1 Cours de Jacqueline Morne sur le Gorgias de Platon. Mis en ligne le 27 mai 20
1 Cours de Jacqueline Morne sur le Gorgias de Platon. Mis en ligne le 27 mai 2003. © : Jacqueline Morne. Jacqueline Morne a été professeur de Philosophie au Lycée Émile Zola de Rennes. Par des liens posés au début du cours puis dans le texte lui-même, le cours renvoie à 9 annexes que vous pouvez consulter et imprimer à part. LIRE LE GORGIAS Cet exposé propose une lecture suivie du Gorgias de Platon. Il s’intéresse plus particulièrement à l’étude de l’entretien avec Calliclès et s’accompagne d’un système d’annexes permettant de clarifier certains aspects du dialogue. La traduction retenue pour ce travail est celle de Monique Canto dans la collection GF Flammarion. PLAN DE L’EXPOSÉ PRÉSENTATION Les étapes du Gorgias. Les thèmes du Gorgias. La rhétorique - Art de la communication. - Contrefaçon de la politique. Pouvoir et justice. Le choix d’une vie juste. ENTRETIEN AVEC CALLICLÈS 2 I - L’inversion des valeurs selon Calliclès : - Un conflit entre la Nature et la Loi. - Une apologie de la jouissance. - Une théorie du pouvoir. - Un mode d’argumentation rhétorique. II - La réfutation par Socrate : - Une réfutation globale. - Une impossibilité pratique. - Une confusion théorique. - Un tout autre choix de vie. III - Socrate seul : - La définition de la justice. - Défense et illustration de la philosophie. - Critique de la rhétorique. - La véritable politique. - Socrate en procès. - Le mythe final. CONCLUSION : - L’exigence du dialogue. - Un dialogue de sourds. PLAN DES ANNEXES Annexe 1 : Plan du Gorgias et répartition des thèmes. Annexe 2 : Les rapports entre démocratie et rhétorique. Annexe 3 : La construction de la définition de la rhétorique dans l’entretien avec Gorgias. 3 Annexe 4 : La distinction de l’art et du savoir-faire dans l’entretien avec Polos. Annexe 5 : La distinction entre rhétorique et sophistique. Annexe 6 : Le pouvoir selon Socrate et selon Polos. Annexe 7 : Plan de l’entretien avec Calliclès. Annexe 8 : La généalogie de la morale selon Nietzsche. Annexe 9 : Les rapports de l’âme et du corps selon Platon. PRÉSENTATION DU DIALOGUE Les étapes du Gorgias Le dialogue du Gorgias est en fait composé de trois entretiens qui se succèdent sur le mode d’une joute dont les participants succombent l’un après l’autre à la rigueur implacable du questionnement socratique (voir annexe n° 1). C’est tout naturellement d’abord à Gorgias, rhéteur célèbre, débatteur respecté, que Socrate pose la question inaugurale du dialogue : Qu’est ce que la rhétorique ? Quel est cet art, Gorgias, que tu pratiques et que tu enseignes aux Athéniens ? La réponse de Gorgias est bien décevante. Il se perd en formules creuses sur la grandeur et la beauté de son art dont il ne parvient pas à définir l’objet mais seulement la fonction ; et, faute d’assumer le fait qu’on puisse pratiquer la rhétorique sans se soucier de son emploi juste ou injuste, il s’empêtre dans les contradictions. Surgit alors le jeune et bouillant Polos, reprochant à Gorgias son manque de courage et se substituant à lui dans le débat. Lui au moins n’hésite pas à se débarrasser de tout souci de moralité et de justice pour glorifier le pouvoir sans limite que confère l’art oratoire ; et il comprend mal comment il se retrouve tout penaud, quelques instants plus tard, en situation d’admettre que ce pouvoir n’est pas un véritable pouvoir. C’est alors Calliclès qui entre en scène, et avec lui Socrate a à faire à un adversaire d’une tout autre dimension. Non seulement Calliclès est un maître de l’art oratoire, mais il a surtout cette fierté, cette assurance, qui ont manqué à Gorgias et à Polos. Lui 4 assume clairement les conséquences les plus extrêmes de ses positions et les proclame comme un défi à la face d’un ordre social pour lequel il n’a que mépris. Le débat change de ton, c’est maintenant entre Socrate et Calliclès deux conceptions totalement antagonistes de la vie qui s’affrontent. Tout oppose ces deux hommes : leur vision de la justice, du pouvoir, du bonheur ; et à aucun moment ils ne trouveront de terrain d’entente. Calliclès excédé, incapable de l’emporter, finit par déclarer forfait, et c’est alors dans une dernière étape Socrate qui continue seul et s’engage dans une magnifique plaidoirie pour ce qui est pour lui la seule vie qui vaille, une vie tout entière consacrée à la recherche du bien. Les thèmes du Gorgias La rhétorique Le thème annoncé du Gorgias est donc la définition de l’art oratoire, de la rhétorique. Ce thème n’est pas choisi au hasard (voir annexe n° 2). À Athènes, au Ve siècle avant JC, avec l’avènement de la démocratie, la question de la parole et celle du bien parler est devenue une question centrale. Les citoyens reconnus tels deviennent de véritables acteurs politiques siégeant dans les assemblées et les tribunaux. L’agora n’est plus seulement lieu de commerce mais lieu de parole et de pouvoir. Tout au long de la journée, les hommes libres – c’est-à-dire délivrés des tâches asservissantes du travail, abandonnées aux esclaves – y débattent des décisions politiques. Dans cette « civilisation de la langue », comme dit Aristophane, prolifère un nouveau type de personnages : ceux qu’on appelle les Sophistes. Ceux-ci ont compris très tôt que, dans un tel contexte, le pouvoir n’appartient ni aux mieux nés, ni aux plus forts ni aux plus sages, mais à ceux qui savent parler. Puisque ce sont les citoyens qui décident, c’est eux qu’il faut persuader. Ce ne sont plus les armes qui sont les instruments du pouvoir, mais les mots. Ainsi les Sophistes se font-ils fort, moyennant finances, d’enseigner aux jeunes Athéniens l’art oratoire, art de persuader de tout et de n’importe quoi. Socrate lui aussi parle, mais c’est pour s’interroger sur le pouvoir de la parole. Que vaut ce déferlement de la parole s’il se met au service de la première cause venue, quelle qu'elle soit ? Où est la vérité si le vrai et le faux se décident non par l’examen 5 rationnel mais par les artifices des effets de style ? Il est urgent pour Socrate de s’interroger sur ce dévoiement du discours, et de restaurer sa véritable fonction : celle du logos, discours de la raison, cheminement dialectique vers la vérité. La rhétorique : art de la communication. Donc, « qu’est ce que la rhétorique ? », demande Socrate à Gorgias. Tel est le débat qui occupe tout le premier entretien. Dans un long développement qui est un modèle de ce qu’est un travail sur le concept (voir annexe n° 3), les deux interlocuteurs tombent d’accord pour dire que la rhétorique est l’art qui porte sur cette sorte de discours qui donne « le pouvoir de convaincre dans n’importe quelle réunion le citoyen sur toutes les questions où il faut savoir ce qui est juste ou injuste » (452 a). Gorgias ne résiste pas au plaisir de donner à Socrate un exemple de cet incroyable pouvoir : «Je vais t’en donner une preuve frappante. Voici. Je suis allé, souvent déjà, avec mon frère, avec d’autres médecins, visiter des malades qui ne consentaient ni à boire leur remède ni à se laisser saigner ou cautériser par le médecin. Et là où ce médecin était impuissant à les convaincre, moi, je parvenais, sans autre art que la rhétorique, à les convaincre » (456 b). Et Gorgias de s’extasier sur ce pouvoir de convaincre par la seule magie des mots, qui s’accommode très bien de l’ignorance de ce dont on parle : « La rhétorique n’a aucun besoin de savoir ce que sont les choses dont elle parle, simplement elle a découvert un procédé qui sert à convaincre » (459 b). Mais Socrate accuse : ce pouvoir que donne le discours rhétorique tient à son adresse à faire croire et non à faire savoir. Il faut en effet distinguer croire et savoir. La croyance est une impression, sensible à toutes les manipulations, alors que le savoir suppose l’acquisition raisonnée d’une connaissance. La rhétorique fait donc de la communication en elle-même une discipline autonome qui permet de parler avec un égal pouvoir de persuasion de n’importe quel objet, indépendamment de la connaissance de cet objet. Gorgias tente bien de soutenir que pour bien pratiquer la rhétorique il faut connaître ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, mais ayant lui-même admis au préalable que la rhétorique permet de défendre aussi bien les causes justes que celles qui ne le sont pas, il est bien en peine de sortir de ses contradictions. La rhétorique : contrefaçon de la politique Socrate poursuit son réquisitoire contre la rhétorique dans l’entretien avec Polos en affirmant que la rhétorique n’est pas un art mais un simple savoir-faire qui a pour but la flatterie, une simple contrefaçon de la politique (voir annexe n° 4 et annexe n° 5). Derrière chaque art en effet se cachent des contrefaçons qui prennent le masque des 6 arts pour lesquelles elles veulent uploads/Politique/ cours-de-jacqueline-morne-sur-le-gorgias-de-platon.pdf
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- Publié le Jan 22, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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