1 De l’agriculture naturelle à l’agriculture biologique Olivier Barbié* 26 juin
1 De l’agriculture naturelle à l’agriculture biologique Olivier Barbié* 26 juin 2007 Document de travail * Président de l'Institut Technique d'Agriculture Naturelle. RÉSUMÉ Dans cet article, nous montrons les limites de l’agriculture naturelle présentée par M. Fukuoka ainsi que les améliorations amenées par ses disciples. Il apparaît clairement que l’agriculture naturelle est dépendante des apports minéraux extérieurs. Dans certains cas (vergers pâturés), des couvres sols de légumineuses peuvent être installés. Afin de faciliter la production d’humus, nous préconisons d’installer les espèces productives sous un couvert d’arbre ou entre des haies dont les branches seront broyées et laissées au sol (BRF). L’ensemble du tableau permet de dire que l’agriculture naturelle originelle n’est ni viable ni généralisable dès lors que l’on attend une production durablement significative. Au fur et à mesure des améliorations qui lui sont apportées, elle se rapproche sensiblement de l’agriculture biologique dont elle est historiquement un des piliers. 2 SUMMARY In this article, we show the limits of the Mr. Fukuoka’s natural farming as well as the improvements brought by his followers. It seems clearly that the natural farming is dependent on outside minerals. In certain cases (grazed orchards), cover grounds of legumes can be installed. To facilitate the production of humus, we recommend to install the productive crops under trees or between hedges branches of which will be crushed and left with the ground ( ramial wood). The whole picture allows to say that the original natural farming is neither viable nor generalizable if the aim is to get a durably significant production. According to the improvements which are brought to it, it gets closer appreciably to the organic farming of which it is historically one of the springs. KEYWORDS Natural farming, organic farming, associated legumes, ramial wood. 3 L’agriculture biologique s’est construite à partir de l’œuvre de trois fondateurs : Sir Albert Howard, Rudolf Steiner et Masanobu Fukuoka. Bien que Howard ait parfois employé le terme d’agriculture naturelle, l’agriculture naturelle actuelle s’inspire uniquement de l’œuvre de Fukuoka. De quoi s’agit-il ? D’une agriculture biologique inspirée par les principes du bouddhisme et en particulier par celui du non faire. Concrètement, l’agriculture naturelle s’appuie sur quatre principes : pas de fertilisants1, pas de pesticides, pas de labour, pas de sarclage. Elle a été appliquée par Masanobu Fukuoka qui a démontré par ses expériences en pleine terre, durant 40 ans, qu'il était possible de produire ainsi du riz, mais aussi du blé et de l'orge, de maintenir un verger et d’élever des canards. Il n’en reste pas moins qu’il est difficile de généraliser cette méthode agricole telle quelle car, contrairement à ce que proclame son fondateur suivi de ces adeptes, elle souffre de nombreuses limites. C’est d’ailleurs ce que nous allons démontrer ici. Notre but n’étant pas de renier le précieux héritage que nous a légué Fukuoka, mais d’en tirer le meilleur profit en le confrontant aux contraintes actuelles de l’agriculture. La limite la plus évidente de l’agriculture naturelle concerne la fertilisation, comme nous l’avons déjà démontré (Barbié, 2007). Mais il en existe d’autres, non moins problématiques, qui concernent le labour. 1 Les traducteurs français ont traduit "pas d'engrais". Mais c'est contraire à l'usage qui distingue deux catégories de fertilisants : les engrais et les amendements. Les amendements sont des fertilisants apportés dans le but de modifier la nature du sol : ceux qui apportent du sable, de l'argile ou du calcaire sont appelés respectivement amendements sableux, amendements argileux et amendements calcaires ; quant aux fertilisants qui génèrent de l'humus (paille, compost, fumier) ils sont classés parmi les amendements humiques. Certains amendements peuvent être mixtes comme les apports de marne qui apportent à la fois de l'argile et du calcaire. Par définition, tous les fertilisants qui ne sont pas des amendements sont des engrais. Donc, même si la dolomie apporte du magnésium, elle est rangée dans la catégorie des amendements calcaires. De même, le fumier qui amène à peu près tous les sels minéraux nécessaires aux cultures, est classé parmi les amendements humiques uniquement parce qu'il a une influence directe sur le taux d'humus du sol. 4 1. Limite du premier principe « Pas de fertilisants » Le premier principe de l’agriculture naturelle est « Pas de fertilisants ». Il s’oppose frontalement aux résultats de l’agronomie qui pose, comme préalable, que les plantes consomment des éléments fertilisants et qu’il est nécessaire de compenser les exportations. Mais le problème se pose différemment pour les éléments azotés et pour les autres. 