Manuel de guide pratique sur le journalisme d’investigation Avant-propos Ce man

Manuel de guide pratique sur le journalisme d’investigation Avant-propos Ce manuel n’a pas la prétention de traiter le sujet du journalisme d’investigation dans toutes ses dimensions académiques, professionnelles et sociétales. Il est issu de la demande du PLADDICC de consigner dans un document l’essentiel des techniques d’enquête dispensées à la fois aux étudiants en troisième année de licence en communication médiatique de l’Université d’Antananarivo, et aux quelques journalistes professionnels qui en ont fait expressément la demande dans le courant du mois de décembre 2008. Ce guide s’adresse aux journalistes qui sont tentés par l’aventure du journalisme d’investigation, un genre assez difficile à entreprendre car il doit faire face à de multiples contraintes à la fois interne et externe. Cependant il est de plus en plus sollicité au regard du contexte politique qui requiert l’instauration d’une gouvernance démocratique et responsable. Il est en effet de notoriété que les organismes publics ou parapublics cherchent à maintenir secrètes les décisions touchant l’intérêt général, et que les responsables publics, en tant qu’obligataires, ne sont pas conscients de leur « redevabilité » envers le public. Il faut préciser le contexte dans lequel le séminaire sur le journalisme d’investigation a été réalisé. Le projet d’un renforcement des capacités des journalistes en journalisme d’investigation a été conçu dans le cadre d’un renforcement de la lutte contre la corruption. Parallèlement des agents du Bianco ont fourni aux mêmes journalistes des connaissances sur leur domaine d’activité. Cette précision devrait expliquer l’orientation du contenu de ce manuel qui suppose que l’Administration publique dans son ensemble est l’objet des enquêtes que devraient mener les journalistes. Ce manuel met en exergue le classique travail de recherche en matière d’investigation journalistique. Il s’articule autour de cinq modules : � Historique, définition et champs d’application du journalisme d’investigation ; � Le processus et technique d’investigation ; � Les techniques rédactionnelles ; � Les problèmes liés à l’éthique, à la déontologie et aux contraintes ; � Quelques réflexions sur le journalisme d’investigation et la gouvernance démocratique : opportunités et défis. Partie I : Historique, définition et champs d’application du Journalisme d’investigation Historique Le journalisme d’investigation est un genre peu pratiqué à Madagascar. De par son histoire qui remonte à « Teny soa analana andro » en 1866, la presse malgache a été longtemps marquée par l’expression des opinions par rapport à l’actualité politique, notamment à la lutte contre les formes d’oppression et d’exploitation exercées par le pouvoir colonial. La censure systématique de la presse d’une part, et le monopole étatique de l’audiovisuel d’autre part, pendant la colonisation et durant la première et la deuxième république, n’ont pas permis l’éclosion d’un journalisme d’enquête dans notre pays. C’est pourquoi nous allons emprunter l’expérience de la presse occidentale pour illustrer cette partie historique du journalisme d’investigation. 1.- La naissance du journalisme A la fin du Moyen Age l’information a pris la forme de chansons et d’histoires colportées par des ménestrels ; Le journalisme moderne est apparu au début du XVII ème siècle : issu de la conversation dans des lieux publics (café en Angleterre, les pubs ou publick houses aux USA). Les propriétaires des bars consignaient les récits des voyageurs de passage dans ces lieux dans des registres mis à leur disposition. En Angleterre chaque café était spécialisé dans un type particulier d’information. Les premiers journaux ont vu le jour en 1609 quand d’audacieux imprimeurs ont consigné noir dur blanc les récits consignés dans les registres de café. 2.- Caton et le droit de dire la vérité Au début du XVIII ème siècle les imprimeurs journalistes formulèrent les prémisses d’une théorie portant sur la liberté d’expression et la liberté de presse. En 1720 deux éditeurs de presse londoniens sous le nom de « Caton » avancèrent l’idée que le fait d’avoir dit la vérité pourrait être un élément de défense contre l’accusation de diffamation. A cette époque en Angleterre toute critique à l’égard du gouvernement constituait un délit. Les idées de Caton eurent un grand écho dans les colonies américaines où la grogne contre la couronne anglaise allait croissante. Quand en 1735, un imprimeur du nom de John Peter Zenger fut traduit devant les tribunaux pour avoir critiqué le gouverneur royal de New York, il utilisa pour sa défense les arguments de Caton. Le jury acquitta Zenger au nom du droit de connaître la vérité. Au cours des deux siècles qui suivirent, l’idée que la presse constituait un rempart pour la défense de la liberté s’enracina dans le droit politique américain. Il faut mentionner la contribution du journaliste américain Joseph, journaliste du Sun, dans la promotion de l’exercice de la citoyenneté. Il a créé en 1913 au New York World « un bureau de l’exactitude et du fair play » 3.