Institutions, théories du changement institutionnel et déterminant de la qualit

Institutions, théories du changement institutionnel et déterminant de la qualité des institutions: les enseignements de la littérature économique Université de Paris Ouest Nanterre La Défense (bâtiment G) 200, Avenue de la République 92001 NANTERRE CEDEX Tél et Fax : 33.(0)1.40.97.59.07 Email : nasam.zaroualete@u-paris10.fr Document de Travail Working Paper 2016-04 Joseph Keneck Massil UMR 7235 Institutions, théories du changement institutionnel et déterminant de la qualité des institutions: les enseignements de la littérature économique1 Joseph Keneck Massil EconomiX Joseph_keneckmassil@u-paris10.fr Résumé : Face à l’absence de définition universellement acceptée des institutions et à la complexité de les cerner, l’étude du changement institutionnel et des facteurs déterminants de la qualité des institutions constitue un exercice difficile. Ainsi, cet article poursuit trois objectifs. Premièrement, il propose une définition de ce qu’est une institution. Deuxièmement, il présente l’abondante littérature sur les théories du changement institutionnel. Troisièmement, il met en évidence les travaux empiriques sur les déterminants de la qualité des institutions. Mots clés : Institutions, Théorie du changement institutionnel, Déterminants de la qualité des institutions. JEL : D02 D72 P48 Abstract: Given the lack of universally accepted definition of the word ‘institution’, studying the institutional change as well as the determinants of institutional quality remains a difficult and even perilous exercise. Therefore, this article aims to achieve a threefold objective. First, it proposes a definition of the term ‘institution’. Second, it reviews the extensive literature on the theories of institutional change. Third, it highlights the existent empirical literature on the determinants of institutional quality. Keywords: Institutions, Institutional change theory, Determinants of institutional quality. JEL: D02 D72 P48 1 L’auteur remercie Bernard Chavance, Sophie Harnay, Olivier Favereau pour les commentaires et remarques. 1. Introduction Depuis les contributions de North (1981), North et Thomas (1973), North et Weingast (1989), Putnam (1993), Greif (1994, 2006), La Porta et al. (1997, 1999), Acemoglu et Robinson (2000), Beck et al. (2003), Stutz et Williamson (2003), Barro (2003), Acemoglu et al. (2005), Rodrik (2000, 2005), North et al. (2010), et Acemoglu et al. (2014), il ne fait aucun doute que les institutions économiques, politiques et culturelles contribuent à la prospérité économique des nations. Pour les pays en développement, des auteurs majeurs tels que North (1990) et Olson (1993) montrent que les politiques publiques et les cadres institutionnels constituent une partie fondamentale de l’équation de la croissance et même du développement. De même, les institutions expliqueraient en grande partie l’écart de revenus entre les pays. Les institutions sont donc devenues en économie et en sciences sociales le socle d’explication de plusieurs phénomènes (pauvreté, croissance, instabilité politique, écart des revenus, corruption, démocratie, etc.). Elles expliquent ainsi la majorité des situations économiques, politiques et même culturelles qui orientent les comportements humains et l’action des organisations et des Etats. La multiplication des études théoriques et empiriques sur l’impact des institutions dans l’explication des performances économiques d’une part et visant à expliquer le changement des institutions et les trajectoires institutionnelles d’autre part a entrainé une prolifération de définitions et de conceptions de ce qu’est une institution. La conduite d’une étude sur les institutions n’est ainsi pas un exercice aisé, compte tenu de la complexité que soulève le concept d’institution dans différents domaines des sciences sociales (Favereau et Bessy, 2003, p.119) et de l’absence de consensus dans la définition de ce qu’est une institution (Hogson, 2006, p.1). Cependant, l’une des définitions largement admise est celle de North (1990), pour qui les institutions sont les règles du jeu dans une société ou, autrement dit, les contraintes humainement conçues pour encadrer les interactions entre les êtres humains. Si définir ce qu’on entend par institution constitue la première difficulté, le deuxième obstacle réside dans l’explication du changement des institutions. Comment les institutions changent-elles ? Quels sont les facteurs explicatifs de ce changement ? Et enfin, quels acteurs influencent ce changement ? Autant de questions auxquelles les théoriciens et les praticiens dans le domaine des institutions s’efforcent d’apporter des réponses. Plusieurs théories ont proposé une explication de la dynamique du changement institutionnel avec, à chaque fois, une mise en perspective du rôle du groupe politique dominant dans l’orientation du changement des institutions. Cet article poursuit trois objectifs. Premièrement, il montre la variété des conceptions de ce qu’est une institution en reprenant différentes définitions proposées par des auteurs majeurs dans l’étude des institutions. Deuxièmement, il présente l’abondante littérature sur les théories du changement institutionnel. Troisièmement, il présente les principaux domaines d’étude empirique des déterminants de la qualité des institutions. La suite de cet article s’organise comme suit : dans la section deux, nous essayons de donner sens au mot institution malgré son caractère polysémique, en proposant une typologie des définitions des institutions. La section trois montre la variété des théories du changement institutionnel. La section quatre présente et discute les travaux empiriques sur les facteurs influençant la qualité des institutions. 