16ème sommet franco-africain à La Baule du 19 au 21 juin 1990 Allocution de M.
16ème sommet franco-africain à La Baule du 19 au 21 juin 1990 Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la situation économique de l'Afrique, les possibilités d'aide des pays les plus riches et la position française en matière de coopération et d'aide financière, la Baule le 20 juin 1990. Majesté, - Laissez-moi vous remercier pour la présidence que vous avez exercée depuis la Conférence de Casablanca. - Je salue ceux qui nous rejoignent dans notre Conférence pour la première fois. Je ne ferai pas de distinction. Mais je noterai cependant la présence de la Namibie, ce qui marque bien qu'il y a aussi des évolutions heureuses : l'accession à l'indépendance est l'une des formes essentielles de la liberté et la Namibie en est le meilleur symbole. - Depuis la conférence de Casablanca, beaucoup de choses se sont passées. Vous avez parlé, Majesté, des maux dont souffre l'Afrique. Chacun le sait, ils sont nombreux. Cela repose sur des réalités difficiles et parfois angoissantes. La crise est d'abord économique. Elle s'aggrave sans cesse. Vous savez que la production par tête diminue chaque année, que la part de l'Afrique dans la concurrence mondiale recule, que les investissements se font plus rares, qu'ici ou là la famine resurgit, que la dette s'alourdit. Bref, on est installé cruellement dans le cycle infernal "dette - sous développement", tandis que la population croît. Comment voulez-vous que les systèmes scolaires et sociaux puissent résister à la poussée de la démographie dans de telles circonstances ? - Vous avez eu raison de le dire tout à l'heure, se tourner vers l'Afrique et porter accusation révèle une grande injustice de ceux qui, avec complaisance, parfois même avec satisfaction, dénoncent les moeurs, les traditions, le système politique, la manière de vivre de l'Afrique. Si j'ai moi-même des observations critiques à faire, comme je le ferai à l'égard de mon pays, je refuse de m'engager dans ce procès. Je préfère examiner avec vous la manière dont on pourrait préparer l'avenir immédiat. Car je suis de ceux qui pensent que si responsabilités il y a, on ne peut ignorer celles qui incombent à la société internationale et particulièrement aux pays les plus riches. Sont-ils sans pitié ou simplement indifférents ? Nous attendons encore, en dépit des efforts répétés de la France et de quelques autres, le plan mondial qui permettrait d'examiner, sur une distance de cinq à dix ans, la manière de parer aux maux successifs qui viennent pour une large part des pays riches pour atteindre les pays en voie de développement, pauvres ou moins pauvres, mais en tout cas très endettés. - Examinons par exemple, l'effondrement des cours des matières premières. Je me répète d'une année sur l'autre. Mais comment ne pas se répéter ? Nous sommes contraints de tenir le même discours puisque les faits n'ont pas changé. Si on se met à la place des responsables africains, on se dit comment faire ? On établit un budget, on tente de planifier sur deux ans, trois ans, cinq ans et en l'espace d'une semaine, quand ce n'est pas au cours d'une simple séance d'un après-midi dans une ville lointaine, tout s'effondre. - Les monnaies de base ont connu des évolutions qui ont constamment dérangé vos prévisions ; vos productions ont connu des évolutions saisissantes vers la baisse. On s'interroge : comment le financier le plus avisé du monde, pourtant si prêt à se faire donneur de leçons, agirait-il ? Quelle solution trouverait-il pour compenser les pertes, arrêter le désastre ? On s'étonne après cela de la fuite des investissements étrangers.... Et que penser de la fermeture des marchés en Occident ? Faut-il s'étendre sur le débat au sein du GATT à propos du maintien du protectionnisme, sur les produits agricoles, les produits textiles et combien d'autres ? Il y a là une spirale qui empêche les pays africains de retrouver un équilibre hors duquel tout leur est interdit : le développement, bien entendu, la prospérité, l'équilibre politique, le temps et l'espace nécessaires pour procéder aux réformes politiques attendues. - Il est vrai que l'Afrique est l'oubliée de la croissance, la laissée pour compte du progrès ; je dis ceci d'une façon rapide, car dans tel ou tel pays, on observe des efforts récompensés par le succès. - Nous n'allons pas nous attarder pour tenter de désigner le coupable. Les responsabilités sont partagées. Dans mon esprit, elles commencent par l'insouciance ou l'irresponsabilité des pays, qui par solidarité internationale et dans leur intérêt, devraient comprendre qu'une