Prières aux "dieux de la nuit" Mémoire de Master 1 Galla Topalian Juin 2014 UFR

Prières aux "dieux de la nuit" Mémoire de Master 1 Galla Topalian Juin 2014 UFR 09 : Histoire et anthropologie de l'Antiquité. Sous la direction de M. Francis Joannès. 1 2 3 Sommaire Introduction .............................................................................................................................. 4 Les prières aux dieux de la nuit : présentation, traduction et commentaire. ..................... 9 I. Les prières paléo-babyloniennes. ..................................................................................... 10 II. Le rituel akkado-hittite de Hattussa. ................................................................................ 25 III. Trois rituels nocturnes néo-assyriens ............................................................................... 34 Analyse littéraire et religieuse du corpus ............................................................................. 60 I. Particularismes et persistance des prières aux "dieux de la nuit" : aspects littéraires du corpus. ...................................................................................................................................... 60 II. Les "dieux de la nuit" : pouvoirs et pratiques rituelles. .................................................... 81 Conclusion ............................................................................................................................... 96 Annexes ................................................................................................................................. 101 Bibliographie ......................................................................................................................... 126 Table des matières ................................................................................................................ 135 4 Introduction . La formule "dieux de la nuit" est fascinante. Nous connaissons par la mythologie classique grecque et latine une "déesse de la nuit", la divinité primordiale Nyx qui a donné naissance au jour, au destin, au sommeil, au rêve et à la mort (Hésiode, Théogonie 200-249). Elle est représentée couverte de voiles ce qui la rapproche singulièrement de la personnification nocturne akkadienne, "la fiancée voilée"1. La multiplicité des "dieux" nocturnes est troublante. Plutôt que l'essence de la nuit divinisée, il s'agit d'un ensemble d'objets surhumains se manifestant la nuit – les étoiles, planètes et constellations divinisées. Les liens qu'entretiennent les astres et le divin sont nombreux et ambigus. Les dieux sont des êtres surélevés au regard de l'humanité, et relèvent d'une nature céleste. Comme les astres, ils émanent une radiance appelée en akkadien melammu2. Cette proximité se manifeste de façon certaine par l'idéogramme DINGIR, à la fois le nom "dieux", ilu en akkadien, et le signe classificateur permettant d'introduire les noms divins. S'ils partagent un certain nombre de caractéristiques, il n'y a pas d'adéquation totale entre les astres et les dieux, et ce même pour les dieux de la triade astrale, Sîn, Šamaš et Ištar dont la lune, le soleil et Vénus ne sont qu'une de leurs représentations. Les astres, invoqués nominativement ou sous le nom général de "dieux de la nuit" ont une nature particulière : "une authentique divination des Astres, totalement équiparés aux dieux, ne semble jamais avoir été formellement reconnue : Ils n'ont pas été introduits en toutes lettres dans les 'listes' des dieux, et Leur nom stellaire n'est régulièrement jamais précédé du 'classificateur' des dieux, mais seulement du signe mul ('étoile'), indicatif des astres"3 ; nous ne connaissons aucune attestation de culte théocentrique4 rendu à ces "dieux", et aucun temple ne semble leur avoir été dédié. La question du principe divin des 1 Maqlu I, 2. Cf CAD, M2, p. 272 2 CAD, M2, p. 10. Pour le terme melammu relatifs aux étoiles, p. 12 3 J. Bottéro, 1998, p. 136 4 Ibid, p. 229 "Alors, elle répand autour d'elle des substances pestilentielles et des sucs vénéneux ; elle invoque la Nuit, les dieux de la Nuit, l'Erèbe, le Chaos et elle adresse des prières à Hécate avec de longs hurlements" Ovide, Les métamorphoses, XIV : 403-405. 5 astres est au cœur de notre travail ; nous l'approchons par les sources originales relatives à ces divinités, parmi lesquelles nous avons sélectionné un corpus de prières. Afin de nous permettre de traiter librement de cette nature particulière, nous avons choisi de conserver dans le corps de notre analyse des guillemets qui accompagneront systématiquement l'expression "dieux de la nuit". Le régime de croyance et le sentiment religieux peuvent être abordés par différents biais. L'archéologie nous renseigne principalement sur les pratiques matérielles ; les textes quant à eux, et notamment les prières nous permettent d'approcher plus intimement un système de représentation. La prière est un procédé complexe de rapprochement de l'homme au divin qui a deux but distincts : d'un côté l'apologie, l'adoration, la vénération et la soumission de l'homme envers son dieu ; de l'autre la supplication qui vise à obtenir l'intercession ou de la faveur divine. Dans les prières akkadiennes nous trouvons régulièrement réunis ces deux aspects, mais selon l'importance relative de chacune de ces fonctions, les prières relèvent du culte théocentrique, destiné