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HAL Id: halshs-03165603 https://shs.hal.science/halshs-03165603 Submitted on 10 Mar 2021 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Des mégaprojets comme “ mondes bricolés ” . L’exemple de Dubaï Marina Oula Aoun, Jihad Farah, Jacques Teller To cite this version: Oula Aoun, Jihad Farah, Jacques Teller. Des mégaprojets comme “ mondes bricolés ”. L’exemple de Dubaï Marina. Vers une théorie de la complexité du projet en urbanisme, 2017. ￿halshs-03165603￿ CHAPITRE 9 Des mégaprojets comme « mondes bricolés ». L’exemple de Dubaï Marina Oula Aoun, Jihad Farah et Jacques Teller À l’instar des grands monuments et œuvres d’ingénierie du 19ième siècle et les gratte- ciels du début du 20ième siècle, les mégaprojets constituent autant de symboles de la capacité technique, financière et gestionnaire de certaines villes contemporaines. Leur ampleur et leur complexité fonctionnelle les placent au cœur des stratégies de marketing urbain et de métropolisation déployées par de nombreuses villes du monde et en particulier les villes du Golfe. Il convient toutefois de souligner le coût exorbitant de ces réalisations, tant du point de vue économique que politique. Ces projets, qui se déploient parfois à un rythme fulgurant, nécessitent de mobiliser des investissements considérables sur des périodes de temps très courtes, de concevoir des montages de projet complexes et reposent en général sur des formes de coopération inédites entre acteurs publics et privés. Loin de rentrer dans des schémas temporels progressifs et maîtrisables, ils peuvent de surcroît connaître une succession de phases de latence et d’accélération brutales et imprévisibles, qui mettent à rude épreuve les assemblages institutionnels imaginés pour les mettre en œuvre. Dans cet article nous nous intéressons aux réponses qui ont été avancées dans la littérature en matière d’ingénierie urbaine et de pilotage stratégique pour amener une meilleure compréhension des enjeux de la gestion de ces types de projets en vue d’en minimiser les risques. Ensuite, en nous appuyant sur l’exemple du projet Dubaï Marina dans la ville éponyme, nous mettrons en avant ce que la notion de « monde bricolé » d’Odin et Thuderoz (2010) peut apporter en la matière. Mégaprojets et mondes bricolés Les mégaprojets, un type spécifique de projet La notion de mégaprojet est un terme aux contours flous, employé dans les médias comme dans la littérature scientifique pour désigner une série d’objets très différents. Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons plus spécifiquement aux projets de développement urbains de grande échelle incluant une diversité de fonctions et d’équipements. Ceci nous conduit à exclure du champ de notre investigation deux types de projets bien particuliers. Premièrement, le terme entendu ici n’inclut pas les projets urbains de large échelle qui se limitent à l’implantation d’une infrastructure. De fait, on peut trouver un grand nombre de projets d’infrastructure aux budgets colossaux, qui nécessitent une haute prouesse technique et représentent par suite un haut risque financier. Reste toutefois qu’ils sont fort différents dans leur élaboration, conception et mise en place des projets urbains multifonctionnels où la question de la programmation des activités et la dimension politique ont un poids beaucoup plus important sur le développement des opérations. Deuxièmement, nous différencions, dans la lignée d’Arab (2004), ces mégaprojets des projets architecturaux et des projets « d’agglomération » ou de « territoire ». Bien que les projets architecturaux puissent avoir une portée symbolique et iconique incontestable et puissent mener à l’engagement de fonds importants, ils n’ont pas la dimension d’aménagement urbain propre aux mégaprojets avec tout ce que cela implique en termes de complexité d’acteurs et de conséquences politiques. De même, les projets « d’agglomération » ou de « territoire » en tant que projets stratégiques de développement métropolitain ou territorial se démarquent des mégaprojets par leur absence d’emprise directe avec les réalités opérationnelles d’une intervention concrète, qui inclut des enjeux de construction, de délai de réalisation, de portage financier, voire de résistance des acteurs locaux dans certains cas. Le mégaprojet est ainsi pour nous un projet d’aménagement ou de développement urbain qui se caractérise par une taille et une vitesse de réalisation exceptionnelles. Tout en étant localisé il s’inscrit dans une dynamique spécifique de développement métropolitain – voire globale – de plus large échelle. C’est ainsi qu’il est lié par certains à l’émergence de la ville néolibérale (Swyngedouw et al, 2002 ; Sager, 2010) ou par d’autres – dans des tons analytiques moins tranchés – aux besoins