large et audacieuse politique Nord-Sud s'impose. Elles continuent par les défaillances de nombreux pays africains qui n'ont pas pu ou qui n'ont pas su prendre à temps les mesures qui pouvaient leur convenir. Prenons-en acte ; posons-nous ces questions. La première question est sous-jacente dans les campagnes qui se développent, un peu partout dans le monde, contre la politique de la France : faut-il que la France renonce afin de ne plus être exposée aux critiques nombreuses qui la frappent ? Faut-il qu'elle rapatrie chez elle tous les moyens et qu'elle les consacre à ses ressortissants nationaux ? Faut-il qu'elle se replie, faut-il qu'elle cherche en elle-même ses seules ambitions ? Je vous dirai ce que je pense de la politique de la France et de la manière dont elle est conduite. Mais je répondrai par avance à cette question : la France est décidée à poursuivre sa politique et donc à aider l'Afrique, quoi qu'il en soit et quoi qu'on en dise. Elle ne se retirera pas de l'oeuvre engagée depuis si longtemps et qui, sous des formes différentes au travers de l'histoire, l'a associée à un grand nombre de ces pays. - La France restera fidèle à son histoire dont, d'une certaine manière vous êtes, et à son avenir dont vous serez, je l'espère aussi. - Permettez-moi quelques rappels simples. La France est toujours le premier des pays industriels avancés dans l'aide aux pays en voie de développement. Le premier, nettement, devant tous les autres. C'est vrai que des pays comme le Canada ou l'Allemagne font un effort tout à fait estimable. Mais, c'est vrai que d'autres grandes puissances restent à quelque distance et même parfois à une longue distance. - Notre aide à l'Afrique en 1990 est supérieure à celle de 1989 qui, elle-même, était en accroissement par rapport aux années précédentes. La quatrième Convention de Lomé, à laquelle nous avons pris une part si évidente, a permis d'augmenter de 45 % les engagements financiers de la Communauté. Dans toutes les enceintes internationales, j'ai plaidé pour le développement que je considère comme un élément indissociable des progrès de la démocratie. - Nous sommes allés partout, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de la coopération, le ministre de la francophonie notamment, pour plaider le dossier de l'Afrique. - Et nous devons répéter, encore une fois, les mêmes choses simples. A Toronto, nous avons mis au net un plan qui permettrait de réduire ou d'abolir la dette des pays les plus pauvres et nous avons préconisé trois façons de faire en annonçant aussitôt celle que nous avions choisie. A Dakar, peu de temps après, nous avons annulé nos créances publiques à l'égard de trente-cinq pays d'Afrique. Cet exemple a été suivi par quelques-uns. - A la tribune des Nations unies, j'ai demandé qu'un plan fût élaboré et décidé en faveur des pays dits intermédiaires, ceux qui sont peut-être moins pauvres, mais si endettés que le bénéfice de leur travail est absorbé par le service de la dette. - A Toronto, à Dakar, à New York j'avais déjà indiqué que la France ne s'en tiendrait pas là. Je pense que dès maintenant, il convient de ne plus faire que des dons à 100 % aux pays les moins avancés. Une Conférence de ces pays se tiendra à Paris, cet automne, j'aurai l'occasion d'y revenir. Je pense qu'il convient de limiter à 5 %, ce qui revient à une réduction de 50 %, les taux d'intérêt de tous les prêts publics aux pays dits intermédiaires de l'Afrique sub-saharienne. C'est une décision unilatérale de la France. Elle n'a pas été négociée, ni avec vous, ni avec nos partenaires de ce fameux club des pays les plus riches qui se réunira dans quelques semaines à Houston. Mais j'ai l'intention, à Houston précisément, de demander à nos partenaires, aux six autres pays industrialisés, d'aller plus loin. J'ai l'intention de leur demander d'abord s'il leur est possible de reprendre à leur compte des dispositions du type de celle que je viens d'énoncer ; ensuite, d'allonger de toute façon les délais de remboursement des pays les plus endettés par des moyens divers qu'il conviendra de choisir. - Et j'en reviens à ce projet dix fois traité et dont il faudra bien comprendre qu'il est nécessaire, celui d'un fonds spécial mondial. J'avais proposé qu'il fût financé par des nouveaux droits de tirages spéciaux. Je pense que les pays peuvent renoncer à certains de leurs droits pour alimenter une sorte de fonds mondial uploads/Geographie/ mitran-discours.pdf
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- Publié le Nov 10, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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