1.1.Fertilisants non azotés Considérons seulement les principaux éléments fertilisants : N, P, K, Ca, Mg, S, Fe, Cu, Zn puis écartons momentanément l’azote (N). À long terme, l’équation bilan est de la forme : Erec = Efer - Eles Erec : exportations dues aux récoltes Efer : apports sous forme de fertilisants Eles : exportations sous forme de lessivage. Si l’on néglige les lessivages, alors les apports en éléments fertilisants doivent être exactement égaux aux exportations dues aux récoltes. Par conséquent, il est impossible d’accepter la position de Fukuoka. Mais doit-on pour autant revenir à l’agriculture chimisée ? Bien évidemment, non. La question est alors de savoir par quoi la remplacer. Il se trouve que la forme d’agriculture la plus proche de l’agriculture naturelle mais qui utilise certains fertilisants est l’agriculture biologique. La source la plus naturelle de fertilisants non azotés est constituée par les sédiments marins rocheux plus ou moins finement concassés comme : - le calcaire - la dolomie - le gypse - etc. Viennent ensuite des produits plus travaillés mais pas transformés qui présentent l’avantage d’être constitués de molécules non toxiques et connues de tous les organismes terrestres : - la chaux - dolomitique et calcique - le sulfate de potassium - le sulfate de potasse et de magnésie - le phosphate naturel - etc. Il est à remarquer que ces produits peuvent être employés sans labour. 5 1.1. Fertilisants azotés Le cas des fertilisants azotés est beaucoup plus délicat. En effet, il n’existe pas de sources d’azote naturelles. C’est pourquoi l’agriculture biologique fait appel aux composts, l’agriculture traditionnelle aux fumiers et l’agriculture chimisée à l’azote de synthèse. 1.1.1 Le compostage Il est clair que l’azote de synthèse, que ce soit sous forme d’ammoniaque, d’urée ou d’ammonitrate est un poison violent qui provoque toujours des catastrophes écologiques. Cependant, l’emploi de fumiers n’est pas non plus sans inconvénient. D’une part, l’élevage n’est pas forcément biologique. Ensuite, la récolte du fumier suppose que le bétail soit détenu en stabulation entravée de longs mois, ce qui n’est compatible qu’avec des climats tempérés. Enfin, l’élevage, surtout d’animaux omnivores (porcs, volailles, …) fait directement concurrence à l’homme puisque ces animaux consomment des aliments que les humains consomment aussi. Il ne reste donc que le compost. Or, le compost ne peut être confectionné qu’avec des déchets végétaux préalablement triés. Les ressources sont ainsi fortement limitées. Surtout en agriculture sans labour ou nul écobuage, nul désherbage ne peut venir grossir la ressource. Le compostage est donc une solution incontournable mais largement insuffisante. Et il ne faut pas compter sur des apports forestiers tels que les écorces broyées ou le bois raméal fragmenté qui sont toujours très pauvres en azote. Par conséquent, il est impératif d’imaginer autre chose. 1.1.2 Les couverts de légumineuses Les agriculteurs appliquant l’agriculture biologique ont l’habitude de prévoir des rotations incluant des cultures de légumineuses. Ils récupèrent ainsi de 40 à 110 unités d’azote à l’hectare et par an. Or, d’une part, ces apports sont très limités et, d’autre par, ils supposent un labour profond capable d’enfouir l’engrais verts. Ce labour profond est bien sûr totalement incompatible avec la philosophie de l’agriculture naturelle mais aussi de nombreux autres courants agronomiques dont le plus connu est celui des Techniques Culturales Simplifiées (TCS). C’est pourquoi nous avons proposé (Barbié 2005 et 2007) une version de l’agriculture naturelle appelée agriculture naturelle étagée. L’idée, déjà pratiquée par l’agriculture traditionnelle, est de semer simultanément les graines de la culture et d’une légumineuse (association végétale), tout en maintenant une couverture arborée significative. Dans cette pratique, la légumineuse apporte de l’azote à la culture grâce aux bactéries fixatrices auxquelles elle est associée. 6 Cette légumineuse est en général une légumineuse fourragère vivace, par exemple : Espèce Taille (en cm) Type Lotier corniculé Lotus corniculatus 15 – 20 V Luzerne cultivée Medicago sativa 50 – 80 V Médic Medicago laciniata A Médic Medicago littoralis A Luzerne lupuline Minette Medicago lupulina 15 - 60 A - B Médic Medicago minima 5 - 30 A Médic Medicago polymorpha 15 - 50 A - B Médic Medicago rigidual A Médic Medicago trunculata 15 - 40 A Mélilot Melilotus officinalis 30 - 80 B Sainfoin Onobrychis sativa 15 – 60 V Trèfle d’Alexandrie Trifolium alexandrinum A Trèfle hybride Trifolium hybridum 30 - 90 V Trèfle incarnat Trifolium incarnatum 25 -50 A - B Trèfle des près Trèfle violet Trifolium pratense 20 - 75 V Trèfle blanc Trifolium repens 7 - 25 V Trèfle de perse Trifolium resupinatum 15 - 65 A Trèfle souterrain Trifolium subterraneum 5 - 25 A Vesce cultivée Vesce commune Vicia uploads/Societe et culture/ebook-agriculture-itan-de-l-agriculture-naturelle-a-l-agriculture-biologique-janv2007-fr.pdf
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