La Vraie Vie Psychologie et spiritualité Réunir deux mondes, du petit moi au Gr

La Vraie Vie Psychologie et spiritualité Réunir deux mondes, du petit moi au Grand Soi entretien avec Bettina De Pauw Bettina De Pauw a tout d’abord appliqué dans son travail de thérapeute les méthodes de la psychologie universitaire occidentale à laquelle elle avait été formée. La découverte de la méditation auprès d’un maître indien est l’occasion pour elle d’une percée vers ce qui lui apparaît comme une Réalité suprême, totalisante, qui unifie par l’amour. Le besoin de cheminer vers cette identité ultime qu’est le soi impersonnel détruit la cloi- son entre les niveaux psychologique et spirituel. Dès lors, sa pratique professionnelle ne peut plus ignorer ce nécessaire débordement de la psychologie individuelle – la recherche d’un ego sain n’a de sens qu’en vue d’une ouverture de la conscience à une autre réalité, à un changement de regard. V otre parcours personnel vous a progressive- ment conduite à associer, dans votre pratique professionnelle, psychologie et spiritualité. Quelles ont été les étapes de ce parcours ? Il s’ancre dans des réflexions que je me suis faites, toute petite. Je me souviens d’un jour où, adossée au mur de la cuisine, j’observais les adultes en me disant : « Ils ne savent pas que je les vois et personne ne sait que je sais que je pense. » Tout à coup, cela m’avait donné à la fois une existence, la conscience d’être, et un pouvoir, celui de réfléchir sur des choses auxquelles, me semble-t-il, les autres ne réfléchissaient pas. Je me suis également posé beaucoup de questions sur l’amour, même si je ne me formulais pas les choses de cette façon. Par exemple, je voyais mes parents s’inquiéter beaucoup – se faire un film, dirait-on aujourd’hui – pour des choses qui me semblaient dérisoires. J’étais encore proche de cette simplicité originelle et je n’arri- vais pas à comprendre pourquoi ils se compliquaient autant la vie alors que tout était si simple en fait. J’avais beaucoup de dévotion et je priais souvent, spontané- ment, sans avoir jamais vu mes parents le faire. Ce Dieu m’intriguait, je le questionnais : m’aimait-il, existait-il vraiment, où était-il, qui était-il ?… J’avais la sensation d’un transcendant plus réel, plus absolu que tout ce que je constatais autour de moi et qui souvent me mettait mal à l’aise, me laissait un sentiment de vide, de non réel. Je me souviens de mon enfance comme d’une pé- riode de recherche du vrai au delà des apparences. Plus – 1 – extrait de la revue Sources 6 www.terre-du-ciel.fr PSYCHOLOGIE ET SPIRITUALITÉ tard, pendant quelque temps, il m’est arrivé d’aller à la messe avant de me rendre à l’école et je me souviens d’instants de silence et de dévotion pendant lesquels une Présence se donnait et m’émouvait. Le choix de mes études a été un tiraillement. J’étais attirée par la philosophie, proche de mes interrogations, mais j’avais en même temps le désir d’agir dans le monde. J’ai opté pour la psychologie comme formation de base parce qu’il me semblait qu’ici, en Occident, c’était la meilleure façon d’aller vers ce qui me préoc- cupait, sans me couper d’une possibilité d’action en so- ciété. J’ai combiné cela avec des études universitaires de philosophie pour ne pas renoncer à mes premières amours. Ces études m’ont déçue, elles posaient peut- être les bonnes questions mais ne levaient que peu le voile sur le mystère de l’existence. Mes études de psychologie, par contre, ont provo- qué un véritable chamboulement, parce qu’elles jetaient un regard sceptique, rationnel, sur mes aspirations reli- gieuses. J’ai clos ce dilemme en prenant comme sujet de thèse « La psychologie de la religiosité ». J’avais choisi ce sujet sans trop savoir pourquoi mais au- jourd’hui il est clair qu’inconsciemment, je cherchais déjà à réunir ces deux mondes, l’humain et le divin. Cette thèse a été une façon de tenir les deux ensemble, de faire un pont. En fait, elle n’a rien confirmé ni in- firmé, elle a montré qu’il y avait autant de religiosité chez les personnes psychologiquement dépendantes que chez les personnes plus indépendantes d’esprit. Cette conclusion m’a libérée et, pour un temps, j’ai bouclé la question et me suis lancée à fond dans la psy- chologie, par besoin de m’y enraciner, comme pour mieux pouvoir en sortir après. J’ai fait diverses forma- tions en psychothérapie. Mais à trente-trois ans, j’ai res- senti une lassitude, je me suis rendu compte que j’étais au bout du processus, que ce n’était