LUMIÈRE DU THABOR Bulletin des Pages Orthodoxes La Transfiguration Numéro 38 ●

LUMIÈRE DU THABOR Bulletin des Pages Orthodoxes La Transfiguration Numéro 38 ● Juin 2010 Lumière du Thabor Numéro 35 ● Octobre 2008 Page 2 SERGE BOULGAKOV 1 / Aperçu du cheminement du père Serge Boulgakov 5 / Appels et rencontres (Notes autobio- graphiques) 11 / Auprès du cercueil de mon enfant 13 / La Transfiguration du père Serge (Récits de la sœur Jeanne et de la mère Théodosie) 19 / Textes du père Serge Boulgakov : Les portes de la pénitence La Gloire magnifique La Pentecôte et la descente de l’Esprit La vénération de la Mère de Dieu L’icône de la Mère de Dieu La vénération des saintes reliques 29 / Bonnes feuilles : Le Journal du père Alexandre Schmemann 34 / La Prière du Seigneur par Igor Sikorsky (II) 39 / Livres recommandés SERGE BOULGAKOV PENSEUR CHRÉTIEN ET HOMME D’ÉGLISE ______________________________________________________________________ APERÇU DU CHEMINEMENT INTELLECTUEL ET SPIRITUEL DU PÈRE SERGE BOULGAKOV par Paul Ladouceur Serge Boulgakov est issu d’une famille de prêtres et de diacres depuis sept générations. Il est né le 16 juillet 1871 dans la ville de Livny, en Russie centrale. Il grandit dans un environnement marqué par la foi et la culture orthodoxes, mais à douze ans il se révolte contre les rigueurs de la vie dans une école ecclésiastique et à quatorze ans, il décide de ne pas faire une carrière dans l’Église ; il se considérait comme un nihiliste révolutionnaire. Pendant quinze ans, il s’est associé avec l’intelligentsia marxiste. Au cours de ces années de formation, il a complété celle-ci par des voyages d’études à Moscou, Berlin, Paris et Londres, et il a publié son premier livre important, Le Rôle du marché dans la production capitaliste. En 1898, il épousa Éléna Ivanovna Tokmakova. Son mariage a été heureux, et plusieurs des moments les plus profonds de son expérience religieuse ont eu lieu dans le cadre sa vie familiale. Le couple a eu trois fils et une fille. La mort de son fils de trois ans, Ivan en 1909, a produit en lui une profonde impression (voir dans ce Bulletin, « Auprès du cercueil de mon enfant »). Le parcours spirituel de Serge Boulgakov a été jalonné par plusieurs expériences marquantes, la première en 1894, lorsqu’il a été frappé par la beauté des montagnes du Caucase depuis la steppe où il voyageait en train. Pour la première fois depuis qu’il avait rejeté la foi il y a dix ans, il s’est mit à douter de la vraisemblance du matérialisme et à envisager la possibilité de l’existence de Dieu (voir son récit sous le titre « Devant moi brillait le premier jour de la Création » dans ce Bulletin). En 1898, à la galerie Zwinger à Dresde, la Madone de Raphaël de la Chapelle Sixtine l’a beaucoup impressionnée (voir « Et tout à coup, une rencontre inattendue »), mais le moment de sa conversion définitive n’était pas encore venu. (suite page 2). _______________________________________________________________________ Nouveau aux Pages Orthodoxes La Transfiguration (www.pagesorthodoxes.net) Lumière du Thabor No 35 : Paul Florensky - Prêtre, savant et martyr Lumière du Thabor No 36 : Olivier Clément, théologien des temps modernes Lumière du Thabor No 37 : La Prière dans la vie chrétienne Nos remerciements à Alexandre Nicolsky et Valère De Pryck Au tournant du siècle, Serge Boulgakov est devenu progressivement de plus en plus déçu par la « religion du progrès » et désenchanté par l’attrait de l’Occident. En 1901, il publie deux volumes sur le capitalisme et l’agriculture, où il se montre beaucoup moins convaincu de la justesse du marxisme que dans ses travaux antérieurs sur le rôle du marché. Sa pensée se détourne alors peu à peu du marxisme vers la spiritualité russe, en passant par l’idéalisme allemand. De 1901 à 1906, il occupe la chaire d’économie politique à l’Institut polytechnique de Kiev. Il est bien accueilli par les étudiants et est rapidement devenu un chef de file des jeunes de l’intelligentsia religieuse. Le 21 novembre 1901, il donne à Kiev une conférence publique sur Dostoïevski et à sa grande surprise, son discours est reçu avec enthousiasme par une foule d’étudiants, qui lui donnent une ovation debout. Cet événement allait marquer un tournant dans son cheminement intellectuel et spirituel. C’est à cette époque que Boulgakov abandonna définitivement le marxisme en faveur de l’idéalisme allemand, évolution signalé par son livre Du Marxisme à l’idéalisme (1903). L’idéalisme de Boulgakov comprenait à la fois la philosophie critique de Kant et la primauté du principe spirituel chez l’homme, ce qui ouvrait la porte à la pensée chrétienne. En 1906, il fut nommé professeur d’économie politique à l’Institut de commerce de l’université de Moscou. Dans la décennie