Fonctions de la cruauté dans l'oeuvre de Tatsumi Hijikata Introduction.........

Fonctions de la cruauté dans l'oeuvre de Tatsumi Hijikata Introduction...........................................................................................................p.6 1-La cruauté par le corps......................................................................................p.12 a: Méthode: hypothèses, enquête................................................................p.13 b: Pourquoi Hijikata?...................................................................................p.14 c: La pantoufle d'Artaud: Hijikata fasciné par Artaud 2-La cruauté par le texte.......................................................................................p.20 a: Bruce Baird et le projet du Notational Butoh............................................p.21 b: Tatsumi Hijikata et les Japonais: l'insurrection de la chair.........................p.26 c: Mishima et Shibusawa: Sade POUR Hijikata.............................................p.30 3-La cruauté par l'esprit........................................................................................p.34 a: 1959, Kinjiki, la première pièce de Hijikata..............................................p.35 b: Kamaitachi, représentations mentales cruelles..........................................p.39 c: La cruauté avec Lautréamont...................................................................p.40 Conclusion...........................................................................................................p.42 Bibliographie.......................................................................................................p.45 Je tiens à remercier profondément François-René Martin et Clélia Zernik qui m'ont apporté d'excellents exemples d'une méthode d'investigation vers laquelle je veux tendre et m'ont aidé à diriger cette recherche, petit à petit, vers son objet actuel, assez simple pour constituer une base. Il me faut aussi remercier ceux qui ont été mes maîtres en cruauté: Denis Forest, Claude Closky et Kazue Kobata. Je remercie de même celle qui m'a la première parlé de Noureiev, bien qu'il ne soit pas mentionné dans ce mémoire. Louise Lefort, mais aussi Mario Amehou et mon frère Alexandre Efrati [ainsi que tout Miracle] furent chacun d'importantes influences dont j'ai pu m'inspirer dans le temps, pour générer des significations. "Ne vous en faites pas. Quand je serai là-haut, je vous appellerai." Derniers mots de Tatsumi Hijikata à Kazue Kobata et Min Tanaka (conversation téléphonique rapportée par Nao Nishihara) Introduction Cette recherche, du moins l'élaboration des outils théoriques qu'elle emploie, a commencé il y a déjà quelques années; mon approche de la langue et de la culture japonaise s'est fondée sur ce projet. Il part d'un mot très commun: la cruauté. Dans le cadre de mes recherches sur Sade, Lautréamont, Bataille et Artaud j'ai observé que nombre d'études leur avaient été consacrées par des chercheurs japonais. Suivant ce constat, j'ai pensé que la "cruauté" japonaise ressemblait à la "cruauté" française. Un culte commun de la subtilité, de la délicatesse, et une manière comparable d'organiser la transgression. Ma découverte récente du personnage de Tatsumi Hijikata fut source d'une grande effervescence et j'ai choisi d'approfondir ce projet de recherche bibliographique et de réflexion par un ensemble d'entretiens avec des spécialistes de ces questions. Il m'a semblé pertinent de partir du terme de “cruauté”, qui est, outre son utilisation par le sens commun, à la jonction de plusieurs types d’esthétique: d'une part un culte de la précision, de la nécessité; d'autre part une manière de faire, d'organiser, de montrer de la violence, ou plus précisément de la transgression. L'oeuvre de Tatsumi Hijikata, de part en part, manifeste un élan révolutionnaire d'un caractère étrange, qu'on pourrait profitablement faire résonner au moyen de ce terme, tout aussi banal que problématique, de "cruauté". Il est un important représentant de la scène japonaise d'avant-garde des années 1960, et a collaboré avec beaucoup d'artistes toutes disciplines confondues1, joué dans des films plus ou moins expérimentaux, tel que Histoire des crimes bizares commis par des femmes, réalisé par Teruo Ishii en 1969. Hijikata fut une figure très vite célébrée par les média pour son je ne sais quoi, et il est manifestement un bon exemple pour étudier la cruauté. La cruauté serait pourtant un concept pour ainsi dire “anti-conceptuel”. 1En photographie, Eikoh Hosoe. Il s'agirait, comme pourraient le montrer l'analyse d'oeuvres d'origines extrêmement variées, d'une manière de faire de l'art, dont le but est d'incorporer le spectateur aux processus esthétiques proposés, de lui faire ressentir leur nécessité. Comment cette incorporation aurait-t-elle lieu? Par le corps, par le langage, par l'esprit? Je vais donc parler de la cruauté, terme qui semble émerger d'un scepticisme matérialiste détergent, sous trois modes: celui de la sensibilité, celui de la syntaxe puis celui, conceptuel, des représentations. Je pars du principe qu'il est possible de décomposer la cruauté en un ensemble de fonctions, dont je vais décrire trois exemples, trois “états”. Hijikata et ses partenaires se mettent en effet dans des états physiques et mentaux dignes d'intérêt, tant au niveau de la coordination des mouvements que des systèmes mnémo-techniques et notationnels employés; en outre,les thèmes