Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Joe Biden : sa

Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Joe Biden : sa présidence ne tient qu’à un fil PAR ALEXIS BUISSON ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 2 NOVEMBRE 2021 Joe Biden après une allocution sur la vaccination contre le Covid-19 depuis la Maison Blanche, le 21 avril 2021 à Washington. © Photo Brendan Smialowski / AFP Le président américain se voyait en nouveau Roosevelt. Un an après son élection, Joe Biden se retrouve à la merci de deux sénateurs démocrates au pouvoir disproportionné. Une situation frustrante pour le parti, qui voit les élections de mi-mandat se rapprocher à toute vitesse. New York (États-Unis).– Il s’appelle «Joe» et il est l’un des personnages les plus puissants de Washington. C’est, c’est… Joe Manchin, bien sûr! Démocrate favori des républicains, le sénateur centriste de Virginie occidentale est un casse-tête pour «l’autre Joe», celui de la Maison Blanche. Depuis des mois, il s’oppose au passage d’un ambitieux plan de dépenses sociales et économiques de 3500milliards de dollars, pierre angulaire du programme «Build Back Better» («reconstruire en mieux») du président américain. Motif: il serait trop coûteux et créerait une «société de l’assistanat». Initialement, ce paquet de mesures fourre-tout devait notamment étendre le réseau de maternelles publiques, réduire le prix des médicaments et instaurer un congé parental payé reconnu par l’État fédéral. Autant de mesures révolutionnaires dans un pays où le filet social est bien maigre. Joe Biden après une allocution sur la vaccination contre le Covid-19 depuis la Maison Blanche, le 21 avril 2021 à Washington. © Photo Brendan Smialowski / AFP Manchin n’est pas le seul élu rebelle du parti. Plus discrète, l’autre sénatrice centriste, Kyrsten Sinema (Arizona), met aussi des bâtons dans les roues. Pour sa part, elle est hostile à l’augmentation des impôts sur les grandes fortunes et les sociétés qui assurerait le financement de ces mesures historiques. Résultat: Joe Biden est contraint de revoir sa copie. «Dans le système américain de contre-pouvoirs, le président n’est pas tout-puissant pour convaincre le Congrès de mettre en œuvre son programme. C’est un aspect fondamental de la démocratie états-unienne. La présidence de Joe Biden n’échappe pas à la règle», explique Molly Reynolds, spécialiste du Congrès au think tank Brookings Institution. Il n’empêche que la situation est frustrante pour beaucoup de démocrates. Ils se plaignent que deux sénateurs, dont les États représentent moins de neuf millions d’Américains, prennent en otage le programme d’un président élu par plus de 81millions de personnes. Et ce, alors que leur parti contrôle la Maison Blanche et les deux chambres du Parlement pour la première fois depuis 2009. En cause, des majorités très minces. À la Chambre des représentants, Joe Biden et les siens ne disposent que de huit petits sièges d’avance sur les républicains. Au Sénat, les deux formations politiques sont à égalité, cinquante sièges chacune – dans ce contexte, c’est la vice-présidente, Kamala Harris, qui vote pour départager les deux camps, ce qu’elle a déjà fait à onze reprises depuis janvier, un quasi-record. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 En d’autres termes, Biden ne peut se permettre la moindre défection dans ses rangs s’il souhaite remplir ses promesses de campagne. Ce qui donne à des élus individuels comme Sinema et Manchin un pouvoir de négociation disproportionné. Cette réalité est d’autant plus inquiétante pour la gauche que les élections de mi-mandat, en novembre 2022, approchent à grands pas. À l’issue de ce scrutin, traditionnellement mauvais pour le parti au pouvoir, les démocrates pourraient retourner dans la minorité. Ce qui rendrait la seconde moitié du mandat de Biden encore plus compliquée. Un premier test a lieu mardi 2 novembre avec l’élection du gouverneur de Virginie, un État démocrate, où l’ancien titulaire du poste, le démocrate Terry McAuliffe, est opposé à l’homme d’affaires républicain Glenn Youngkin. « La pression est énorme et nous n’avons pas beaucoup de temps. Il faut que le parti passe un maximum de lois avant les mid-terms», résume Deborah Scott, présidente de Georgia Stand-up, une association de justice économique basée en Georgie (sud-est du pays). Elle participait récemment à une manifestation à Washington pour appeler à la mise en œuvre