suivante, il publia un grand nombre d’articles, d’essais et d’études sur la théorie politique. Sa conversion définitive au christianisme a eu lieu vers 1907-1908, suite à plusieurs expériences religieuses à Moscou et à un séjour dans un monastère, où il s’est confessé et a communié pour la première fois depuis son enfance (voir « À ta cène mystique, Seigneur, reçois-moi »). En 1909, il rejoint Nicolas Berdiaev, Simon Frank, Pierre Struve et d’autres penseurs religieux dans la publication d’un recueil important, Jalons (Vekhi), livre sensationnel et prophétique qui appelle l’intelligentsia à se détourner des théories révolutionnaires dangereuses vers la pensée religieuse, qui seule peut véritablement libérer l’homme. C’est aussi à cette époque que Boulgakov rencontre le père Paul Florensky (1882–1937), qui a eu une grande influence sur sa vie intérieure et le développement de sa théologie (voir le beau témoignage, écrit en 1943, du père Serge Boulgakov sur son ami resté en Union soviétique, dans le Bulletin Lumière du Thabor No 35). Le cheminement spirituel du Serge Boulgakov démontrait qu’il n’était pas un scientifique académique ordinaire. En 1912, il écrit un volume inhabituel sous le titre prosaïque de Philosophie de l’économie. C’est dans ce travail qu’il présente son premier exposé systématique sur la sophiologie, le concept unificateur de sa pensée, qu’il alla élaborer et défendre jusqu’à la fin de sa vie. Il se dit préoccupé de développer une vision du monde conforme à l’orthodoxie historique qui s’est révélée suffisante pour relever le défi de la technologie et la science modernes. Son affirmation que le monde est une manifestation de la Sophia, la Sagesse divine, alla susciter des vives réactions par la suite. Certains condamneront cette notion en tant que gnosticisme non-chrétien, tandis que d’autres trouveront que Boulgakov a réussi à structurer sa pensée de manière à la rendre compatible avec la théologie traditionnelle. Il a poussé sa pensée sur la Sophia plus loin dans son livre Lumière sans déclin (1917), sa première œuvre proprement théologique. Pendant ses années à l’université de Moscou, Boulgakov était actif dans les milieux politiques, sociaux et philosophiques. En 1907-1908, il fut membre de la deuxième Douma (Parlement). Il s’opposa à la peine capitale et devint bien informé sur les débuts concernant l’avenir de la Russie. Plusieurs de ses conférences, tracts et articles écrits avant la révolution, couvrent un large éventail de sujets, de la critique d’art à la vision apocalyptique, furent publiés dans deux collections, Deux Cités (1917) et Pensées tranquilles (1918). Le cheminement de Boulgakov du marxisme à l’idéalisme puis à l’orthodoxie l’a conduit à une implication profonde dans la vie de l’Église. En 1917, il a été nommé délégué au grand concile de l’Église orthodoxe russe, qui a restauré le patriarcat de Moscou. Boulgakov a été un des plus importants théologiens au concile et il a été élu l’un des deux laïcs siégeant au conseil consultatif du nouveau patriarcat. En juin 1918, il a été ordonné prêtre et peu après il a été expulsé de l’université par les bolcheviks. Sa situation est alors devenue très difficile, mais il a été nommé conférencier à l’université de Simferopol en Crimée. Lénine exila le père Serge et sa famille, avec d’autres intellectuels de l’opposition, de l’Union soviétique le premier janvier 1923. Quand le père Serge quitta la Russie, il prit avec lui deux manuscrits importants qui représentaient son travail en Crimée : La Tragédie de la philosophie (publié en Allemagne en 1927) et l’Introduction philosophique à la vénération du Nom de Dieu (publié en France après sa mort). Le père Serge avait perdu ses biens et sa patrie, mais il a gardé un sentiment d’enthousiasme et d’attente eschatologiques qui va caractériser sa personne et sa théologie pour le reste de sa vie. Le premier port d’arrêt Lumière du Thabor Numéro 38 ● Juin 2010 Page 4 des Boulgakov en tant que réfugiés, comme beaucoup de leurs compatriotes, était Constantinople, où le père Serge a été très impressionné par l’église de Sainte-Sophie (voir ses réflexions, « La voûte du ciel au-dessus de la terre »). De Constantinople, la famille s’est rendue à Prague, à cette époque le centre intellectuel de l’émigration russe. C’était l’« âge d’or » des émigrés, qui formaient une société pleine d’espoir et de confiance ; on anticipait la libération imminente de la Russie de la tyrannie communiste et le retour en Russie. Leur vision était celle d’une terre promise, libéré uploads/Religion/ lumiere-du-thabor-n-38-serge-boulgakov.pdf

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  • Publié le Oct 17, 2022
  • Catégorie Religion
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