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Tous droits réservés © Association pour l'Étude des Littératures africaines (APELA), 2001 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 04/14/2021 11:03 a.m. Études littéraires africaines DEVI Ananda, Moi, l’ interdite, récit, Paris, Dapper, 2000, 125 p. Marie-Françoise Chitour Number 11, 2001 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1041906ar DOI: https://doi.org/10.7202/1041906ar See table of contents Publisher(s) Association pour l'Étude des Littératures africaines (APELA) ISSN 0769-4563 (print) 2270-0374 (digital) Explore this journal Cite this review Chitour, M.-F. (2001). Review of [DEVI Ananda, Moi, l’interdite, récit, Paris, Dapper, 2000, 125 p.] Études littéraires africaines,(11), 87–89. https://doi.org/10.7202/1041906ar COMPTES RENDUS CARAÏBES MASCAREIGNES ( 87 Elle n'est pas la seule car pour équilibrer ce tableau de l'imaginaire antillais des années 50, Confiant campe le personnage symétrique d'Amélie Losfeld, la fille de la tenancière de l'Océanie-Hôtel, mulâtresse flamboyante aux cheveux amarrés en queue de cheval jusqu 'à la naissance de la croupière, fille, dit-on, d'un gendarme blanc ou du père Stegel ou du béké Chénier de Surville ou ... et qui ne rêve à son tour que d'épouser un Blanc-France. Aliénation nègre ou aliénation mulâtre, c'est toujours aliénation. Confiant s'inscrit idéologiquement dans le sillage de Frantz Fanon, ana- lysant dès 1954 dans Peau noire, masques blancs l'aliénation de la femme antillaise en la personne de Mayotte Capécia et prenant très vite ses dis- tances par rapport à la négritude d'Aimé Césaire et ses positions départe- mentalistes. Ainsi, sous couvert d'un aimable roman policier au titre sentimental, porté par cette écriture pimentée d'expressions venues de l'histoire lin- guistique antillaise, française et créole, Raphaël Confiant poursuit son combat contre la francisation et pour la créolisation entrepris depuis ses premiers poèmes en langue créole jou Baré, publiés en 1977. Autre témoignage de ce travail de longue haleine, le tome 1 de son Dictionnaire des néologismes créoles vient de paraître aux éditions Ibis rouge, précédé d'une intéressante préface intitulée "Construire le créole écrit. .. ". Confiant y défend la nécessité de faire violence au créole de tous les jours pour "forger une langue littéraire et, plus largement, une langue écrite qui pourra assumer la quotidienneté scripturale de la communau- té." (p. 16). • Daniel DELAS MA'!1:81Pi: • DEVI ANAN DA, Mot, L 'tNTERDtTE, RÉCIT, PARIS, DAPPER, 2000, 125 P. "Même si on ne naît pas avec une difformité physique, on finit toujours par être vu_e comme une chose atrophiée et voilée", affirme la protagonis- te de Moi, l'interdite, mettant ainsi l'accent sur la malédiction qui pèse sur toutes les femmes et qui hante les romans de l' écrivaine mauricienne Ananda Devi. Pour l'interdite, venue au monde avec une "difformité phy- sique", un bec-de-lièvre considéré dans sa société comme une malédic- tion, le rejet est porté à son comble, ses parents regrettant même de ne l'avoir pas tuée à sa naissance. L'histoire de la Mouna (on ne connaîtra d'elle que ce surnom donné par son frère et qui signifie la guenon) est alors une suite de malheurs. Elle se résume dans "le pleur de (sa) grand-mère", sa grand-mère grenier, comme elle l'appelle, puisque l'aïeule paralysée est elle aussi reléguée dans un espace clos, "(son) abandon dans le four à chaux" où l'enferment ses parents et où "(une) colonie de parasites" lui rongent les orteils, "et enfin (sa) fuite avec le chien". 88) Le lecteur est d'autant plus sensible à cette vie d'horreurs et de déses- poir que Ananda Devi ne la transcrit pas de façon réaliste. Son écriture rend encore plus durs et étouffants l'univers et la destinée de l'enfant. Elle tisse en particulier tout un réseau métaphorique autour de la solitude et de la souffrance, avec des images de moisissure et pourriture, de lourdeur et pesanteur, d'enfermement. Le corps du personnage, "corps étoilé, corps balbutié" (p. 20) et surtout le visage plein de "griffures", où le bec-de- lièvre apparaît comme une "fissure" (p. 21), une "entaille qui (le) zèbre" (p. 15), sont marqués au plus profond par des cicatrices, laissées par la faim, les coups, les insectes. On retiendra particulièrement le thème de la brûlure, des braises et des cendres. Presque tous les épisodes sont sous le signe de "la floraison de brûlures"(p. 22). L'importance du feu est cerrainement à rattacher à la tradition hindoue ; il s'oppose aussi à l'eau ici toujours "croupie", stag- nante, comme l'eau de la mare où elle noie, par