« How to look up? » : adapter la Design Science pour aider la recherche en Gree
« How to look up? » : adapter la Design Science pour aider la recherche en Green IS à l’ère de l’Anthropocène Florence Jacob* Mathias Guerineau** Julien Kleszczowski *** * Nantes , LEMNA, F-44000 Nantes, France ** , LEMNA, F-44000 Nantes, France *** ISG, Paris, France Résumé : Face à une nouvelle ère, dite de « l’Anthropocène », définie par le lien direct entre les activités humaines et l’état catastrophique des écosystèmes terrestres et maritimes ainsi que du climat, les sciences de gestion peuvent et doivent apporter de nouvelles clés théoriques assurant la redéfinition et la reconception des modes d’action collective. Pour cela, il est important de réflechir aux démarches de recherche en Green IS et de l’intérêt de la Design Science Research (DSR). Cette communication cherche à prouver l’intérêt de la DSR pour créer des artefacts disruptifs et capables d’avoir des actions transformatives aptes à répondre aux défis de l’ère Anthropocène. Pour cela, il convient d’adapter plusieurs points de la démarche DSR. Trois propositions sont faites : intégrer les besoins de la terre dans la classe de problèmes à résoudre, utiliser des cadres théoriques transformatifs longitudinaux et enfin, modifier les modalités d’évaluation. Mots clés : Design Science Research, Green IS, Anthropocène 2 « Nous sommes toutes et tous les parties prenantes de Gaia ». Cette assertion a priori simple renvoie à des appels nombreux d’une nécessaire transformation en profondeur de nos relations (humaines) vis-à-vis de la terre vue comme un système vivant - c'est-à-dire Gaïa (Latour, 2015; Waddock, 2011). Si ces appels sont anciens, ils semblent ne pas avoir trouvé l’écho nécessaire au regard des résultats des principaux scénarios (GIEC, 2021 ; IPBES, 2019) (dé)montrant, en lien direct avec les activités humaines, l’état catastrophique des écosystèmes terrestres et maritimes ainsi que du climat (Persson et al., 2022). Ces bouleversements sont appelés à être définis comme une nouvelle ère, dite de « l’Anthropocène » (Clark, 2015 ; Monastersky, 2015 ; Crutzen, 2002). Face à ces constats, une partie de la communauté scientifique en management parie sur le potentiel d’innovation pour dépasser cette crise écologique majeure. Un champ de recherche émerge donc et appelle à ouvrir une voie plus disruptive et plus critique afin de modifier en profondeur les organisations et leurs systèmes techniques (Nyberg & Wright, 2020). En effet, l’urgence du problème et l’apparent consensus autour du concept d’Anthropocène (Crutzen, 2006), en particulier dans les sciences sociales (Charbonnier, 2017), n’ont pas permis de faire émerger un corpus cohérent de connaissances permettant la transformation des modes d’action de nos sociétés occidentales. S’il est clair que l’ensemble des sciences a un rôle clé à jouer1 pour que nous puissions continuer à vivre dans cette ère, les sciences de gestion peuvent et doivent aussi apporter de nouvelles clés théoriques assurant la redéfinition et la re-conception des modes d’action collective (Jelinek et al., 2008) en lien avec les limites physiques de notre planète (Heikkurinen et al., 2021). Ce travail de conception théorique pourrait permettre alors a minima de contrebalancer les effets des interactions de l’être humain avec la nature (George et al., 2016) voire à renverser complètement nos modes d’organisation puisque qu’il est déjà ‘trop tard’ (Wright et al., 2018). Dans la lignée des travaux portés par Heikkurinen, Nyberg, ou Wright, il est évident qu’accepter, d’un point de vue empirique, l’Anthropocène comme le fondement matériel de nos modes d’actions et de pensées (ou nouvelles coordonnées terrestres comme les nomme Bruno Latour) contraint les chercheurs à redéfinir entièrement leurs pratiques scientifiques et leurs cadres théoriques. Ce basculement est aussi et surtout celui de la remise en question de certains paradigmes comme, par exemple, l’efficacité comme seule logique d’action et la croissance comme seul objectif. Ces paradigmes n’ont pour ainsi dire que très peu été remis en cause depuis les écrits fondateurs allant d’Adam Smith à Herbert Simon. Des travaux déjà anciens (dès 1994, dans une revue comme l’Academy of Management Review) ont posé les prémices de ce renversement en définissant des sciences de gestion écocentrées plutôt qu’anthropocentrées. Ce bouleversement permet de redéfinir nos modes d’action collectifs de manière durable, plaçant non pas l’humain au centre des modes d’organisation, mais le système terre (l'éco selon Latour) au centre (Purser et al., 1995; Shrivastava, 1995). Néanmoins, même si l’idée de systèmes d’information durables a été développée, dans le concept de Green IS (GIS), le développement d’une forme écocentrée des sciences de gestion ne s’est pas encore opéré, ni sur le plan théorique ni sur le plan empirique (Heikkurinen et al., 2021) et reste très parcellaire en systèmes d’information (Lee, 2020). 