Évaluation et rééducation Evaluation and rehabilitation M. Massiot (Cadre de sa
Évaluation et rééducation Evaluation and rehabilitation M. Massiot (Cadre de santé-kinésithérapeute, maître en sciences de l’éducation) *, H. Aboiron (Cadre de santé-kinésithérapeute, directeur de rééducation, centre Coubert, UGECAM Île-de-France), B. Selleron (Cadre de santé-kinésithérapeute), J. Vaillant (Cadre de santé-kinésithérapeute, docteur ès sciences école de kinésithérapie du CHU de Grenoble, institut universitaire professionnalisé “Ingénierie de la santé”), J. Wils (Cadre de santé-kinésithérapeute, docteur en sciences de l’éducation), P. Stévenin (Cadre de santé-kinésithérapeute, docteur en sciences de l’éducation directeur IFCS Paris, professeur associé université d’Aix-Marseille) 42, rue Louis-Barthou, 26000 Valence, France MOTS CLÉS Évaluation en rééducation ; Rééducation ; Qualité de la rééducation ; PMSI KEYWORDS Evaluation in rehabilitation; Résumé En quelques années, le monde de la santé et celui de la rééducation ont complètement changé de par la technologie et les rapports sociaux. L’évaluation est devenue un point central de la politique de santé et une préoccupation quotidienne des professionnels concernés pour développer la qualité des soins. Le concept d’évaluation a, lui aussi, évolué pour couvrir un champ bien distinct de la recherche qui nécessite d’être développé en tant que tel. Les résultats de recherche participent à l’établissement de référentiels partagés. Dans le champ de la rééducation où la relation humaine est présente tout au long du traitement, l’évaluation prend en compte, à travers des critères, la subjectivité et l’objectivité au sein des projets du patient, des thérapeutes et des institutions. La volonté politique de développement de l’évaluation en santé qui se décline du côté qualitatif avec l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) et du côté quantitatif avec le Programme de médicalisation du système d’information (PMSI) ainsi que par l’intermédiaire de la Sécurité sociale, est relayée dans les pratiques d’évaluation par les acteurs que sont les patients et les praticiens. L’amélioration de la qualité des soins passe par cette exigence d’une évaluation « mul- tivoies » sans cesse renouvelée qui repose pour une grande part sur les compétences des praticiens dans une situation clinique singulière. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Within few years, health and rehabilitation have completely changed in relation with changes in technologies and social relationships. Evaluation has become an essential point in terms of health policy, and a daily concern for those professionals responsible for developing the quality of care. The concept of evaluation has evolved also, and has a * Auteur correspondant. Adresse e-mail : marc.massiot@club-internet.fr (M. Massiot). EMC-Kinésithérapie 1 (2005) 71–86 www.elsevier.com/locate/emckns 1769-6852/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emckns.2005.03.001 Rehabilitation; Rehabilitation quality specific role separate from the research field, which should be more developed. Research results are used to establish shared referentials. Human relationships are present throu- ghout the rehabilitation therapy; therefore, evaluation is based on criteria that take into account both subjective and objective aspects of the patient’s, therapists’, and institu- tion’s projects. The political will of developing evaluation within the health system has resulted, in qualitative terms, in the creation of the ANAES (Agence nationale d’accrédi- tation et d’évaluation en santé), a national agency for health evaluation, and in quantitative terms in the creation of the PMSI (Programme de médicalisation du système d’information) a program for the development of a medical information system; social services as well as patients and practitioners participate in evaluation practices. Impro- vement of the care quality depends on such multi-way evaluation which in turn depends on the practitioner competence in dealing with any singular clinical situation. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Évaluation Du subjectif et de l’objectif, de l’appréciation et de la norme Évaluation et contrôle Depuis quelques années le mot « évaluation » appa- raît un peu partout dans les différents champs de la vie sociale, que ce soit dans le milieu de la santé, celui de l’éducation, celui de l’entreprise et bien d’autres encore. Pour le Dictionnaire de la langue française E. Littré, le mot « évaluation », (ex valuare, extraire la valeur) signifie l’action d’esti- mer la valeur, le prix d’une chose et en second sens l’action de fixer approximativement une quantité. L’estimation de la valeur réfère tant à des éléments subjectifs qu’objectifs et permet de porter un juge- ment en s’appuyant sur des critères et des normes pour aider à la prise de décision.1 En rééducation, le terme est d’apparition récente et porte un sens différent du mot bilan. Ce dernier, issu