amour, pour lui épargner un sort semblable au sien, l'enfant qu'elle met au monde. Finalement, toutes les images, tous les symboles se rejoignent dans l'immense souffle de haine qui pèse sur elle, parrout. Elle peur bien dire : "la nuit, la lune, la haine; trois constances ; trois silences" (p. 12). Le récit a l'aspect d'un conte fantastique, où tout est inversé : les êtres humains marginaux ou souffrants comme la grand-mère sont des "objets", le noir du four à chaux devient "un noir-ami" qui guérit les bles- sures. L'inversion la plus manifeste est la métamorphose du personnage en animal, possédant griffes, duvet brun, dents acérées, et se déplaçant à quatre pattes. Le thème du loup-garou traverse d'ailleurs tout le récit. La métaphore de sa chute dans l'animalité souligne les limites de l'humani- té, ses semblables lui ayant témoigné beaucoup moins de compassion que le chien qui l'a tirée du four à chaux. Ce thériomorphisme rappelle certains contes. Mais, en ce qui concerne ce genre, l'inversion va jusqu'à la parodie. Il faudrait étudier de plus près les débuts et les fins de certains chapitres, qui, en phrases courtes, hachées (comme le plus souvent tout le texte) constituent d'angoissantes prolepses des événements. On verrait qu'on est bien loin des formules d'ouverture et de clôture des contes, même si le "Peu de temps après, le Prince est arri- vé" de la page 103 semble annoncer le conte de fées. Déjà, le Petit Chaperon Rouge (p. 51) était rappelé sur le mode d'une douloureuse iro- nie. Elle croit reconnaître dans un homme qui passe le Prince Bahadour de l'histoire narrée par la grand-mère; mais c'est en fait un clochard ama- teur de rhum. Il l'abandonnera, lorsqu'elle sera enceinte, s'enfuyant effrayé par son passé qu'elle lui racontera, qu'elle lui donnera à lire en fait sur le sari de l'aïeule qui en porte toutes les traces. L'île, cadre de l'histoire, est rarement envoûtante et magique. Il arrive qu'elle ploie sous les caresses du vent, qu'elle exhale quelques douceurs de mangues (p. 98) ou de "lantaniers au cœur de lait" (p. 97). Mais, le plus souvent, "L'île, comme (les) sœurs, s'habille de volants roses qui craque!- COMPTES RENDUS CARAÏBES MASCAREIGNES ( 89 lent de mensonges" (p. 36). L'interdépendance de l'espace et du person- nage est soulignée dès l'incipit : "Je suis comme l'île qui chante sa propre mort." (p. 7). La mort est effectivement présente partout, d'autant plus que les frontières entre la naissance et la mort sont souvent abolies. La sensation d'étouffement et de fuite constante est renforcée par les déplacements temporels et le temps cyclique du récit. L'histoire ne suit pas un déroulement linéaire. Ainsi, le début du deuxième chapitre se passe dans l'asile où on enferme la jeune fille après l'infanticide, alors que la fin évoque le moment précédent, la noyade du bébé. Les trois grandes étapes de son calvaire sont données dès les deux premiers chapitres, mais elles ne s'éclaireront que progressivement. Quelques moments plus doux percent tout de même cette histoire sombre et cruelle, les échanges tendres avec sa grand-mère, la rencontre avec le chien, les souvenirs qui la distinguent précisément des animaux. On ne peut oublier bien sûr le soutien apporté par une infirmière de l'asi- le, Lisa, à qui l'interdite raconte son histoire. Nous remarquons cepen- dant que cet autre personnage féminin est très peu cerné, comme si son aide ne pouvait être que limitée. Alors que dans beaucoup de romans afri- cains ou antillais, la parole féminine est essentielle, il semble ici que les femmes d'origine indienne soient condamnées encore au silence, renfor- çant la malédiction. Il reste que la fin du récit se fait légère, aérienne presque, lumineuse, après ces pages de douleur et d'obscurité intenses. On y assiste à une fuite empreinte d'un profond mysticisme, l'aboutissement dans l'infini d'un parcours initiatique. L'effacement d'une existence maudite, son "inciné- ration" n'auront sans doute pas lieu, puisque s'imposent la reconstruction du corps, les souvenirs et la mémoire, la dimension poétique, à même de lui donner du sens. • M arie-Franço ise CHITO UR Université d'Angers HA.ÏTI • OlLIVIER ÉMILE, REGARDE, REGARDE LES LIONS, PARIS, ALBIN MICHEL, 2000, 98 F. Depuis son premier texte, Paysage de l'aveugle, publié au Canada en 1977, l'œuvre d'Émile Ollivier se décline sur un double registre éminem- ment paradoxal: l'attachement au pays natal et l'appropriation de l'espa- ce de l'exil. Regarde, regarde les lions poursuit, uploads/Litterature/ devi-ananda-moi-l-x27-interdite-recit-paris-dapper-2000-125-p.pdf

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