NO 3091 – AOÛT 2020 Algérie 420 DA.Allemagne 9 € • Belgique 9 € • Canada /A 12,

NO 3091 – AOÛT 2020 Algérie 420 DA.Allemagne 9 € • Belgique 9 € • Canada /A 12,99 $CAN • Espagne 9 € • France 7,90 €.Grèce 9 € • DOM 9 € • Italie 9 €.Maroc 50 MAD • Pays-Bas 9,20 € • Portugal continental 9 € • RD Congo 10 USD • Suisse 15 CHF • Tunisie 8 TND • TOM 1 000 XPF • Zone CFA 4800 F CFA • ISSN 1950-1285 CÔTE D’IVOIRE POURQUOI OUATTARA SERA CANDIDAT RD CONGO TSHISEKEDI, SEUL DANS LA TEMPÊTE PALMARÈS LES AVOCATS D’AFFAIRES QUI COMPTENT AFRIQUE DE L ’OUEST 16 pages DOSSIER LE MAROC D’APRÈS Spécial 12 pages Les 100 africains les plus influents Cinq mois, cinq élections François Soudan «U n e d i c t a t u r e , d i s a i t G e o r g e s Clemenceau, est un pays dans lequel nul n’a besoin de pas- ser la nuit devant son poste de radio pour apprendre le résultat des élections. » À cette aune, indubitablement, l’Afrique n’est plus cecontinentoùvoterrevenaitàparier surunecourseàunseulcheval,quand tout, y compris les taux de participa- tion mirobolants, était préfabriqué. De la Guinée à la Centrafrique en passant par la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger, aucun des cinqscrutinsprésidentielsdecescinq prochains mois ne peut être consi- déré comme joué d’avance. Certes, dans chacun de ces pays, ce qui fait le menu des brèves de comptoir de médias occidentaux obsédés par la résilience de pseudo- « traits cultu- rels » africains sera probablement présent. Du vote communautaire à la fraude, de la manipulation des foules aux achats de voix, ces cinq élections se dérouleront (quoique à des degrés divers)surfondderéactivation–voire d’exaltation–desclivagesidentitaires, declientélisme assuméet de ce revers quasi inévitable de toute confronta- tion électorale sur le continent qu’est la violence physique. Cependant, par rapport aux élec- tions sans choix ni concurrence du passé, dont nul n’imagine plus le retour, le progrès est indéniable: la fraude et l’achat de voix ne sont plus l’apanage des partis ni celui des can- didatsaupouvoir,et,endeçàdecequi est perçu comme le seuil de tolérance pour qu’une élection soit présumée libre (ne pas faire obstacle à l’alter- nance), tous les coups sont permis en démocratie électorale, y compris l’usage de la force. Plus il y a de choix, plus la lutte est âpre, mais à tout le moins y a-t-il compétition pour la conquête du pouvoir… GUINÉE. C’est là que devrait avoir lieu, le 18 octobre, la pre- mièreéditiondecettesériedescrutins présidentiels. À l’heure où ces lignes sont écrites, la coalition au pouvoir s’apprête à désigner son candidat, et, saufrévolutioncopernicienne,cesera le président sortant, Alpha Condé. Tout comme son voisin Alassane Ouattara, Alpha Condé a fait adopter une nouvelle Constitution qui l’auto- rise à concourir. Mais à la différence decedernier,l’idéedecéderlaplaceà un dauphin ne l’ajamaiseffleuré: il se prépare à cette échéance depuis le jour de sa réélection, en 2015, per- suadé de devoir achever son projet de modernisation de la Guinée avant de passer la main à une nouvelle généra- tion.Sesdeuxprincipauxadversaires, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, que la mise en œuvre de ce scénario élimineraitipsofactodelascènepoli- tique,sont résolusà l’enempêcher. Et comme ils ne reconnaissent pas à Alpha Condé le droit de se représen- ter, ce n’est pas dans les urnes mais dans la rue qu’ils comptent parvenir à leurs fins. Longtemps contraintes par