1 https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/tribune-crises-environnementales-1-400- scientifiques-appellent-les-candidats-a-la-presidentielle-et-les-medias-a-sortir-des-discours-de-l- inaction_4930099.html 3 La recherche sur les Green IS porte sur les systèmes d’information (SI) qui contribuent à la durabilité environnementale (Watson et al., 2010) en fournissant des solutions face aux nouveaux défis environnementaux (vom Brocke et Seidel, 2012; Malhotra et al., 2013). La recherche GIS s’efforce de comprendre l’influence de ces artefacts sur le comportement durable aux niveaux individuel, organisationnel et sociétal (Elliot 2011; Malhotra et al., 2013; Melville, 2010). Pour nourrir l’ambition de ce basculement paradigmatique, il semble nécessaire de “refonder” nos cadres de création et de construction de connaissance (David, 2013). En effet, c’est en redessinant les contours de nos méthodes de recherche par et pour l’Anthropocène que nous pourrons générer des connaissances et des cadres théoriques à la fois plus disruptifs c’est-à-dire en capacité de prendre en compte ces nouvelles coordonnées terrestres) et performatifs pour permettre aux acteurs d’agir dans cette nouvelle ère. Dans cette perspective, nous proposons de mobiliser la Design Science Research (DSR), une stratégie de recherche originale visant à générer des outils empiriques et de la connaissance théorique en réponse à des problèmes complexes (Hevner et al., 2004; Romme, 2003), et de l’adapter afin de répondre aux nouveaux défis des organisations à l’ère de l’Anthropocène. La DSR représenterait alors, sous certaines conditions, une méthode génératrice d’outils empiriques et de théories écocentrées en répondant aux nouveaux défis de l’entreprise face à l’Anthropocène (Zolfagharian et al., 2019; Guérineau et al., 2022). Nous nous proposons alors, dans une première partie, de dresser un panorama de la recherche en green IS et d’exposer les points saillants de la DSR pour, dans une deuxième partie, montrer l’intérêt mais aussi les limites de cette démarche en recherche en GIS. Enfin, dans une troisième partie, nous développerons les trois principes pour proposer une véritable méthodologie écocentrée permettant de donner aux chercheurs en gestion un véritable pouvoir d’agir dans l'Anthropocène. Cet article permettrait alors d’outiller les chercheurs en GIS afin qu’ils puissent s’engager dans une recherche écocentrée permettant de proposer à la fois de nouvelles théories et des modèles actionnables par les praticiens qui soient adaptés à l’ère de l'Anthropocène. 1. La green IS et la Design Science Research : état de l’art Afin de bien comprendre les enjeux du renouveau de la recherche nécessaire en GIS, il convient de faire un premier état de l’art afin de montrer les faiblesses actuelles de la recherche en Gis ainsi que la logique de la DSR. 1.1. La recherche en Green IS et ses faiblesses Les termes Green IT et Green IS (GIS) ont souvent été confondus (Watson et al., 2010). La recherche en Green IT est axée principalement sur la conception et l’utilisation économes en énergie de l’informatique (vom Brocke et Seidel 2012; Malhotra et al. 2013), alors que la recherche GIS est un sous-domaine de la discipline des SI qui étudie le processus de 4 conception, la mise en œuvre et l’utilisation des SI pour avoir un impact positif sur l’environnement et soutenir la durabilité au sein des organisations (Malhotra et al. 2013; Watson et al., 2010). Le GIS a été identifié comme un hot topic et un nouveau champ de recherche (vom Brocke, Watson et al. 2013) car il possède la capacité d’influencer la soutenabilité environnementale des SI à long terme. En plus de produire des résultats durables (comme la réduction des émissions et des déchets), les SI peuvent également influencer la formation d’actions (par exemple, induire un comportement durable) et la formation de croyances (par exemple, accroître les préoccupations environnementales) (Melville 2010). Par conséquent, le GIS a un rôle important dans la recherche de solutions aux problèmes environnementaux de notre société (vom Brocke, Seidel et al., 2013; Gholami et al., 2016; Malhotra et al., 2013). Cette voie de recherche ajoute à la base de connaissances de la communauté des SI en fournissant des informations sur l’utilisation, la conception, l’adoption et l’influence des SI du point de vue de la recherche comportementale (vom Brocke & Seidel 2012; vom Brocke, Seidel et al. 2013). En outre, la recherche en GIS peut également produire des solutions ciblées et novatrices aux défis environnementaux sous la forme d’artefacts en suivant les principes DSR (vom Brocke, Watson et al. 2013; vom Brocke, Seidel et al. 2013). Cette stratégie de recherche DSR axée sur la conception est toujours considérée comme un domaine de recherche émergent pour les SI et les GIS en particulier (Malhotra et al., 2013). La recherche en GIS se concentre globalement sur des concepts théoriques assez classiques en uploads/Science et Technologie/ jacob.pdf
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- Publié le Jul 13, 2022
- Catégorie Science & technolo...
- Langue French
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