Sciences du jeu | 30 ans de Sciences du jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques H

Sciences du jeu | 30 ans de Sciences du jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques Henriot Bernard Perron 1/13 Sciences du jeu n°1 30 ans de Sciences du jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques Henriot « L'attitude ludique de Jacques Henriot » Bernard Perron Résumé Si les video game studies se sont et se développent largement en anglais, on peut affirmer sans chauvinisme qu'ils ont souffert de ne pas pouvoir lire Jacques Henriot. Certes, parce qu'elles ont été traduites dans la langue de Shakespeare dès 1961, ce sont les réflexions de Roger Caillois dans Les jeux et les hommes (1958) qui ont été le plus considérées durant l'émergence des études du jeu vidéo. Mais par le fait même, et de toute évidence à la suite des travaux de Huizinga, ce sont davantage la définition et les formes du jeu qui ont d'abord interpellé les chercheurs. Bien que Caillois se soit aussi intéressé à l'attitude psychologique du joueur face au jeu (et qu'inversement l'auteur de Le Jeu [1969] et Sous couleur de jouer : la métaphore ludique [1989] ait également proposé une définition), Henriot a quant à lui réellement réfléchi à la conduite nécessaire au jeu et exigée par le jouer. En lisant les travaux du fondateur des sciences du jeu tout an proposant un survol des recherches en video games studies, cet article souhaite montrer comment, sans parler de jeu vidéo, Henriot avait déjà l'"attitude" pour en étudier les tenants et aboutissants. Abstract If video game studies have grown and are largely developing in English, we can assert without chauvinism that they have suffered from not reading Jacques Henriot. Certainly, because they have been translated into the language of Shakespeare in 1961, it is the thoughts of Roger Caillois in Les jeux et les hommes (1958)which were mostly considered during the emergence of video game studies. But thereby, and obviously following the work of Huizinga, scholars have been more concerned with the definition and forms of play and games. While Caillois has also been interested in the psychological attitudes of the player in front of various types of games (and, conversely, the author of Le Jeu [1969] and Sous couleur de jouer :la métaphore ludique [1989] has also proposed a definition), Henriot has for his part really thought about the necessary and required conduct of and for play. In reading the work of the founder of the sciences of play as well as offering an overview of the researches in video game studies, this article aims to show how Henriot, even if he never addressed them directly, already had the "attitude" to study the ins and outs of video games. Bien que je ne l'aie pas initialement pensée ainsi, ma présente intervention s'inscrit dans la continuité de celle que j'ai faite au colloque « Les jeux vidéo. Au croisement du social, de l'art et de la culture » tenu à Limoges en 2009. Elle me permet même d'en approfondir le propos publié (Perron, 2010). Qui plus est, l'entière journée scientifique en hommage à Jacques Henriot s'avère à mon grand plaisir être une démonstration éclatante de l'illustration que j'ai alors souhaité utiliser pour clore ma réflexion. En effet, les organisateurs du colloque de Limoges, dont Maude Bonenfant et Sébastien Genvo (qui sont aussi intervenus durant la journée), m'avaient sensiblement fait une demande semblable à celle de Gilles Brougère qui m'a invité ici, à savoir situer les travaux francophonesface à la théorie anglophone du jeu vidéo. Ayant un peu bousculé l'ordre (ce que je ferai encore dans cet article) en me donnant comme ambition première de stimuler plus que de témoigner de la place et de la vivacité des recherches vidéoludiques francophones, j'ai placé mon exposé sous le signe de la libido. Ce que j'ai en un mot voulu Sciences du jeu | 30 ans de Sciences du jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques Henriot Bernard Perron 2/13 souligner par là, c'est que la première libido ludendi ou passion de jouer du chercheur doit toujours animer ses libidos dissecandi (désir d'analyser) et studendi (désir d'étudier). Citant Dominique Nogez au sujet de l'avènement des études cinématographiques : Autrement dit et pour finir, il serait absurde que ceux qui s'occupent de cinéma [ou de jeu vidéo] à l'Université ? étudiants, enseignants, chercheurs ? soient amenés à faire de l'analyse filmique [ou vidéoludique] comme les charcutiers font du boudin : je veux dire au mètre et même au kilomètre. Et sans plaisir (Nogez, 1980, p. 193). Tant qu'un chercheur reste ludique