Partie 2 : Naissance, vie et mort des partis politiques Première question sur l

Partie 2 : Naissance, vie et mort des partis politiques Première question sur les partis politiques : savoir quand ils sont apparus, comment ils se sont développés. Si on se rallie aux principes épistémologiques d’Offerlé on a intérêt à considérer que les partis politiques ne sont pas humains cad qu’ils ne naissent pas, ne vivent pas, ne meurent pas. En faisant ça, c’est prendre le risque d’avoir des biais. I- La naissance des partis politiques La naissance historique : Renvoie à la genèse (sociogenèse) d’une forme d’organisation politique qui va progressivement s’imposer comme une forme dominante d’organisation politique. En dépit d’un sentiment antiparti, ces derniers restent la forme dominante d’organisation politique dans le monde. Si aujourd’hui la présence des partis nous semblent parfaitement naturelle, cette présence à l’origine n’a rien de prémédité et surtout n’a rien de garanti. En sociologie, il faut se défaire de « l’illusion du toujours ainsi » (Bernard Lacroix). C’est l’illusion selon laquelle les partis ont toujours fait partie du paysage politique. La genèse des partis politiques est forcément un processus complexe et incertain. A) De la faction au parti : les origines philosophiques du phénomène partisan Pendant très longtemps on ne différencie pas les deux. Jusqu’au XVIIIème voire jusqu’au XIXème, l’idée de parti ou plutôt de partition est largement rejetée car perçue comme contraire au principe de la volonté générale (fondement de la conception du vivre ensemble politique). Rousseau va dire : « la volonté générale est toujours droite et tend toujours vers l’autorité politique ». Il va utiliser la notion de « briques » pour désigner des individus qui veulent aller contre la volonté politique. Pour lui il ne faut pas de brigues, pas de partition. A ce moment-là on est non pas dans une conception pluraliste mais dans une conception moniste. Dans « La démocratie imparfaite : essai sur le parti politique » Donegani et Sadoun nous expliquent que la conception du vivre ensemble est moniste où la pluralité est dévalorisée par rapport à l’unité. On voit l’importance de ce facteur-là. En effet, il va falloir que s’opère une transformation des conceptions philosophiques du vivre ensemble politique (P. Rosanvallon : « l’apparition des partis est indissociable d’une légitimation philosophique du pluralisme et des formes à travers lesquelles ce pluralisme va s’incarner »). En quelque sorte, l’évolution des idées à précéder l’évolution de l’histoire. Cette pensée a accompagné un processus de reconnaissance progressive des partis politiques. Comment on passe du refus de la division à son acceptation et à son incarnation sous une forme partisane ? 4 étapes fondamentales étalées sur au moins 4 siècles. 1. Celle qui voit s’affirmer l’idée selon laquelle les divisions sont non seulement inhérentes aux sociétés mais également potentiellement profitables aux sociétés. Machiavel (1469-1527) peut être considéré comme l’un des pères fondateurs du pluralisme comme il va apparaître en tant que fondement des régimes républicains. C’est lui qui affirme le premier avec force l’idée selon laquelle les divisions sont inhérentes aux sociétés (pas de sociétés sans division) et va même dire que certaines divisions peuvent être profitables aux sociétés. Il va plaider pour l’institutionnalisation du conflit, il n’y a que là qu’il ne va pas nuire à la liberté. Pour lui les divisions sont garantes de la liberté des points de vue (fondement du pluralisme). Le pluralisme est la source d’un équilibre qui selon lui est profitable à tous. Le conflit n’est pas une menace pour la liberté mais une source potentielle de liberté si il est encadré institutionnellement. Chez Machiavel on est encore dans une définition négative des partis mais il y a une avancée puisque l’on reconnaît la valeur positive des divisions dans le fonctionnement de la société. 2. Une étape d’approfondissement de la pensée de Machiavel sur ce qui différencie les bonnes ou les mauvaises divisions. Davis Hume (1711-1776) va refléter dans ses travaux un état de la pensée sur le phénomène partisan. Il ne s’agit pas d’une tentative de définir positivement les partis. La notion de parti sera d’ailleurs confondue avec celle de faction. Hume va chercher à comprendre ce qui forme la légitimité ou l’illégitimité des partis/factions. C’est la nature de l’intérêt qui va expliquer cette différence entre bon et mauvais partis. Dès lors qu’une faction sera mise au service d’un principe d’intérêt général, de droit, de valeur, Hume dit que l’on a intérêt à apprécier la présence de cette faction. 