2. Institution : un concept à géométrie variable Pour Favereau et Bessy (2003), le concept d’institution est polysémique2. Ce constat est corroboré par l’affirmation suivante de Ménard (2003, p.106) : « Il n'y a pas, on le sait, de définition universellement acceptée de ce qu'est une institution et de ce que sont les institutions ». Ainsi, face à la complexité de cerner ce qu’est une institution, nous optons pour une définition des institutions selon trois axes : les institutions comme « règles et contraintes», les institutions comme « instrument de gouvernance » et enfin les institutions comme «équilibre de jeux ». Ce faisant, notre propos n’est pas ici de produire une revue exhaustive de la littérature économique sur les institutions ni de faire dialoguer ou de comparer entre elles différentes conceptions des institutions. Plus modestement, notre objectif est simplement de 2 Favereau et Bessy (2003, pp.119-120) proposent une pluralité de conceptions des institutions selon différents auteurs: «Ensemble du système constitutionnel d'un pays» (Denis Richet); «tout groupement social légitimé » (Mary Douglas); «croyances et modes de conduite inspirés par la collectivité » (Emile Durkheim); «règles du jeu, les acteurs étant les organisations et les ménages » (Douglas North); « action collective aux fins de contrôle de l'action individuelle » ( John Commons); « régularité de comportement reconnue par tous les membres d'une société et stabilisée soit par l'intérêt individuel, soit par une autorité extérieure » (Andrew Schotter); « réseau symbolique, socialement sanctionné, combinant une composante fonctionnelle et une composante imaginaire » (Cornelius Castoriadis); « codification de stratégies d'équilibre évolutionnaire » (Masahiko Aoki). mettre en évidence la pluralité des définitions existantes et de rendre compte des principaux travaux d’auteurs majeurs dans le champ. Au risque d’une simplification excessive, notre typologie a donc essentiellement un but pédagogique. 2.1. Les institutions comme « règles et contraintes » L’approche des institutions comme « règles et contraintes » est une vision largement partagée dans l’étude des institutions. On retrouve cette approche dès les travaux du courant institutionnaliste traditionnel3 (Commons, 1931; Veblen, 1987). Elle est ensuite popularisée largement par les travaux de North (1989, 1990, 1997, 2005). Dans l’institutionnalisme originel de Commons (1931, p.6), une institution est « une action collective qui contrôle, libère et étend le champ de l’action individuelle ». Plus précisément, Commons (1931) distingue trois formes d’institutions : les institutions économiques, politiques et culturelles. L’approche des institutions de Commons peut être qualifiée d’englobante (dans la mesure où il prône une théorie conjuguant le droit, l’économie et l’éthique) et unitaire. (Chavance, 2001, p.28-29). Pour Commons, les actions individuelles prennent corps dans les transactions4. L’action collective s’accomplit dans les organisations actives (going concerns) qui poursuivent des objectifs en respectant des règles sous une autorité. Veblen (1914) considère que les institutions sont les habitudes de pensées et d’actions dominantes dans la communauté sociale. Les institutions du présent sont héritées des institutions d’hier. Les institutions sont soit des règles (Commons), soit des régularités de comportement (Veblen). Carl Menger (1883) distingue les institutions organiques5 des institutions pragmatiques6. Si pour Menger, ces deux formes institutionnelles ne sont pas à opposer, Hayek (1980, 1983) propose une typologie des institutions étroitement liée à celle de Menger et les confronte. 3 L’institutionnalisme originaire regroupe les travaux de l’école historique allemande (Schmoller) et l’institutionnalisme américain (Veblen, Commons et Mitchell). 4 L’auteur distingue trois formes de transactions : marchandes, managériales et rédistributives. 5 Les institutions ont une création inintentionnelle et sont considérées comme ex nihilo. 6 Les institutions sont l’invention de l’homme pour coordonner la vie en société. Hayek établit son modèle d’analyse institutionnelle sur le dualisme « ordre organisé versus ordre spontané ». Les ordres organisés/construits ou fabriqués (taxis) font référence à l’organisation qui se caractérise par sa nature artificielle et les ordres spontanés ou abstraits (nomos) émergent de façon endogène. Hayek (1980) considère que l’ordre spontané d’ensemble est la société formée d’individus et d’organisations (la famille, la ferme, l’atelier, la firme, les associations, les institutions publiques et même le gouvernement). Ces deux formes d’ordre sont régies par des règles établies volontairement ou involontairement selon la forme d’ordre. Pour Schmoller (1900), disciple de l’école historique allemande, une institution est l’ensemble de règles de morales, d’habitudes, de droits, de coutumes qui se tiennent entre eux et constituent un uploads/Philosophie/ wp-ecox-2016-04.pdf

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