Espace géographique Voyage autour du territoire Joël Bonnemaison Citer ce docum
Espace géographique Voyage autour du territoire Joël Bonnemaison Citer ce document / Cite this document : Bonnemaison Joël. Voyage autour du territoire. In: Espace géographique, tome 10, n°4, 1981. pp. 249-262; doi : https://doi.org/10.3406/spgeo.1981.3673 https://www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1981_num_10_4_3673 Fichier pdf généré le 03/01/2019 Abstract A Journey around the Territory. — Man is an economic, social and cultural animal. Space is, for geographers, both a structure and a system in which social and economic parameters play a role; but space, for the men who live in it, is also a territory, which they see through the lenses of their culture. This territory is linked to the ethnic identity and the culture which gives it form. Translated into spatial terms, the concept of culture must inevitably raise the concept of territory. In fact it is the existence of the culture which creates the territory, and it is the territory which makes manifest the symbolic relationship between culture and space. Territory is then a " geosymbol " ; that is, a place, an itinerary, a space, which acquires in the eyes of ethnic groups and peoples the cultural and symbolic dimension in which their values are rooted and through which their identity is affirmed. Résumé L'homme est un animal économique, social et culturel. L'espace des géographes est bien une structure et un système où jouent des paramètres sociaux et économiques, mais il est aussi pour les hommes qui l'habitent un territoire, perçu à travers les grilles de leur culture. Le territoire est lié à l'ethnie et à la culture qui le mettent en forme. Traduit en termes d'espace, le concept de culture renvoie immanquablement à celui de territoire. L'existence de la culture crée en effet le territoire et c'est par le territoire que s'incarne la relation symbolique qui existe entre la culture et l'espace. Le territoire devient dès lors un « géosymbole » : c'est-à-dire un lieu, un itinéraire, un espace, qui prend aux yeux des peuples et des groupes ethniques, une dimension symbolique et culturelle, où s'enracinent leurs valeurs et se conforte leur identité. L'Espace Géographique, n° 4, 1981, 249-262. Doin, 8, place de l'Odéon, Paris-VIe. VOYAGE AUTOUR DU TERRITOIRE Joël BONNEMAISON Mission ORSTOM au Vanuatu GEOGRAPHIE CULTURELLE MYTHES TERRITOIRE RESUME. — L'homme est un animal économique, social et culturel. L'espace des géographes est bien une structure et un système où jouent des paramètres sociaux et économiques, mais il est aussi pour les hommes qui l'habitent un territoire, perçu à travers les grilles de leur culture. Le territoire est lié à l'ethnie et à la culture qui le mettent en forme. Traduit en termes d'espace, le concept de culture renvoie immanquablement à celui de territoire. L'existence de la culture crée en effet le territoire et c'est par le territoire que s'incarne la relation symbolique qui existe entre la culture et l'espace. Le territoire devient dès lors un « géosymbole » : c'est-à-dire un lieu, un itinéraire, un espace, qui prend aux yeux des peuples et des groupes ethniques, une dimension symbolique et culturelle, où s'enracinent leurs valeurs et se conforte leur identité. CULTURAL GEOGRAPHY MYTHES TERRITORY ABSTRACT. — A Journey around the Territory. — Man is an economic, social and cultural animal. Space is, for geographers, both a structure and a system in which social and economic parameters play a role; but space, for the men who live in it, is also a territory, which they see through the lenses of their culture. This territory is linked to the ethnic identity and the culture which gives it form. Translated into spatial terms, the concept of culture must inevitably raise the concept of territory. In fact it is the existence of the culture which creates the territory, and it is the territory which makes manifest the symbolic relationship between culture and space. Territory is then a " geosymbol " ; that is, a place, an itinerary, a space, which acquires in the eyes of ethnic groups and peoples the cultural and symbolic dimension in which their values are rooted and through which their identity is affirmed. Avant-propos. Ce texte est écrit par un géographe tropicaliste, qui, plus est, a toujours travaillé dans des îles et comme par une pente fatale, dans des îles de plus en plus petites. Cela ne signifie pas que je veuille me comparer à Robinson Crusoe, mais ce détail peut avoir son importance, si l'on veut situer le texte qui va suivre. Il s'agit en effet d'une réflexion faite à partir de sociétés traditionnelles insulaires éclatées en une multitude de petits groupes indépendants les uns des autres. Le problème est de savoir si le type d'approche que j'ai été amené à adopter pour comprendre ces sociétés peut apporter, ou non, quelque chose aux géographes qui travaillent dans des sociétés et des milieux physiques différents, en particulier ceux qui travaillent sur les « grands espaces » et dans les sociétés urbaines ou industrielles. Enfin, ce texte n'est pas écrit comme un article classique. Il est beaucoup plus un itinéraire qu'une démonstration. Il y entre une grande part de réflexions mûries au long d'une insularité qui n'était pas que physique. Confronté à des sociétés différentes, j'ai d'abord cherché à comprendre; ceci m'a conduit à remettre en question certaines des idées et méthodes qui étaient les miennes au départ. 