de «Build Back Better». «C’est frustrant de devoir descendre dans la rue alors que mon propre parti est au pouvoir! Mais nous devons demander des comptes», dit-elle. Le casse-tête du Sénat Au Sénat, où se cristallisent les blocages, la maigre majorité démocrate n’est pas le seul obstacle sur le chemin de Joe Biden. Ce dernier se heurte aussi à une obscure règle de procédure: le « filibuster ». Celle-ci oblige la plupart des propositions de lois examinées par les sénateurs à être adoptées avec un minimum de soixante voix plutôt qu’une majorité simple. La Maison Blanche se retrouve donc obligée de courtiser des républicains obstructionnistes... Elle a connu quelques succès dans cette croisade. En août, Joe Biden a obtenu une victoire législative majeure en faisant adopter, par soixante- neuf sénateurs, dont dix-neuf républicains, son plan historique de modernisation des infrastructures (investissements massifs dans les transports en commun, rénovation des ponts et des routes, promotion des énergies renouvelables…). D’un montant de 1100milliards de dollars, celui-ci doit encore être approuvé par la Chambre des représentants. Toutefois, cette belle performance demeure une exception tant les terrains d’entente avec le parti trumpiste sont rares. «Aucun républicain n’est prêt à soutenir le président. C’est le résultat en grande partie de la polarisation actuelle de la vie politique. Dans la plupart des cas, Joe Biden sait qu’il ne disposera que des voix démocrates, observe Molly Reynolds. Certes, il a passé près de quarante ans au Sénat et est un fin connaisseur du processus législatif. Mais beaucoup des sénateurs qu’il a côtoyés pendant sa carrière ne sont plus en poste. Et le Congrès dans son ensemble est beaucoup plus partisan qu’autrefois.» Obligation de compromis Ce constat oblige les leaders démocrates à miser sur une procédure exceptionnelle: la réconciliation budgétaire. Celle-ci a l’avantage d’annuler le filibuster et de restaurer la majorité simple pour l’adoption des lois au Sénat. Elle a été utilisée pour le passage du premier grand texte de l’ère Biden, l’«American Rescue Plan», en mars 2020. Ce plan de près de 2000milliards de dollars a notamment reconduit les aides instaurées pendant la crise sanitaire et permis à des millions d’Américains de percevoir un coup de pouce de 1400dollars chacun. Elle est passée sans voix républicaines, à 50 contre 49. Mais cette procédure, utilisée pour le paquet de dépenses sociales en cours de négociation, n’est pas la panacée. Elle ne peut s’appliquer qu’aux lois portant sur les recettes, les dépenses et la dette de l’État fédéral. En outre, elle ne peut être invoquée que trois fois par an. Et, comme les coups de menton de Joe Manchin et Kyrsten Sinema le rappellent, elle ne prémunit pas le président contre les défections de son propre camp. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Joe Biden n’a donc pas d’autre choix que de faire des compromis. Face au blocage des deux sénateurs, il a annoncé fin octobre un plan de dépenses raboté, baissant son coût de moitié (de 3500milliards à 1750milliards). Au grand dam de l’aile progressiste du parti, il a dû abandonner la création du congé parental et la gratuité de certains établissements publics du supérieur. Il a aussi renoncé à une disposition environnementale qui aurait accéléré la transition des entreprises vers les énergies renouvelables. Proche du secteur du charbon et du pétrole, Joe Manchin s’était empressé de la tuer dans l’œuf. Et il n’a peut-être pas dit son dernier mot. Lundi, il a déclaré qu’il ne voterait pas pour ce plan révisé tant qu’il ne disposait pas d’une «plus grande clarté» sur son impact économique et financier. Molly Reynolds se montre plus optimiste. «Joe Biden navigue sur ces obstacles avec un relatif succès, estime l’experte. Il a fait adopter l’American Rescue Act dès le début de son mandat. D’ici la fin de l’année, il devrait pouvoir ajouter à son bilan le plan de dépenses sociales en cours de négociation et la loi de modernisation des infrastructures, un domaine où des investissements supplémentaires sont nécessaires. Ce n’est pas facile, mais il bénéficie de l’élan qu’il a créé.» Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart. Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris Courriel : contact@mediapart.fr Téléphone : + 33 (0) 1 44 uploads/Politique/ article-992061.pdf

  • 51
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager