FARADAY PAPER 1 Une introduction au débat entre science et religión John Polkin
FARADAY PAPER 1 Une introduction au débat entre science et religión John Polkinghorne Résumé La science et la théologie ont des choses à se dire puisque toutes deux se soucient de la recherche de la vérité atteignable par une conviction étayée. La théologie naturelle, la création, la providence divine et le miracle font partie des thèmes importants de cette discussion. Cet article présente une brève vue d’ensemble de l’état actuel de ce dialogue. Les participants du débat entre science et religion usent d’un certain nombre de stratégies différentes selon qu’ils cherchent l’affrontement ou la concorde, mais en guise d’introduction il convient d’abord d’examiner les vrais enjeux impliqués dans cette discussion. Pour la science, le partenaire naturel de débat est la théologie, discipline intellectuelle qui réfléchit sur l’expérience religieuse, de même que la science porte sur l’investigation humaine de l’univers physique. Science et théologie prétendent toutes deux explorer la nature de la réalité mais, à l’évidence, elles l’étudient à des niveaux différents. L’objet d’étude des sciences naturelles est le monde physique et les êtres vivants qui l’habitent. Les sciences traitent leur sujet avec objectivité, à travers un mode d’approche impersonnel qui emploie pour outil de recherche l’interrogation expérimentale. La nature est soumise à des tests basés sur des expériences qui, en principe, sont reproductibles aussi souvent que les expérimentateurs en ont besoin. Même les sciences historiques, comme la cosmologie physique ou la biologie évolutive, appuient, pour une bonne part, leur pouvoir d’explication sur les enseignements tirés des expériences scientifiques directes, telles la physique et la génétique. Le but de la science est de comprendre avec précision la manière dont les choses se produisent. Elle porte son intérêt sur les processus à l’œuvre dans le monde. La théologie se préoccupe de chercher la vérité sur la nature de Dieu, Celui que l’on atteint véritablement dans la crainte et l’obéissance et qui ne saurait être soumis à des tests expérimentaux. Comme dans toutes les formes d’engagement personnel, la rencontre avec la réalité transpersonnelle du divin doit être fondée sur la confiance, et le caractère de cette rencontre est intrinsèquement individuel et unique. Les expériences religieuses ne peuvent être provoquées par manipulation humaine. La théologie s’en remet plutôt à des actes dévoilant l’autorévélation divine. Plus particulièrement, toutes les traditions religieuses se tournent vers les événements fondateurs dans lesquels la tradition puise son origine et qui jouent un rôle unique pour connaître la nature de la divinité. En ce qui concerne l’histoire cosmique, la théologie a pour objectif central de comprendre pourquoi les événements ont eu lieu. Sa préoccupation tient à des questions de sens et de but. La foi en Dieu le Créateur implique l’idée d’un esprit divin et d’une volonté divine à l’origine de ce qui s’est passé dans l’univers. Ces différences entre les caractéristiques respectives de la science et de la théologie ont conduit certains à supposer que l’une et l’autre sont complètement détachées, concernées par des formes de discours distinctes et bel et bien sans commune mesure. S’il en était ainsi, il ne pourrait y avoir de vrai débat entre la science et la religion. Cette conception de deux langages disjoints s’est avérée populaire chez les scientifiques soucieux de ne pas être irrespectueux à l’égard de la religion, entendue comme une activité culturelle humaine, mais qui ne veulent pas prendre au sérieux les arguments cognitifs de la connaissance de Dieu. Quand cette position est adoptée, une comparaison entre la science et la théologie est alors À propos de l’auteur Le révérend docteur John Polkinghorne, Chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique et membre de la Royal Society, a travaillé pendant vingt-cinq ans sur la physique théorique des particules élémentaires. Il a été professeur de physique mathématique à l’université de Cambridge, puis président du Queen’s College à Cambridge. Président fondateur de l’International Society for Science and Religion entre 2002 et 2004, le docteur John Polkinghorne est l’auteur de nombreux ouvrages sur la science et la religion, dont notamment Science and Theology (Londres, Society for Promoting Christian Knowledge, 1998). 2 fréquemment établie en des termes défavorables à la religion. Souvent, la science est considérée comme traitant des faits, tandis que la religion est regardée comme reposant seulement sur l’opinion. Ce point de vue est une double erreur. Les analyses du vingtième siècle sur la philosophie de la science ont clairement montré que la quête scientifique de la connaissance est fondée sur une chose bien plus subtile que la confrontation non problématique entre des faits expérimentaux indubitables et des prédictions théoriques incontournables. Théorie et expérimentation sont étroitement intriquées et il n’est pas de faits scientifiques intéressants qui ne soient pas déjà des faits interprétés. Le recours à la théorie est nécessaire afin d’expliquer ce qui est réellement mesuré par des instruments sophistiqués. De son côté, la théologie n’est pas fondée sur la simple affirmation de vérités indiscutables découlant d’énoncés émanant d’une autorité incontestable. La foi religieuse possède ses propres motivations, et son appel à la révélation concerne l’interprétation de circonstances d’une importance unique où se dévoile la révélation divine plutôt qu’elle ne concerne des vérités propositionnelles mystérieusement transmises. Plusieurs considérations montrent que la thèse de l’indépendance réciproque de la science et de la théologie correspond à une vision trop grossière pour être convaincante. « Comment ? » et « pourquoi ? » sont des questions qui peuvent être posées simultanément à propos de ce qui se produit et qui doivent souvent être traitées ensemble si l’on veut accéder à une compréhension adéquate. La bouilloire est en ébullition à la fois parce que le gaz chauffe l’eau et parce que quelqu’un veut faire du thé. Les deux questions sont bien sûr distinctes d’un point de vue logique et aucune implication inévitable ne lie leurs réponses, mais il doit tout de même y avoir un degré d’adéquation entre les tournures que prennent ces réponses. Mettre la bouilloire au réfrigérateur avec l’intention de faire du thé n’a pas beaucoup de sens. La théologie se doit d’écouter l’explication de la science sur l’histoire de l’univers et de déterminer comment cette explication se combine avec la croyance religieuse selon laquelle le monde est la création de Dieu. S’il apparaissait entre elles une inadéquation totale, une certaine forme de révision s’avèrerait nécessaire. Les fondamentalistes religieux considèrent que cette révision incombe à la science, tandis que les fondamentalistes scientifiques pensent que la religion n’est tout simplement pas pertinente pour comprendre pleinement le cosmos. Ces deux positions extrêmes correspondent à la vision conflictuelle de la relation entre science et religion. D’un côté comme de l’autre, on veut remporter la victoire totale dans le débat, une visée gravement déformée qui échoue à reconnaître la relation de complémentarité entre ces deux formes de recherche de la vérité. Un point de vue plus équilibré consiste à considérer que les deux approches méritent d’être appréciées à l’aune de leur relation réciproque, une démarche qui fournit de nouvelles perspectives de débat entre la science et la religion. La science comme la théologie ont fait l’objet de commentaires postmodernes affirmant que leurs métarécits sont de simples fables inventées, adoptées collectivement. Toutes deux réagissent en invoquant ce qui, basé sur l’expérience, motive leurs croyances et toutes deux soutiennent que ce qui est appelé « réalisme critique » rend au mieux compte de leurs accomplissements. Cela signifie qu’aucune des deux n’atteint une connaissance exhaustive – parce que l’exploration de la nature révèle constamment de nouvelles connaissances inattendues et la réalité infinie de Dieu dépassera toujours l’entendement des êtres humains limités – mais toutes deux estiment qu’elles accèdent à la vraisemblance, à une cartographie d’aspects de la réalité adaptée à certains buts, mais pas à tous. En revendiquant ce réalisme critique, la science et la théologie manifestent un certain degré de cousinage qui est, en lui-même, suffisant pour encourager leur dialogue. La science a tiré son grand succès de son ambition modeste, se bornant à une approche impersonnelle et ne cherchant à répondre qu’à des questions restreintes concernant les processus. La science, en quelque sorte, pêche au chalut les éléments de l’expérience en employant un filet à larges mailles. Son explication de l’expérience musicale est formulée en termes de réponse neuronale à l’impact des ondes sur le tympan. Le mystère profond de la musique – comment une séquence sonore temporelle peut produire un champ de beauté intemporelle – lui échappe totalement. Un aspect important du débat contemporain entre la science et la religion tient à la reconnaissance de l’importance de « questions limites » relatives à des enjeux que la pratique scientifique soulève mais dont la portée s’étend au-delà de la limite qu’elle s’est donnée pour y répondre. Ces questions limites ont été à la base d’une nouvelle forme de théologie naturelle, largement développée par les scientifiques eux-mêmes, y compris ceux qui n’adhèrent à aucune tradition de foi. La théologie naturelle La théologie naturelle est la tentative d’apprendre quelque chose de Dieu à partir de considérations générales, comme l’exercice de la raison et l’examen du monde. Sa forme classique est associée à des penseurs, tels que Thomas d’Aquin (treizième siècle) et William uploads/Science et Technologie/ faradaypaper1french-1.pdf
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- Publié le Nov 30, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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