plus « là » qu’il me fallait chercher. Ma quête d’enfance me rattrapait, dans une sorte de mélancolie qui me poussait de nouveau vers le transcendant. J’ai voulu méditer… tourner mon regard plus profondément à l’intérieur. Vous étiez issue d’un milieu chrétien. Comment s’oriente-t-on quand on veut « méditer » ? Dans ma foi chrétienne, j’ai eu des contacts très forts avec Jésus. C’était évident, pour moi, que « cela » exis- tait. J’avais pratiqué un peu la méditation lors de cer- taines formations. À cette époque, je terminais également une histoire sentimentale et cette rupture me forçait à voir les limites de l’amour humain et me pous- sait à remonter vers la source. J’avais donc clairement conscientisé cette envie pour moi-même – « je veux méditer » – et, comme cela se passe souvent dans de telles circonstances, la réponse est venue : une femme que je ne connaissais pas m’a parlé d’un centre de méditation. J’y suis allée. Il se trouve que ce centre était relié à un maître de médita- tion. Je cherchais tout, sauf un maître, mais comme je n’avais pas d’autres propositions, j’ai dû prendre le maître avec ! L’expérience dans ce centre a eu un im- pact profond sur moi : pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti que « Cela » existait aussi en moi. C’était à la fois la révélation de l’existence du divin et la présence d’un amour insondable. « Je me sens aimée pour qui je suis. » C’est ce qui me venait à l’es- prit lorsque je regardais ce maître. Et ce « pour qui je suis » était révolutionnaire, car de cette perspective, je voyais dans une clarté limpide que les personnages avec lesquels je fonctionnais, les idées que je me faisais de moi-même, n’étaient que des chimères. Là, c’était tout autre chose. J’étais aimée ontologi- quement, au delà de toute image de moi. Je sentais que j’avais en moi, au plus profond, quelque chose de par- faitement aimable. Je reconnaissais aussi en chacun et partout cette part aimable. Et cet amour, c’était le bon- heur, la trace en moi de ce que j’avais cherché toute ma vie sans même savoir que c’était cela que je cherchais. C’étaient vraiment les portes du Ciel qui s’ouvraient. Cette expérience m’a donné un nouvel éclairage et une plus profonde compréhension du message de Jésus. Il y a eu ensuite une période de maturation. Ma soif de me former en psychologie a cessé, je sentais que je me formais intérieurement à autre chose. Je me mettais également à parler, dans mon travail de psychothéra- peute, à partir d’un autre endroit de moi-même : ma présence, mon rapport à l’autre ont changé ainsi que mon regard sur la nature de nos souffrances. Où vous a conduite cette maturation dont vous parlez ? En Inde ! À quarante ans, je suis partie pour six mois dans un ashram. Même si, auparavant, j’avais fait ré- gulièrement des retraites spirituelles, je n’imaginais pas rester un temps long dans un ashram, j’aimais trop ma vie dans le monde. En fait, j’étais toujours allée à des retraites en faisant une distinction entre ma vie dans le monde et ma vie spirituelle. Je me revois, lors d’une pause à une retraite, allon- gée dans l’herbe et me demandant quelle était ma quête, ce que je voulais vraiment. Cela a été l’introspection la plus profonde de ma vie. J’ai passé en revue tout ce que je désirais, me demandant si, l’ayant obtenu, je serais enfin comblée. Et je comprenais que je ne serais jamais – 2 – PSYCHOLOGIE ET SPIRITUALITÉ tranquille, que ce ne serait que dans l’union avec Dieu que cette agitation cesserait. À présent, et c’était terri- ble, je comprenais que reconnaître comme mien ce but impliquait de mettre tout le reste de ma vie à son ser- vice. Ce changement des priorités avait pour consé- quence qu’il me serait désormais impossible de conserver quelque chose à côté, que tout devrait être li- béré, et que tout ce qui allait m’arriver et tout ce que je ferais dorénavant serait soumis à ce but. En trois se- maines, ma décision a été prise de partir un temps assez long en Inde. Je savais cependant que ce départ ne se- rait pas définitif et que mon action ensuite se situerait dans le monde. Est-ce que ce choix n’a jamais été remis en ques- tion par la suite ? Cela n’a plus été mis en doute. Mais chaque inten- tion qui n’est pas renouvelée régulièrement peut s’en- dormir. L’attraction de la vie uploads/Religion/ bettina-de-pauw-entretien.pdf

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  • Publié le Sep 20, 2022
  • Catégorie Religion
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