et créateur de connaissances et de compétences, importe-t-il que l'on (1) parle de video game studies ou d'études du jeu vidéo ? « Embrasé par notre cupido creandi, notre nouveau champ de recherche ne peut qu'être florissant » (Perron, 2010, p. 25). Par contre, c'était là ma conclusion : « Et puis, en matière de désir et de passion, rien ne vaut un french kiss » (Perron, 2010, p. 25). Tout en évitant de me référer à la fameuse mais controversée french touch rattachée aux développeurs de jeux vidéo français au tournant des années 1990, c'est à l'apport particulier de la recherche française que j'en appelais. Je ne peux conséquemment pas m'empêcher de filer l'analogie et affirmer que les travaux de Jacques Henriot sont de remarquables french kisses. De son essai sur Le Jeu (Henriot, 1983) à son ouvrage Sous couleur de jouer. La métaphore ludique (Henriot, 1989a), en passant entre autres par ses entrées encyclopédiques dans l'Univers de la Psychologie (Henriot, 1978) et l'Encyclopédie philosophique universelle (Henriot, 1989b, 1989c, 1990a et 1990b), l'étreinte n'a pas cessé d'être voluptueuse. Henriot a embrassé le jeu avec autant de cupido que son compatriote Roger Caillois (1958) dans Les Jeux et les hommes. Le masque et le vertige. C'est parce qu'elles ont été traduites en anglais dès 1961 que ces dernières conceptions ont été le plus considérées durant l'émergence des video games studies. Si les écrits d'Henriot avaient eux aussi été accessibles par la suite dans la langue de Shakespeare, on peut imaginer sans difficulté qu'ils auraient pu avoir un impact tout aussi important ou, comme je voudrais le montrer, certainement permis de mieux en évaluer les fondements tout en signalant une incontournable perspective d'étude. Pour l'heure, à l'exception de mes quelques références au livre Le Jeu dans The Video Game Theory Reader 1 (Perron, 2003) et celles plus soutenues à Sous couleur de jouer de Sébastien Genvo (2009) dans The Video Game Theory Reader 2, le monde anglophone n'a sensiblement jamais entendu parler d'Henriot. Si les video game studies se sont développés et se développent toujours largement en anglais, on peut affirmer sans trop de chauvinisme qu'ils ont souffert de ne pas pouvoir lire Jacques Henriot. Corollairement, les travaux du fondateur des sciences du jeu demeurent l'une des cartes cachées de la recherche française. À juste titre, saluons l'initiative de l'Université Paris 13 qui réunit ici une collection de textes consacrés à Henriot ; celle-ci nous permet de sortir de notre jeu cet as de coeur (analogie quand tu nous tiens) pour mieux l'abattre ensuite sur la table des études vidéoludiques, toutes langues confondues. Questionner le jeu : l'attitude ludique Comme l'indique mon titre, je tiens pour ma part à rendre hommage à Jacques Henriot en soulignant son « attitude ». Je me réfère évidemment par là à la notion d'attitude ludique qui lui a été si chère (et j'y reviendrai), mais d'abord à son état d'esprit à l'égard du jeu. Car à force de réfléchir à ce que signifiait jouer, Henriot a fini par être ludique. Le début de Sous couleur de jouer, ouvrage qui synthétise autant qu'il aiguise la pensée de son auteur, est on ne peut plus clair. L'attitude que j'adopte participe, je l'avoue, de ce qu'on nomme couramment le jeu. Comment parler de jeu sans jouer ? Peut-on rester grave et compassé devant un sujet dont le moins qu'on puisse dire est qu'il prête à jouer, non seulement avec les mots que l'on emploie mais aussi et plus profondément avec le sens même d'une réalité fuyante, rebelle, ne se dévoilant et ne se laissant entrevoir que pour se dérober aussitôt ? Qui parlerait de jeu sans jouer plus ou moins ne jouerait pas le jeu (Henriot, 1989a, p. 10). La fin ne l'est pas moins puisqu'Henriot y surprend celui ou celle qui ne se serait pas plié aux règles de la lecture : Sciences du jeu | 30 ans de Sciences du jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques Henriot Bernard Perron 3/13 Enfin bref... Il me revient que certains lecteurs n'ont pas la patience de lire un livre en accompagnant l'auteur dans tous ses développements. L'essentiel est pour eux de savoir comment cela finit. Ils aiment qu'on leur résume l'ouvrage en une phrase. A leur intention, je vais rassembler ici les éléments de la définition que d'autres auront lue, au fil des pages, par-dessus mon épaule (Henriot, 1989a, p. 300). Les impatients qui auront pensé que « le tour était joué » en se contentant de cette (autre, car chacun y est uploads/Science et Technologie/l-attitude-ludique-de-jacques-henriot.pdf

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