à l'entretien des dieux, ou sacramentaire, visant à obtenir un bienfait particulier5. Toutes les prières destinées aux "dieux de la nuit" mises au jour appartiennent à cette seconde catégorie, qui se subdivise en deux genres : les prières du devin, appelées ikrib mušītim, et les incantations, šiptu récitées au cours de rituels d'exorcisme. Nous aurons l'occasion de revenir sur la distinction entre ces deux catégories. En un mot, les prières sont des paroles qui n'ont d'autres buts que d'intéresser la divinité à son sort. Le principe effectif recherché n'appartient qu'au dieu. Au contraire, l'incantation a une origine magique. Elle est pensée efficace par elle-même à condition d'être très exactement récitée. Cette distinction a cependant tendance à s'amenuiser, sous l'effet conjugué de la normalisation et de la fixation des prières et du processus d'adaptation à la religion de l'ensemble des rituels magiques. Les "dieux de la nuit" apparaissent à de nombreuses occurrences dans la littérature religieuse et savante akkadienne parmi les textes les plus célèbres. Ainsi, ils sont évoqués dans le traité d'astrologie Enūma Anu Enlil célèbre dans sa version néo-assyrienne (VIIe siècle), ainsi que dans deux grands traités d'exorcisme Maqlû "crémation" (1 : 1-36), contre les ensorcellements, et Šurpu "combustion" (3 : 111) contre les atteintes du sort pour des raisons inconnues. Nous les connaissons pas des sources primaires, des tablettes contenant des rituels et des prières6, et par des sources secondaires, lettres du devin ou de l'exorciste7. D'autres fois, les astres sont invoqués individuellement ou sous les noms "étoiles de la nuit", "étoile d'Anu, d'Enlil et d'Ea". L'ensemble de cette documentation a fait l'objet d'un ouvrage d'E. Reiner8, regroupé dans une riche synthèse sur la magie astrale. Les étoiles sont ainsi invoquées dans le cadre de manipulations magiques afin de doter les objets qui sont présentés à leur rayonnement d'une nature particulière. 5 J. Bottéro, 1998, p. 327 6 En plus des prières étudiées : KAR 38 destiné à réparer le mal issu d'un rituel mal réalisé ; STT 231, contre les mauvais présages issus de l'extipicine ; STT 73, rituel de divination pas incubation de tablettes sous les étoiles. 7 S. Parpola, 1993, pp. 216-217 8 E. Reiner, 1995 6 Notre étude n'est pas si ambitieuse. Parmi l'ensemble de ces occurrences, nous avons déterminé un corpus particulier de prières sur la base de deux critères fondamentaux également employés par W. Mayer9. D'abord, les prières que nous traitons ont en commun de s'adresser aux divinités nocturnes sous la forme d'une liste astrale. Ensuite, elles ont la particularité de décrire la nuit par la voix lyrique et des images partagées. Parmi les textes que nous avons sélectionnés, deux ne sont pas suffisamment bien conservés pour remplir avec certitude ces conditions. Nous ajoutons donc volontairement le texte CBS 574 qui comporte de nombreuses ressemblances avec les autres textes paléo-babyloniens et dont la liste astrale commence par les mêmes divinités et K. 2315+ dont les dix premières lignes sont perdues et qui contenaient certainement la mention de la formule "dieux de la nuit", absente du reste du texte. Néanmoins, il remplit entièrement les deux critères exprimés plus haut. Ce corpus ainsi composé peut être divisé en trois groupes distincts. Tout d'abord, les prières les plus anciennes sont inscrites dans la langue paléo-babylonienne. Nous utiliserons donc ce terme pour les définir au cours de notre travail. Leur contexte d'origine est inconnu mais elles pourraient être originaires de la ville de Sippar10. Nous ne connaissons pas leur date de rédaction, mais il semble que la copie ERM 15642 soit plus ancienne que AO 6769 et CBS 574 qui datent certainement de la fin de la période paléo-babylonienne (XVIIe siècle). Le deuxième groupe est constitué d'une seule tablette très particulière. VAT 7445 est une incantation appartenant à un rituel bilingue akkado-hittite. Cette tablette été mise au jour sur le site de Boğazköy qui correspond à la capitale du nouvel empire hittite Hattussa. D'après cette localisation et le texte de la tablette, nous pouvons la dater du XIVe ou XIIIe siècle. L'empire hittite correspond à une zone limitrophe de la Mésopotamie géographique mais participant pleinement à son histoire politique et culturelle. A l'époque de rédaction de cette tablette, l'empire "ruled supreme over the Anatolian plateau from the western valleys to the headwaters of the Euphrates, and had expanded their domain to include Cilicia and Syria from the Taurus to the Lebanon"11. Du point de vue des forces internationales, le roi Hittite est l'un des Grands Rois, son empire est "l'égal de l'Egypte et de Babylone, plus tard d'Assur"12. Sa capitale attire de nombreux savants, la culture babylonienne y est connue et bien représentée, si bien que les documents mis au jour à Hattussa, environ 20 000 fragments, renseignent parfois mieux sur la culture médio-babylonienne que les documents trouvés en Babylonie à cette période13. "Within that area receptive to Mesopotamian culture known to Assyriologists as the 'periphery', the Hittite capital of Hattuša remains the most uploads/Religion/ les-prieres-aux-dieux-de-la-nuit.pdf

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  • Publié le Dec 21, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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