, 1966) mais reconnue et abondamment utilisée par les lecteurs du romantisme allemand. De leur côté, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy permettent au public francophone de découvrir les fragments issus des différentes livraisons de l’Athenäum, principalement écrits par les frères Schlegel, mais auxquels Novalis et d’autres romantiques ont pris part. Commenté dès 1904 par Édouard Spenlé, puis de façon plus convaincante par Albert Béguin, dans un bel ouvrage intitulé L ’Âme romantique et le rêve, en 1939, inscrit parmi ses pairs et présenté à nouveau par Roger Ayrault dans sa monumentale somme sur la genèse du romantisme allemand, parue en plusieurs volumes au cours des années 1960, étudié par Maurice Besset, qui donne en 1947 un essai sur son mysticisme, lu préco- cement par Gaston Bachelard, interprété par Tzvetan NOVALIS ET SA TRADUCTION XIII Todorov dans le cadre de ses recherches sur le symbole, Novalis a connu de multiples réappropriations de son œuvre tout au long du siècle dernier. Il marque aussi bien les linguistes que les philosophes, apparaît dans des traités d’histoire politique européenne (pour son essai sur La Chrétienté ou l’Europe) ou d’histoire des sciences (pour son apport à la Naturphilosophie). Revendiqué par la déconstruction, examiné par la psychanalyse, décortiqué par le structuralisme, Novalis influence également nombre d’écrivains, bien au-delà du cercle des théoriciens de la littérature ou des philosophes, de Maurice Blanchot à Yves Bonnefoy, en passant par les surréalistes et bien d’autres – pour nous en tenir toujours strictement à la seule réception française. Novalis n’est donc pas un étranger pour le public français. Cependant, il faut le souligner, tout a été fait pour qu’il en soit ainsi. Nous voulons dire : pour que le public français se sente vite, peut-être trop vite, intime avec ce poète réputé francophile. Il l’était d’ailleurs. Depuis les fréquentes visites de Voltaire à la cour de Frédéric II de Prusse, l’allemand enfle de mots français et, à l’époque des Lumières, plus d’un Allemand cultivé se plaît à privilégier les substantifs latins (certes germa- nisés au besoin) au détriment des substantifs de souche germanique, du moins lorsqu’il a le choix. Novalis fait clairement partie de ceux-là. Au reste, en choisissant un pseudonyme roman (Novalis vient de novale, du nom d’un ancien domaine familial, qui signifie aussi « terre en friche » en latin), Friedrich von Hardenberg n’exprime- t-il pas déjà une forme de cohésion avec son lectorat français encore à venir ? D’une certaine façon, c’est vrai. Ce l’est en vertu même des attentes extraordinaires qui sont celles des premiers romantiques allemands à l’égard de la traduction, mais aussi compte tenu de leur rapport à NOVALIS ET SA TRADUCTION XIV l’altérité au sens large – altérité à laquelle il est impératif de se risquer pour mieux se réinventer soi-même dans sa propre langue. Le passage par la langue de l’autre est partie prenante de l’« invention » romantique de la littérature, puisque désormais la traduction comme la critique font partie de l’œuvre traduite et critiquée – appartenance soudée, il est vrai, par une ironie assez mordante pour en dire le caractère à jamais précaire. L’écriture, quoi qu’il en soit, coïncide à son autoréflexion. Cette dernière ne renvoie pas à une forme d’introspection de l’œuvre, qui se complairait dans sa génialité, mais bien à la nécessité de devenir étrangère à elle-même. Que l’œuvre romantique s’auto-traduise dans la lingua franca de l’époque est dès lors un passage obligé. Penseur de la créativité et de la pro- duction s’il en est, Novalis préfère, du moins de manière générale, écrire produzieren plutôt que hervorbringen, ou Action plutôt que Handlung. Et ce, à la différence de l’un de ses maîtres, le philosophe Johann Gottlieb Fichte, dont il hérite une part significative de la fascination pour l’imagination productrice, mais qui de son côté privilégie – là encore de manière générale – la souche germanique des concepts qu’il affectionne. Seule une ambition à la fois littéraire et philosophique, et non un quelconque snobisme, pousse ainsi Novalis à évoquer toutes sortes d’opérations (Operationen) simultanément poétiques et critiques, et à assimiler au fragment 724 du Brouillon général l’activité philologique avec un certain pouvoir d’« expérimenter », judicieusement noté experimentiren et non erfahren : « Le philologiser est l’occupation vraiment savante. Il correspond à l’expérimenter (Experimentiren) »1. 1. NOVALIS, Werke, Tagebücher und Briefe (désormais : WTB, suivi du volume et de la page), herausgegeben von Hans-Joachim Mähl und Richard Samuel, München/Wien, Carl Hanser Verlag, Bd. II, S. 648. NOVALIS ET SA TRADUCTION XV Or, dans les premiers temps de sa réception française, l’œuvre novalisienne ne rencontre pas l’écho de sa propre ambition, à quelques rares exceptions près. Se tenant véritablement dans l’aller-retour entre les mondes latin et germanique, de par ses origines flamandes et, tout à la fois, sa germanophilie et sa francophilie, Maurice Maeterlinck a d’une certaine manière cherché à poursuivre le dialogue commencé par les romantiques, en dépit de certains choix de traduction qui peuvent nous sembler aujourd’hui malheureux. Il n’aura toutefois aucune descendance directe. Car Armel Guerne, son principal successeur auprès du public français – jusqu’aujourd’hui –, ne s’embarrasse pour sa part d’aucune ambition interculturelle lorsqu’il s’écrie, dans les années 1970 – et sans aucune ironie : Que de fois Novalis, dans ses Fragments, ne rêve-t-il pas d’une uploads/Litterature/ novalis-intro-belles-lettres-libre-pdf.pdf
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- Publié le Mar 31, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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