- La naissance du journalisme d’investigation En 1964 le prix Pulitzer fut attribué au Philadelphia Bulletin qui avait révélé que la police de la ville était impliquée dans l’organisation d’une loterie clandestine. Cette révélation était le signal de ce qui allait devenir une nouvelle vague de dénonciation de la corruption de la police dans les villes américaines. Le New York Times a publié en 1971 les documents secrets du gouvernement connus sous le nom « dossiers du Pentagone ». Selon ce document, la situation au Vietnam tournait à la catastrophe, contrairement à ce qui avait été annoncé lors d’une conférence de presse de Robert Mc Namara à son départ de Saigon. L’affaire a été portée devant la Cour Suprême et celle a confirmé le droit de publier ce document. En 1972, les journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein déclenchèrent l’affaire du Watergate sous l’administration Nixon. Le journalisme d’investigation a soudainement connu célébrité et prestige et redessiné l’image de la profession. CBS News lança sa propre émission consacrée au journalisme d’investigation « 60 Minutes »qui allait rencontrer le plus grand succès dans ce domaine. Toutes les grandes chaînes de télévision en Europe y compris en France ont suivi la tendance avec des émissions et des dossiers magazines : Envoyés Spécial, Secrets d’Actualité, Zone Interdite… 4.- L’influence des nouvelles technologies Aujourd’hui, la technologie avec par exemple Internet et Nexis permettent aux journalistes d’accéder sans la moindre peine à la relation des événements et aux citations sans se livrer à un travail personnel d’investigation. Les journaux puisent aux mêmes sources. Il appartient donc aux journalistes de creuser et de chercher ce qui se cache derrière. Définition Il est inutile de soulever une problématique des concepts de journalisme et d’investigation, une question que nous laissons aux préoccupations des linguistes et des enseignants. La définition que nous proposerions relève d’un objectif purement pragmatique, au vu de son histoire dans les pays occidentaux, et par rapport à ce que les organismes de la Société Civile comme la PLADDICC souhaitent que les journalistes malgaches le fassent. Son fondement repose sur un seul mot : la recherche de la VERITE. Le journalisme d’investigation peut ainsi être défini comme étant un genre journalistique caractérisé par la durée de travail sur un même sujet, des recherches approfondies, la consultation de plusieurs sources, de plusieurs spécialistes du sujet et de témoins et dont la finalité est la découverte de la vérité sur des faits inédits. Sa mise en oeuvre implique une indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques ou économiques, et une résistance à la tentation d’audimat ou à la course à l’exclusivité. Les différentes formes La forme classique ou traditionnelle du journalisme est celle qui est l’oeuvre entière de journalistes professionnels sur les supports papiers (quotidiens, hebdomadaires, mensuels, trimestriels) supports audio (Radio), et video (Télévision). Grâce au développement d’Internet, d’autres formes sont apparues. Autres formes ou variantes de journalisme d’investigation : � Le journalisme distribué : il invite les lecteurs à rédiger des sujets et à les soumettre à la Rédaction. C’est ce que font par exemple Readers Edition, Ohmynews et France Agora Vox. � Le journalisme « open source » appelé encore journalisme participatif : il consiste à dire par avance à ses lecteurs sur quels sujets on enquête pour les engager à témoigner, à donner des informations vécues, ou seulement des pistes. Il reste à trouver la manière de motiver l’expert ou le journaliste qui va coordonner l’enquête dans cette nouvelle forme de journalisme d’investigation. Il reste également à résoudre le problème de fiabilité des informations livrées. � Les sites spécialisés ; � Les bases de données ; � Les wikis : un système de gestion de contenus de site web rendant ses pages librement modifiables par tous les visiteurs autorisés. � Les blogs : un site web constitué par la réunion de billets agglomérés au fil du temps. Chaque billet appelé aussi note ou article est à l’image d’un journal de bord intime. Chaque lecteur peut y apporter des commentaires. Le web offre ainsi l’opportunité de dégager des sujets et des angles de traitement originaux à travers un travail de confrontation et de vérification de sources. Champs d’application Les champs d’application du journalisme d’investigation couvrent tous les domaines de l’activité humaine susceptible de générer des faits inédits : des faits ou des pratiques non conformes à la uploads/Politique/ manuel-de-guide-pratique-sur-le-journal-is-me-d-x27-investigation.pdf

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