la crise sanitaire, les manifestations devraient bientôt s’intensifier, et les dix semaines à venir seront tendues. Si la très probable candidature d’Alassane Ouattara pour un troi- sième mandat fait les affaires d’Alpha Condé, le président guinéen suit avec inquiétude les tentatives de désta- bilisation de son camarade Ibrahim Boubacar Keïta, dont il est proche, au point de multiplier les appels télé- phoniques aux protagonistes de la crise malienne. À Bamako comme à Conakry, la « ruecratie » risque fort, si elle s’impose, de remettre à la mode l’exact opposé de la démocratie: les juntes militaires. CÔTE D’IVOIRE. Les circons- tances exceptionnelles qui ont amené Alassane Ouattara à faire le choix de se représenter le 31 octobre sont longuement analysées dans ce numérodeJeuneAfriqueparMarwane Ben Yahmed, seul journaliste à s’être entretenu avec le président ivoirien, enmargedesobsèquesd’AmadouGon Coulibaly(lirepp.56-59).Jen’yrevien- draidoncpas.Sicen’estpourdirececi: en 2011, dans son discours d’investi- ture,AlassaneOuattaraplaçaitsapré- sidence sous le sceau de « l’écriture d’une page nouvelle » de l’histoire de sonpays.Deuxmandatsplustard,sila ÀBAMAKOCOMME ÀCONAKRY,LA «RUECRATIE»RISQUE,SI ELLES’IMPOSE,DE REMETTREÀLAMODE L’EXACTOPPOSÉDELA DÉMOCRATIE:LESJUNTES MILITAIRES. no3091 – AOUT 2020 3 volonté de stabilisation par le biais de la croissance économique a incontes- tablement porté ses fruits, il n’en va pas de même de la stratégie de récon- ciliationnationaleetderéductiondes inégalités sociales. À cette contradic- tion,ilfaudraquelecandidatOuattara apporte des promesses crédibles de solution, car, au-delà des polémiques sur son éligibilité, c’est sur elle que jouera Henri Konan Bédié. Faute, évi- demment, de brandir la carte de l’al- ternance générationnelle (s’il est élu, le«sphinxdeDaoukro»sera,à86ans, le vice-doyen des chefs d’État afri- cains, juste derrière Paul Biya), le pos- tulant du PDCI avance déjà celle de l’alternance communautaire. Quitte à laisser ses partisans relancer sur les réseaux sociaux la traque nauséeuse des«étrangersquin’ontpasdevillage en Côte d’Ivoire » (sic). Unedécennieplustard,lacrisepos- télectorale demeure centrale dans le débat politique ivoirien, et elle conti- nuera à le polluer tant que la vérité et la justice n’auront pas été complète- ment dites sur ces événements. BURKINAFASO.Ilfutuntemps oùlerégimedeBlaiseCompaoré rassemblait l’essentiel des élites du pays, le seul espace de compétition électorale se situant à l’intérieur du parti – ultra-dominant – au pouvoir. La révolution de 2014 a tout changé, sauflamémoire :lesBurkinabèsavent que Roch Marc Christian Kaboré, qui briguera le 22 novembre un second mandat, tout comme ses concurrents Zéphirin Diabré, Kadré Désiré Ouédraogo, Eddie Komboïgo ou Gilbert Noël Ouédraogo, sont d’an- ciens barons du système mis en place par l’exilé d’Abidjan. Rares sont les candidats qui, à l’instar du juriste Abdoulaye Soma ou de l’ex-ministre TahirouBarry,n’ontpasjouidepostes avantageux à l’époque où l’alternance était un objectif improbable. Restequecenesontpaslescomptes du passé qui sont un enjeu dans cette élection où le président Kaboré part en position de favori, face à une opposition désunie. Mais bien plutôt les comptes sécuritaires du présent. Groupes jihadistes, banditisme, litiges fonciers, milices paysannes, réfugiés : le bilan global des violences qui ont endeuillé le nord, l’est et l’ex- trême-ouest du Burkina Faso