3. Le moment où s’opère la séparation entre parti et faction On va commencer à dire que les factions « c’est mal » et les partis « c’est bien ». C’est l’affirmation d’un label particulier pour qualifier les divisions dans la société et qui n’est pas connoté de manière péjorative. Le terme de faction va être disqualifié. Sartori (voir citation) va prendre acte de ce fait, ce qui nous permet de rappeler que le travail de qualification sémantique de la notion de parti, et de disqualification sémantique de la notion de faction va prendre du temps. Elle ne se fera pas avant la fin du XIXème. A la fin du XVIIIème on ne trouve que très peu de penseurs pour défendre une conception positive des partis politiques. Burke sera l’un d’entre eux. En France, le parti n’est toujours pas vu de manière positive par les révolutionnaires, on ne peut donc pas lier ce phénomène à ce moment-là. 4. La reconnaissance des partis en tant que forme organisationnelle d’incarnation du pluralisme Etape que l’on situe tout au long du XIXème. On n’est pas encore dans la reconnaissance pleine et entière des partis. Cette ambivalence sur les partis politiques peut être visible dans les textes de Tocqueville. Pour lui « les partis sont un mal inhérent au gouvernement libre, mais un mal nécessaire ». On se rend compte que même au moment où les partis politiques se routinisent de plus en plus à la fois comme appellation et comme principe de désignation des groupements politiques, on est loin d’une reconnaissance pleine et entière. Ça a été un processus lent de légitimation des partis politiques mais un processus qui n’a toujours pas trouvé son terme (aujourd’hui encore il y a des fortes critiques). Gaspar Bluntshli (La politique, 1876) explique que la réalité politique n’est pas acceptée par tous. La naissance du pluralisme naît d’abord dans les esprits avant la réalité. C’est la stabilisation du régime républicain qui va permettre la reconnaissance progressive d’un principe d’opposition pacifique et accepté entre droite et gauche. Comme le remarque Rosanvallon, « la reconnaissance de cette opposition achève l’effritement du monisme originel et la banalisation conséquente du pluralisme ». B) L’avènement du suffrage universel et de la démocratie de masse : la naissance de l’organisation de parti Pendant l’essentiel du XIX on parle de parti en tant que groupement/courant/d’ensemble d’individus réunis par les mêmes convictions. Sous la IIIème République on va parler de parti révolutionnaire, monarchiste, constitutionnel, c’est un usage qui va se routiniser. Les partis se sont des groupements informels généralement formés sur des regroupements idéologiques. Sartori parle de « partis d’opinion et de clientèle ». C’est juste pour désigner les partis du XIX cad des partis qui visent à établir un socle d’individus, d’électeurs bien plus que des « partis de cadres » (Duverger). Agulhon (historien qui a travaillé sur l’invention de la République) dit que ce que l’on appelle le parti républicain c’est l’ensemble des gens qui se reconnaissent républicains par leurs convictions et par leur vote. Cela signifie que fin XIX les partis existent, mais pas au sens où on l’entend aujourd’hui. L’avènement du Suffrage Universel est le moteur de l’organisation des partis. Pourquoi ? C’est l’élargissement du corps électoral qui va générer la nécessité pour les partis de s’organiser (essentiellement pour encadrer, accompagner, orienter les masses électorales). Il y a une corrélation très forte entre avènement des démocraties de masse et naissance de l’organisation partisane. Les premiers à l’affirmer sont Michels, Ostrogorski et Weber. La première phrase du livre de Michels sur les partis politiques (1911) : « la démocratie ne se conçoit pas sans organisation » (de parti). Chez Ostrogorski c’est la même chose : « l’avènement de la démocratie dans l’Etat posa devant elle le problème de son organisation. » Weber dit que les partis sont des « enfants de la démocratie, du suffrage universel, et de la nécessité de recruter et d’organiser les masses ». Celui qui en fait la première démonstration c’est Ostrogorski dans « les origines des associations politiques et des organisations de partis en Angleterre » (Revue historique, 1893). Il va nous montrer comment les différentes électorales au cours du XIX vont engendrer un peu de manière mécanique, les organisations partisanes. En 1832, on est sur un régime censitaire très dur où seuls les plus riches ont le droit de vote (2%). Cela n’empêche pas tous ceux qui font de la politique d’utiliser la notion de parti mais il s’agit plus de courants et de regroupement d’individus qui n’ont d’existence qu’au Parlement. On a d’un côté les Tories (le parti conservateur, de la cour) et les Whigs (plus libéraux, prônent uploads/Politique/ 2-genese-vie-et-mort-des-partis-politiques.pdf

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