LES VISAS DANS LES DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL Ariane Vidal-Naquet Pre

LES VISAS DANS LES DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL Ariane Vidal-Naquet Presses Universitaires de France | « Revue française de droit constitutionnel » 2006/3 n° 67 | pages 535 à 570 ISSN 1151-2385 ISBN 9782130556107 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2006-3-page-535.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Décision 2005-530 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances initiale, J O, 31 décem- bre 2005, p. 20705. 2. Décision 2005-531 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances rectificative, J O, 31 décem- bre 2005, p. 20730. 3. Voir toutefois G. Drago, « La fonction nouvelle du visa dans les décisions du Conseil constitutionnel », Justices, 1995, 1, p. 195 et N. Molfessis, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, Paris, LGDJ, 1997, p. 461 et s. Il faut noter que le terme de visa ne figure dans aucun manuel ou ouvrage relatif au contentieux constitutionnel, à l’exception de G. Drago, Conten- tieux constitutionnel français, Paris, PUF, 1998. La place acquise par les visas dans les décisions du Conseil constitu- tionnel n’est pas qu’une fantaisie de technique rédactionnelle ; elle est au cœur de la décision et de l’autorité de la jurisprudence constitutionnelle. Certes, les premières décisions rendues par le Conseil constitutionnel comportent des visas mais celui-ci se contente alors de mentionner la Constitution du 4 octobre 1958 et l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Par ces visas, il énonce le texte auquel il va confronter les éléments qui lui sont soumis ainsi que les titres attributifs de sa propre compétence. Le rapprochement avec deux décisions constitutionnelles récentes est édifiant. A l’occasion de l’adoption de la loi de finances pour 2006, le Conseil constitutionnel vise, outre la Constitution et l’ordonnance n° 58-1067, une loi organique, cinq codes, plusieurs de ses propres déci- sions ainsi qu’une loi ordinaire2. Lors du contrôle de la loi de finances rectificative pour 2005, le Conseil intègre notamment dans les visas une directive communautaire, un arrêt rendu par la Cour de justice des Com- munautés européennes ainsi qu’une décision du Conseil d’État statuant au contentieux3. Ce rapprochement témoigne d’une inflation quantita- © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 22/03/2021 sur www.cairn.info via Université de la Réunion (IP: 195.220.151.96) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 22/03/2021 sur www.cairn.info via Université de la Réunion (IP: 195.220.151.96) Ariane Vidal-Naquet 536 tive des visas mais également d’une nette diversification des éléments retenus par le juge constitutionnel. Cette évolution dans la rédaction des décisions a-t-elle une influence significative sur l’exercice du contrôle de constitutionnalité ? La question des visas est peu abordée par la doctrine4. L’ordonnance organique n° 58-1067 du 7 novembre 1958 relative au Conseil consti- tutionnel ne leur réserve pas de sort particulier. Seul le règlement appli- cable à la procédure suivie pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs du 31 mai 1959 précise, dans son article 18, que les décisions du Conseil constitutionnel doivent comporter « les visas des textes applicables, les motifs sur lesquels elles reposent et un disposi- tif ». Les visas sont ainsi caractérisés par leur place et par leur rôle : figu- rant avant les motifs et le dispositif, ils ont vocation à regrouper les textes applicables. Cette double caractéristique peut être identifiée dans d’autres contentieux. En matière judiciaire, la Cour de cassation est tenue de faire figurer un visa en tête de ses arrêts de cassation5. Le visa a pour objet de préciser le texte appartenant au droit positif qui n’a pas été correctement appliqué par la décision attaquée. En matière administra- tive, l’article R. 741-2 du Code de justice administrative précise quelles sont les « mentions obligatoires de la décision » : celle-ci doit contenir « le nom des parties, l’analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait appli- cation »6. En revanche, dans les règlements des juridictions européennes ou internationales, les visas sont ignorés au profit