abordés dans les pièces de Hijikata sont tout autant de bons prétextes à parler de cruauté, tant ils semblent toujours puiser dans ce que Georges Bataille appellerait "la part maudite". Et c'est là l'objet de ce texte: ce lien, entre cette danse et cette littérature, est réel, et c'est un lien fort. Une danse et une littérature qui partagent des représentations métaphysiques adaptatives, expérimentales. La pensée s'exprime donc parallèlement par le corps et par le texte. Pour désigner un principe constant dans cette approche versatile du réel, je propose de parler de cruauté. Quoi qu'incompréhensible, le cours des choses est perçu comme une nécessité. C'est le point de la pensée où la signification est libre de toute explication, l'instant qui précède la pérennisation de dogmes religieux, un point n'ayant donc jamais existé. Il s'agit de la volonté de penser hors de toute syntaxe donnée. Revenons aux faits: Tatsumi Hijikata invente à la fin des années 1950 une danse, nommée "Ankoku Buyo" puis "Ankoku Butô", ce qui signifie en japonais "danse de ténèbres", ou plus littéralement "mouvements compulsifs dans l'obscurité". Hijikata reprend non sans ironie le terme buyo qui qualifie les danses importées de l'occident, qui, à ce que l'on dit, consistent à une répétition indéfinie des mêmes gestes (danses pop, jazz, rock importées des USA au Japon). Quels états de conscience, quels états du corps peuvent être associés à la pensée de la cruauté? Hijikata pense-t-il à ce mot lorsqu'il propose une chorégraphie? Comment implique-t-il le spectateur jusque dans son corps? En effet, si non seulement l'esprit mais aussi le corps étaient accaparés par une représentation, on pourrait parler d'une dimension empathique en jeu dans la cruauté. Le terme quie signifie habituellement l'insensibilité face à la souffrance d'autrui pourrait en effet interroger la les normes de la sympathie, ainsi que celles de l'empathie. Le capital symbolique et les ressources culturelles de l'individu se verraient assimilés aux forces en jeu dans la pièce. Ils seraient , par la littérature et la danse, à la fois les enjeux d'un discours non-verbal et les éléments d'une mise en scène. Ce jeu intègrerait nécessairement des langages, mais il ne s'agrait de cruauté que s'il se jouait au delà du plan syntaxique et qu'il s'en prenait aux langages, c'est à dire aux déterminismes. Tout déterminisme est un sujet éligible pour produire du "cruel", c'est d'ailleurs une des ressources les plus communes de la fiction populaire. Nous ne nous débarrasseront pas facilement du sens commun de la cruauté2. Force est de constater que la cohabitation entre cruauté et animalité, observable très facilement dans le sens commun, pose problème. Quelque chose d'ancestral est touché, qui pourrait faire penser à ce que Georges Bataille nous disait3 des causes subjectives des fresques de Lascaux. D'après lui, les hommes ne pouvant réprimer le sentiment d'identification aux animaux qu'ils chassaient, inventèrent le besoin d'expier ce qui leur apportait un tourment fortement ritualisé. Si on suit Bataille, la viande était nécessaire et le meurtre de l'animal semblait inacceptable. Leur ôter l'existence n'allait pas de soi. D'où d'obscures séances de spiritisme préhistorique avec graffitis rupestres en offrande aux esprits à la clé. Les déterminismes, entendus dans ce sens de conditions d'existence des individus, sont des sujets que tout le monde comprend. La sexualité, la mort; la maladie, l'accident, le présage, la surprise, la relativité des durées et des distances, l'oscillation vertigineuse des états émotionnels et la significato-genèse, etc., sont autant de composants usuels de nos vies d'êtres humains. En aucun cas ce ne sont des sujets extra-ordinaires, ils n'existent que soumis à des systèmes de valorisation ou de répression dans le contexte d'une culture. 2 Menons un instant l'enquête, sur Google en France: en cherchant "cruel", la première page de résultats ne présente que des occurrences différentes d'une chanson de pop actuelle et du film Cruel Intentions. Il semble aussi que le mot “cruel” ait été galvaudé à raison par les défenseurs des droits des animaux; beaucoup de sites végétariens l'utilisent. Evene.fr, un très accueillant portail de citations, jette pêle-mêle: « La cruauté envers les animaux peut devenir violence envers les hommes. » Ali McGraw «On compare parfois la cruauté de l’homme à celle des fauves, c’est faireinjure à ces derniers. » Fiodor Dostoïevski «En cruauté impitoyable, l'homme ne le cède à aucun tigre, à aucune hyène. » Arthur Schopenhauer 3 Par exemple dans son essai Lascaux ou la naissance de l'art, de par sa qualité “d'Archiviste Paléographe”. Ce qui est en jeu, c'est une forme de démarche expérimentale. En distillant ces sujets uniquement dans des aspects stéréotypés, les industries culturelles parviennent à leur faire engendrer des effets superflus, calqués sur un modèle capitaliste d'utilisation des déterminismes neuro-physiologiques à des fins "publicitaires". Utiliser les stéréotypes sans les renouveller, c'est l'objet de l'analyse marchande des déterminismes culturels. Il est donc nécessaire de trouver une manière de définition de la cruauté, ne serait-ce que pour délimiter l'objet d'étude. La définition classique du terme, son étymologie, semblent désigner une violence consciente ainsi qu’un rapport de contrôle, voire uploads/Geographie/efrati-memoire-hijikata.pdf

  • 43
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager