Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris Qu'est-ce que la psychologie p

Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris Qu'est-ce que la psychologie physiologique? Docteur Ch. Fauvelle Citer ce document / Cite this document : Fauvelle Ch. Qu'est-ce que la psychologie physiologique?. In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, III° Série. Tome 10, 1887. pp. 119-128; doi : https://doi.org/10.3406/bmsap.1887.5285 https://www.persee.fr/doc/bmsap_0301-8644_1887_num_10_1_5285 Fichier pdf généré le 10/05/2018 FAUVELLE. — QU'EST-CE QUE LA PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE ? 149 Qn'est-ce que la psychologie pbysiQlQfflqtre ? PAR LE DOCTEUR FAUVELLH. Gomme conclusion de l'exposé qui précède, et en général de toutes les communications que j'ai pu l'honneur de faire à la Société sur la fonction Gérébrale, il me paraît nécessaire de rechercher la véritable signification ^du mot nouveau : psychologie physiologique , qui jouit actuellement d'une certaine vogue, et d'apprécier à sa juste valeur Ja chose qu'il représente. Les biologistes donnent le nom de physiologie à la connaisr sance des manifestations de l'énergie sur les éléments, cellun laires qui constituent les végétaux et les animaux. La psychologie signifie la connaissance de l'âme, mot invente pour désigner un principe plus ou moins subtil, dont la manifestation serait l'intelligence, abstraction faite de toute substance matérielle. Cette conception, comme toutes celles que les philosophes ont jetées dans le monde, est le résultat d'une conjecture absolument arbitraire. Néanmoins, ils l'ont admise comme un principe indiscutable auquel on doit rattacher tous les phénomènes intellectuels. De ces deux mots, l'un représente donc la méthode des inductions basée sur l'observation et l'expérimentation, }'<Wtre la méthode des déductions, qui part de prinaipes réputés vrais, mais dont la démonstration n'a pu être faite. Comment est-on arrivé à rapprocher deux mots qui hurlent d'être accouplés ensemble? C'est ce que nous allons d'abord examiner. Les recherches biologiques modernes ont démontré que l'intelligence avait pour siège le cerveau, tout au moins chez l'homme et les animaux supérieurs. Cette vérité incontestable ne permettait plus d'isoler lame du corps et la rattachait forcément aux hémisphères cérébraux Les epirituaiistes contemporains ont en conséquence décidé, que le eeryeau devait être considéré coining le siège mmmutaiïé de i'âflie, 120 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887. qui s'en sert durant la vie pour se manifester extérieurement. Mais cette union vague et indéterminée n'expliquait pas les phénomènes physiologiques dont cet organe est le siège et qui se rattachent manifestement à l'intelligence. D'autres philosophes crurent alors devoir revenir à l'antique animisme, qui attribuait à l'influence de l'âme le développement du corps et toutes les manifestations vitales dont il est le siège. Anima fingit corpus, a dit saint Thomas d'Aquin. Sans se préoccuper du devenir de cette âme après la mort, ils en firent la propriété du cerveau et, d'une manière plus générale, celle du système nerveux tout entier. Puis, pour masquer ce retour à de vieilles doctrines absolument démodées, ils eurent recours à un mot nouveau, la psychologie physiologique fut inventée, et tous les phénomènes cérébraux furent qualifiés de psychiques. C'est ainsi que nous avons maintenant des phénomènes psycho-sensitifs, psycho-moteurs, etc. Cette espèce de rhabillage de l'animisme, qui n'exclut pas la vie future, avait ceci d'avantageux qu'il ne mettait pas la nouvelle philosophie en opposition avec les religions, auxquelles on ne croit plus guère, mais qu'il est encore utile de ne pas répudier. En outre, elle avait chance d'être acceptée par des matérialistes peu avisés. Entrons dans quelques détails sur cette adaptation des vieilles doctrines aux découvertes modernes sur les fonctions du système nerveux. On a accepté d'emblée toute la physiologie des organes des sens et celle des appareils médullaires et ganglionnaires ; mais on s'est bien gardé de s'expliquer sur la force nerveuse, cette forme particulière de l'énergie que l'oxygène développe par son action chimique sur les molécules de certains matériaux des cellules de la substance grise ; c'eût été enlever à l'âme sa raison d'être. On a ensuite accepté sans objection l'existence, dans l'écorce des hémisphères, de centres de perceptions sensorielles et de volitions motrices, localisés sur différents points. Malheureusement, la carte des circonvolutions cérébrales FAUVELLE. — Q&'EST-CE QUE LA PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE? 121 contient encore des espaces considérables jusqu'alors inconnus. C'est dans ces contrées inexplorées que se retranche la psychologie. Là, à l'abri des regards indiscrets des observateurs et des expérimentateurs, elle peut se livrer aux écarts de son imagination fantaisiste. Le langage reprend cette obscurité voulue, qui rappelle les beaux temps de la scolastique. Nous voyons revenir l'aperception de Leibnitz, la fusion associative, la synthèse intensive et extensive, les événements internes, l'activité volontaire interne, etc. Cependant, les facultés de l'âme paraissent avoir diminué de nombre; en dehors de la mémoire et de la volonté, on ne cite plus guère que la conscience, l'attention et la perception interne ; mais on laisse entendre que chacune forme un tout homogène et que toutes sont absolument indépendantes du substratum. Pour être juste, je dois ajouter que certains psycho-physiologistes, spécialement en France, reconnaissent l'existence de plusieurs mémoires ; ils fractionnent même la conscience. Mais ces divers états de conscience, comme on dit, sont bien vagues et ne se localisent pas. Quant à la volonté et aux autres facultés, elles restent entières et leur étude est un mélange incohérent de psychologie et de physiologie, un véritable galimatias. Où peut mener un pareil travail ? Absolument à rien. Des tentatives d'hybridation entre des espèces si éloignées ne peuvent donner aucun produit viable. Ce que Ton sait aujourd'hui de positif sur la fonction cérébrale est dû uniquement à la physiologie. L'intervention de la psychologie ne peut que paralyser son essor et lui mettre des entraves, en admettant comme connu ce qui n'est que conjecturé et en rendant toute recherche ultérieure superflue. Voyons maintenant ce que peut nous apprendre la physiologie réduite à ses propres forces. Le cerveau est un organe, comme tous ceux de l'économie, composé d'éléments histo- logiques dont l'action combinée produit la fonction. L'important est donc de bien spécifier ces éléments, de préciser leurs 122 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1887. relations, en un mot, d'en faire l'anatomie microscppique, pour ensuite en rechercher les propriétés particulières. C'est ainsi qu'on a procédé pour les muscles, les glandes, la moelle épinière et les ganglions splanchniques. On sait aujourd'hui d'une manière positive qu'il y a dans l'écorce cérébrale des éléments récepteurs des impressions sensorielles, et que» ees impressions y restent fixées pendant un temps plus ou moins long. On sait aussi qu'il y a des cellules en relations plus ou moins directes avec les muscles volontaires et susceptibles de les faire contracter plus ou moins énergiquement. On a trouvé, en effet, deux localisations sensitives, celle de l'audition des mots articulés et celle de la vue des mots écrits, et deux centres moteurs volontaires, celui de l'écriture et celui de l'articulation des mots. Chez les animaux, l'expérimentation a permis d'étendre le champ de ces localisations , mais, pour l'homme, il faut attendre patiemment le progrès de l'observation méthodique de toutes les lésions pathologiques cérébrales, jusqu'à ce que l'anatomie microscopique soit parvenue à suivre dans toute leur étendue les prolongements des cellules nerveuses, prolongements par lesquels elles sont reliées entre elles ou avec la périphérie. Ce n'est pas tout, les sensations perçues et retenues développent par leur seule présence des associations et des corn- paraisons d'où résultent des sensations complexes auxquelles on a donné le nom d'idées. Ces idées persistent, on en a le souvenir, même après la destruction pathologique des cellules réceptrices dont les impressions leur ont donné naissance, comme on l'a constaté dans les cas de surdité verbale et de cécité scripturale. Elles ont donc pour siège des éléments anatomiques particuliers. L'anatomie microscopique comparée et les lésions pathologiques chez l'homme permettront certainement de les spécifier un jour. Tout ce que l'on peut dire aujourd'hui, c'est1 qu'ils ne doivent pas être en relation directe avec la périphérie, mais seulement avec les éléments sensitifs. Il ne FAUVELLE. — QU'EST-CE QUE LA PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE? 123 faut donc pas s'attendre à les voir groupés en des points spéciaux de l'écorce cérébrale. S'il existe des groupements sensitifs et moteurs, ils sont la conséquence forcée de la direction commune des cylindres-axes vers un organe sensoriel ou vers un groupe de muscles concourant au même mouvement. On comprend, par exemple, que les cellules en relation avec l'oreille soient agglomérées dans une même région, comme aussi les cellules motrices qui agissent syner- giquement sur les muscles de l'articulation des mots. Mais pour les idées qui procèdent en même temps de tous les organes des sens et déterminent toute espèce de mouvements volontaires, l'agglomération n'a pas sa raison d'être. Elles doivent plutôt siéger dans une des couches différenciées de la substance grise des hémisphères. Ainsi, la fonction cérébrale se réduit à trois termes : sensations, idées et volitions, qui doivent avoir pour siège des éléments histologiques spéciaux. Sous quelle influence cet appareil est-il mis en action? Les psychologues, même physiologistes, ne sont pas embarrassés pour répondre à cette question. Il y a des milliers d'années que, pour eux, la solution est trouvée, avant même que l'on sût qu'il existât un cerveau. Mais leur âme ne peut nous satisfaire, voyons ce que nous apprennent l'observation et l'expérimentation. L'action cérébrale, comme toute action nerveuse, ne uploads/Philosophie/ qu-x27-est-ce-que-la-psychologie-physiologique.pdf

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