et stratégies du développement métropolitain (Salet et Gualini, 2006 ; IAURIF, 2007 ; Bourdin et Prost, 2009). L’incertitude et une grande complexité1, que ce soit au niveau des acteurs ou des montages, constituent la marque de fabrique de ces mégaprojets. On est face à des opérations qui incluent un grand nombre d’acteurs, émanant de disciplines, de lieux et de cultures très diverses. Qui plus est la place de nombreux de ces acteurs dans la démarche de projet n’est jamais que temporaire et partielle au sein d’une organisation éclatée, voire fragmentée. Les montages opérationnels et juridiques imposent souvent des acrobaties pour réussir à articuler le projet aux cadres réglementaires en vigueur, assurer ses financements et répartir les responsabilités entre les partenaires. C’est pour cela que de nombreux acteurs considèrent le risque financier et politique comme inhérent à ce type de projet, voire une de ses principales caractéristiques (Flyvbjerg et al, 2003 ; Premius et al, 2008 ; Bourdin, 2001 ; Salet et al, 2013). Vu les enjeux politiques et économiques impliqués, mais aussi l’intérêt pour une discipline comme l’urbanisme de comprendre un de ses leviers opérationnels actuels, on voit se développer toute une littérature qui tente de comprendre le mode de production et de gestion de ces projets, comme objets et processus, et de proposer des outils de gestion et des grilles normatives. Cette littérature peut être divisée en gros en deux catégories : l’ingénierie du projet urbain et le pilotage stratégique. L’ingénierie du projet urbain L’ingénierie est « l’ensemble des fonctions allant de la conception et des études à la responsabilité de la construction et au contrôle des équipements d'une installation technique ou industrielle »2. Le projet est une notion bien ancrée en ingénierie puisqu’il représente un des principaux moyens de rationalisation du processus de 1 La complexité étant définie comme le nombre et le type des composants et des relations qui existent entre eux, alors que l’incertitude est définie par des composants, relations et interactions qu’on ne comprend pas ou qu’on n’a pas prévus. (Salet et al. 2012) 2 Arrêté du 12 juin 1973 production industriel. La méthodologie du projet vise à optimiser le rapport entre ressources (matérielles, financières, humaines, temporelles) et opérations. L’ingénierie du projet urbain ramène au sein du processus de production du projet urbain une rationalité qui permettrait de faire face à la complexité inhérente de ce processus et minimiser ses risques en réduisant les marges d’incertitudes. De fait, comme l’explique Middler (1993), dans un processus de production, plus on avance plus on acquiert un niveau important de connaissance sur les éléments affectant et déterminant ce processus, mais, plus on perd de capacité d’action puisque les marges possibles de changement et d’adaptation diminuent. Dans le cadre de l’ingénierie du projet urbain, et pour transcender ce paradoxe et permettre une organisation optimale du processus, dans le sens de l’élargissement des marges d’adaptation et de minimisation des incertitudes, différentes méthodologies ont émergé au cours des dernières décennies. On propose ainsi des modélisations des acteurs et de leurs interactions, dans une perspective d’analyse systémique, qui permettraient la simulation de solutions d’optimisation de ces interactions (Priemus, 2008). De même, dans la lignée des méthodes de gestion des risques, émerge l’approche dite d’analyse des « options réelles » qui permet d’identifier les « meilleurs » choix possibles à un stade donné du processus (Miller et Lessard, 2008). L’approche du design collaboratif distribué s’inspire quant à elle des théories et pratiques de design pour signaler le besoin, dans les différents stades du processus, de modes de collaboration et de prise de décision segmentés et hiérarchiques ou communs et collégiaux (Dupont et al., 2012). D’autres approches mettent en avant le besoin de systèmes performants de gestion de l’information qui permettent de ramener l’information stratégique aux acteurs concernés dans les différentes étapes. L’informatique peut jouer dans ces approches un rôle crucial (Kim et al, 2009). L’application de l’approche de l’ingénierie dite concourante, insistant sur le besoin d’avancer simultanément sur les différents aspects du projet, pourrait aussi avoir des avantages dans le cadre du projet urbain (Ben Mahmoud-Jouini, 2003). Cette liste rapide des pratiques en cours en ingénierie du projet urbain ne tend pas à l’exhaustivité. Elle vise à souligner la diversité des entrées choisies dans l’objectif d’optimisation de la gestion du processus de production uploads/Ingenierie_Lourd/ des-me-gaprojets-comme-mondes-bricole-s.pdf

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