a été en 2019 supérieur à celui du Mali. Quel impact cette situation aura-t-elle sur la présidentielle ? L’élection pourra- t-elle se tenir partout ? Et in fine : le chef de l’État a-t-il été à la hauteur du défi sécuritaire, compte tenu de la faiblesse des moyens dont il dispose ? De la réponse à ces questions dépend en partie le résultat des urnes, dans moins de quatre mois. NIGER. En désignant, il y a plus d’un an déjà, son dauphin pour la présidentielle du 27 décembre en la personne de Mohamed Bazoum, Mahamadou Issoufou a fait le pari de la modernité et du vote transversal : originaired’unetribuarabetrèsmino- ritaire au Niger, l’ancien ministre de l’Intérieur peut apparaître a priori comme un candidat clivant qui devra enoutreassumerlatotalitédubilande cettedernièredécennie,ycomprisl’af- fairerécentedesmalversationsprésu- mées au sein du ministère de la Défense.MaisBazoum,quisillonnele pays depuis plusieurs mois, est un homme politique aussi madré qu’ex- périmenté, le parti sur lequel il s’ap- puie, une machine électorale, et son mentor, quoi qu’on en dise, un démo- crate candidat au prix Mo Ibrahim. Pour autant, rien n’est gagné car la concurrence, renforcée par une sociétécivilepugnace,estvive,même si Hama Amadou, qui fut en 2016 le principal adversaire du président Issoufou, ne pourra pas être de la partie. L’ex-Premier ministre Seyni Oumarou se présentera pour la troi- sièmefois,l’anciengénéralputschiste (et président de la transition) Salou Djibo rêve de revenir au pouvoir, et le vibrionnantIbrahimYacouba(ancien ministre)d’yaccéder,alorsquel’entre- preneur Hamidou Mamadou Abdou s’imagine en émule de Patrice Talon. Les jeux sont ouverts… CENTRAFRIQUE. C’est sans doutel’électionlaplusaléatoire des cinq : prévue en principe pour le 27 décembre, sans que l’on sache encore si les opérations d’enrôlement desélecteurspourrontêtreachevéesà temps. Ni quel pourcentage du terri- toire national sera concerné par ce scrutin. Près des deux tiers du pays sont toujours contrôlés par des groupesarmés,enprincipesignataires desaccordsdepaixdeKhartoumetde Bangui, mais dont les chefs Abbas Sidiki et Mahamat Ali Darassa conti- nuentdesecomporterenseigneursde guerre. Milice peule d’autodéfense, le groupe 3R (Retour, Réclamation, Réhabilitation) tient ainsi le Nord- Ouestsoussacoupe,faceàcequireste des bandes anti-balaka. Dans ce contexte, la candidature programmée du président Touadéra à un second mandat revient à faire avaliser par les Centrafricains un constat d’échec. Mais dans un pays qui n’a jamais brillé par la qualité de son leadership, la gouvernance n’est pas un critère. Seule compte la capa- cité du candidat à redistribuer et à « saluer les fronts » de sa clientèle. À ce jeu, celui qui tient le pouvoir à Bangui a sur ses adversaires une lon- gueur d’avance, même si ces derniers – Anicet-Georges Dologuélé, Martin Ziguélé, Désiré Kolingba, Catherine Samba-Panza, Karim Meckassoua, avec l’ex-président François Bozizé en faiseur de rois – peuvent espérer, dans le cadre d’un éventuel second tour au début de février 2021, le ren- voyer à sa chaire de mathématicien émérite. Encore faudrait-il pour cela qu’ils aient trouvé le vaccin contre le coronavirus des hommes politiques africains : l’ego. TANTQUELAVÉRITÉETLA JUSTICEN’AURONTPAS ÉTÉDITES,LACRISE POSTÉLECTORALEDE2010 CONTINUERADEPOLLUER LEDÉBATIVOIRIEN. no3091 – uploads/Politique/ jeune-afrique-0720.pdf

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