d’une obligation géné- rale de motivation7. En dissociant leur emplacement dans la décision juridictionnelle de leur fonction, il est en réalité possible de distinguer deux approches des visas. Au sens large, les visas regroupent tout ce qui figure en tête de la 4. Cette obligation est posée par l’article 1020 du Nouveau Code de procédure civile, qui dispose que « l’arrêt vise le texte de loi sur lequel la cassation est fondée ». Cette formula- tion implique que les visas ne sont obligatoires que pour les décisions de censure. Toutefois, ils peuvent également accompagner des arrêts prononçant une irrecevabilité ou des arrêts de rejet : à ce sujet, voir notamment A. Perdriau, « Visas, « chapeaux » et dispositifs des arrêts de la Cour de cassation en matière civile », JCP, 1986, I, 3257. 5. Les mémoires échangés par les parties et les pièces produites doivent être, en vertu des règles générales de procédure applicables à toute juridiction administrative, analysés (CE, 13 juillet 1963, Cassel, Rec. 467 ; CE, 15 juin 1987, Grezes, Rec. 807). Cette analyse, qui n’est généralement pas reproduite dans les recueils de jurisprudence en raison de sa lon- gueur, est suivie de l’indication des textes législatifs et réglementaires en cause, textes rela- tifs aussi bien à la compétence de la juridiction et à la procédure suivie devant elle qu’aux questions de fond posées par le litige. Sur ce point, voir notamment R. Chapus, Contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 11e éd., 2004, p. 997, n° 1173. 6. Voir par exemple l’article 36 du statut de la Cour de justice des communautés euro- péennes, l’article 74 du règlement de la Cour européenne des droits de l’homme ou encore l’article 56, alinéa 1er du statut de la Cour internationale de justice. 7. En ce sens, voir R. Chapus, op. cit., n° 1172 et s. Intégrant l’identification des auteurs de la demande, le fondement de la saisine, son objet et sa date dans les visas, voir B. Poul- lain, La pratique française de la justice constitutionnelle, Paris, Economica, PUAM, 1990, p. 62. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 22/03/2021 sur www.cairn.info via Université de la Réunion (IP: 195.220.151.96) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 22/03/2021 sur www.cairn.info via Université de la Réunion (IP: 195.220.151.96) décision, c’est-à-dire l’identification des parties ou de la juridiction, l’ana- lyse des pièces et les textes applicables8. A ce titre, l’évolution des men- tions figurant dans les décisions du Conseil constitutionnel témoigne d’une juridictionnalisation accrue de la procédure suivie9. En matière électorale, le Conseil constitutionnel évoquait déjà les « pièces produites et jointes au dossier »10 ; juge de la constitutionnalité des lois, il n’hésite plus à viser l’argumentation des « parties », renvoyant aux observations présentées par le Gouvernement voire aux observations en réponse ou aux mémoires ampliatifs déposés par les saisissants11. Le Conseil n’étant pas lié par l’argumentation des requérants, ces mentions n’ont pas un carac- tère déterminant : elles révèlent néanmoins un renforcement du caractère contradictoire de la procédure12. Dans un sens plus strict, les visas ren- voient uniquement aux textes dont il est fait application, se distinguant ainsi des mentions ou « chapeaux ». Cette conception restrictive permet de préserver une certaine homogénéité de la notion, en insistant sur sa fonction. Surtout, elle contribue à infléchir la conception traditionnelle du rôle des visas dans la décision juridictionnelle. En effet, les visas sont généralement analysés comme une technique de présentation formelle de la décision, témoignant de la régularité du jugement rendu et permettant d’en apprécier la légalité externe13. Mais, dans la mesure où ils mentionnent les textes applicables, ils renseignent également sur la motivation de la décision et se rapportent ainsi à sa légalité interne. Placés en exergue du jugement, les visas indiquent les éléments que le juge a « vus » avant de rendre sa décision. La forme rejoint alors le fond. Au-delà de la uploads/S4/ rfdc-067-0535-2.pdf

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  • Publié le Oct 18, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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