du champ économique (les Anglo-Saxons lui préfèrent le terme d’examen), a été longtemps utilisé en cohé- rence avec le choix d’une démarche de rééducation qui était fondée sur une conception mécaniste. La logique du bilan s’inscrit dans la recherche de cer- titude, d’exhaustivité, dans le contrôle. Il est alors un instantané qui permet de lire l’écart entre le programme attendu et un état à un moment donné.2 L’évaluation s’inscrit dans un mouvement, il s’agit surtout d’identifier des points forts et des points faibles pour améliorer les prestations. Éva- luer et contrôler sont deux démarches complémen- taires mais qui n’ont pas le même statut et aucun des deux versants n’exclut l’autre, simplement ils n’ont pas le même objectif. Un expert évalue, un inspecteur contrôle. Éva- luer un tableau consiste à chercher tous les élé- ments objectifs possibles (nom de l’auteur, date, contexte historique, géographique, taille...), mais c’est aussi tenir compte du marché, des phénomè- nes de mode..., il se construit un référentiel. Une dimension d’appréciation, d’intuition est présente, un endroit où la mesure ne suffit plus, il y a du subjectif. C’est toute la valeur ajoutée de l’expert. Ce serait pourtant si simple de mesurer ! L’inspecteur, lui, vient constater. Il recherche la plus grande objectivité possible et s’appuie sur une norme pour prendre position et sanction éven- tuelle. Le rééducateur est dans une situation d’expert. Il cherche des critères objectifs, il s’appuie sur des signes connus, sur des normes physiques, biologi- ques et autres pour porter son diagnostic mais dans le même temps il est face au patient dans sa singularité. Il est amené à prendre en compte dans sa démarche d’évaluation, la personnalité, le pro- jet de vie de la personne qu’il a en face de lui.3 Là aussi la subjectivité est présente de la part des deux acteurs de la relation de soin. Là aussi, si la mesure est nécessaire, elle ne peut être suffisante dans la détermination des objectifs du traitement et dans la prise en charge du patient. Le passage à l’évaluation en santé s’est traduit en France par la création d’une structure officielle, l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale (ANDEM), en 1992, puis en 1996 par la création de l’Agence nationale d’accré- ditation et d’évaluation en santé (ANAES). Avec l’introduction de la conception de la qualité dans le domaine de la santé, les modèles du contrôle puis de l’assurance qualité ont cédé le pas à l’améliora- tion continue qui passe par la relation singulière à la personne malade. L’évaluation est au cœur même de cette conception. La qualité n’est pas à maîtriser mais à promouvoir,4 l’évaluation va donc s’attacher à recueillir des informations afin de don- ner du sens à l’action. Les modèles de l’évaluation médicale vont dans le même temps évoluer d’une évaluation-contrôle à une évaluation-communi- cation.1 72 M. Massiot et al. Référentiel Donner de la valeur à quelque chose, évaluer d’ac- cord mais par rapport à quoi ? L’évaluateur a be- soin, pour mener à bien sa mission, de faire appel à un ensemble d’éléments formant un système de référence reconnu par la communauté constituant un référentiel. Ainsi, l’ANAES, au travers des re- commandations pour la pratique clinique et des conférences de consensus, participe fortement à l’élaboration d’un référentiel de savoirs par patho- logie par exemple. Elle participe en ce sens à l’évaluation des pratiques qui devra être enrichie par un référentiel des situations professionnelles,5 nous rapprochant par là même d’une évaluation des compétences professionnelles.6 Norme La norme, d’où vient-elle, qui la pose, à partir de quels critères, dans quel champ, dans quel but ? En rééducation ces questions sont fondamentales face à une personne et pour une personne qui est at- teinte d’une incapacité. La définition du normal et du pathologique se pose. Elle est à la clé du passage de l’incapacité au handicap, c’est-à-dire de la com- pétence avec laquelle une personne gère son inca- pacité dans la vie quotidienne. La norme est-elle absolue, et qui la fixe ? Le danseur anglais David Toole en est une vivante démonstration (né sans jambe, il danse sur ses mains sur les plus prestigieu- ses scènes du monde) et propose une réponse ma- gistrale : « très tôt, je me suis déplacé sur les mains. Quand le problème des jambes artificielles s’est posé, je n’en voulais pas. C’était bien pour les autres : j’avais l’air normal, ils étaient soulagés ».7 Par ce refus, il fixe ses propres règles, c’est la définition même de l’autonomie. La norme ne peut être uniquement extérieure au sujet.8 Elle est une négociation entre le sujet et son environnement, orientée par un projet de vie. Le rôle du soignant est primordial pour accompagner cette construc- tion d’une uploads/Sante/ 04-evaluation-et-reeducation.pdf
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- Publié le Mar 02, 2022
- Catégorie Health / Santé
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