250 Joël Bonnemaison L'évolution des idées, de la sensibilité, le déplacement des centres d'intérêt qui sont au cœur des sociétés contemporaines interrogent les Sciences Humaines et les conduisent vers de nouvelles directions. La géographie n'y échappe pas : au départ analyse régionale et étude des genres de vie, elle est devenue après guerre, science sociale, étude du paysage et analyse quantitative. Pour certains, elle apparaît aujourd'hui comme un nouveau révélateur des rapports de classe et le champ d'étude possible pour la stratégie révolutionnaire qui les bouleverserait (1) . Cette émergence de ce que l'on appelle la « nouvelle géographie » provient souvent de développements conceptuels surgis au sein des disciplines voisines. Ainsi l'analyse du paysage doit-elle beaucoup au développement du structuralisme en ethnologie et en linguistique : un paysage est une structure visuelle où se lisent à la fois le dynamisme et les relations entre une série de faits physiques, sociaux et économiques. De même la géographie sociale enrichit-elle son approche de concepts et de préoccupations jusque-là négligés par la géographie classique et qui dérivent du progrès des méthodes mathématiques en économie ou de raffinement des concepts marxistes ou néo-marxistes en sciences sociales. Autrement dit, la géographie s'est développée parce qu'à sa porte les autres sciences économiques et sociales s'enrichissaient de concepts nouveaux qui ont suscité en elle une nouvelle réflexion. La réciprocité est respectée : l'espace, centre et objet même de « la nouvelle géographie » devient une idée nouvelle dont s'emparent urbanistes, économistes, sociologues et linguistes. De ces empiétements réciproques sur ce que les Sciences Humaines considèrent chacune comme leur domaine respectif, devrait naître une nouvelle fécondité, créatrice d'idées et de concepts nouveaux. A terme, le rôle de plus en plus central joué par la notion d'espace dans l'ensemble des Sciences Sociales ne va pourtant pas sans créer un risque de dépossession pour les géographes. Ce risque doit nous inciter à mieux creuser notre spécificité et à ne pas hésiter à explorer de nouveaux champs de recherche. L'étude du « champ social » en géographie a permis de mieux définir l'espace en le pensant en termes de structures, de rapports sociaux, de flux économiques et de modes de production. Mais il existe parallèlement d'autres lectures du réel : avons-nous réellement épuisé le sujet en le limitant à un tel type de problématique ? Il semble que la prise en charge du « champ culturel » reste pour les géographes, plus que jamais, une idée neuve. 1. La prise en charge du « champ culturel ». Une attention nouvelle est apportée aujourd'hui à l'irréductibilité du fait culturel. Celui-ci n'apparaît plus comme la superstructure vague et floue où tente de l'enfermer une conception trop matérialiste. La culture tend aujourd'hui à être comprise comme un autre versant du réel, un système de représentation symbolique existant en soi, et si l'on va au bout du raisonnement, comme une « vision du monde » qui a sa cohérence et ses propres effets sur la relation des sociétés à l'espace. La culture est, pour les géographes, riche de significations, car elle se tient comme un type de réponse au plan idéologique et spirituel au problème d'exister collectivement dans un certain environnement naturel, dans un espace, et dans une conjoncture historique et économique remise en cause à chaque génération. De ce fait, le culturel apparaît comme la face cachée de la réalité : il est à la fois héritage et projet, et dans les deux cas, confrontation à une réalité historique qui parfois l'occulte, en particulier lorsque les problèmes de survie priment sur tous les autres, ou au contraire le révèle, ce qui semble avoir été le cas ces dernières années. Bref, l'analyse culturelle en géographie peut être une nouvelle approche pour découvrir ce que Claude Raffestin appelle la « géostructure uploads/Geographie/ bonnemaison-viagem-ao-territorio.pdf
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- Publié le Dec 12, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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