Astérion 3 (2005) Spinoza et le corps .........................................
Astérion 3 (2005) Spinoza et le corps ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Épaminondas Vamboulis Le principe d’inertie et le conatus du corps ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Épaminondas Vamboulis, « Le principe d’inertie et le conatus du corps », Astérion [En ligne], 3 | 2005, mis en ligne le 13 septembre 2005. URL : http://asterion.revues.org/304 DOI : en cours d'attribution Éditeur : ENS Éditions http://asterion.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://asterion.revues.org/304 Ce document PDF a été généré par la revue. © ENS Éditions LE PRINCIPE D’INERTIE ET LE CONATUS DU CORPS Épaminondas VAMBOULIS° Le principe d’inertie constitue la loi fondamentale qui a permis à la nouvelle physique du XVIIe siècle de construire son édifice en s’opposant aux explications scolastiques des phénomènes physiques. Tant Descartes que Spinoza ont proposé des démonstrations de cette loi physique en l’intégrant chacun dans son propre système philosophique. Spinoza dans ses Principes de la philosophie de Descartes propose même implicitement une critique de la démonstration cartésienne. Nous analysons cette critique dans la première partie de cet article et dans la suite nous proposons une lecture de la manière dont Spinoza déduit le principe d’inertie dans l’Éthique. Comme ce principe présente quant à son énoncé et quant à sa conceptualisation des affinités avec la théorie du conatus de la troisième partie de l’Éthique, cet article met en valeur la relation de ces deux parties du système et tire de leur confrontation quelques conclusions concernant le statut et la place de la physique dans la philosophie de Spinoza. Mots-clés : inertie, conatus, philosophie mécaniste, philosophie naturelle, spinozisme. 1. Introduction Le principe d’inertie est, on le sait, la loi fondamentale qui a permis à la nouvelle physique du XVIIe siècle de construire son édifice en s’opposant aux explications des phénomènes proposées par la scolastique. Mais ce qui a rendu possible sa formulation, c’était un changement radical de perspective en ce qui concerne le statut du mouvement (et par conséquent le fait d’étendre certains principes de la philosophie aux cas qui n’étaient pas de leur ressort), plutôt que la logique inductive qui a trait aux données de l’expérience. Il faut alors considérer ce principe comme un présupposé de la pensée des savants qui ont adhéré à une vision du monde qu’on pourrait qualifier de post-galiléenne. Il s’agit d’un principe posé avant l’élaboration de la ° Université de Patras (Grèce), département de philosophie. 105 Astérion, n° 3, septembre 2005 théorie ou d’une proposition pratiquement indémontrable – puisque ses preuves physiques la présupposent –, qui se présente comme une condition de possibilité de toute explication mécaniste du monde. Plusieurs ont été les tentatives, cependant, pour démontrer cette loi, voire pour la déduire d’une conception métaphysique qui comporte le principe de causalité comme composante fondamentale1. Ainsi, tant Descartes que Spinoza ont proposé des démonstrations différentes de cette loi physique, fondées sur les principes métaphysiques de leurs systèmes. Spinoza a même élaboré un principe beaucoup plus général mais prima facie, apparenté à celui d’inertie quant à sa conceptualisation. Il s’agit du principe de conatus dont la portée, toutefois, loin d’être conditionnée par la signification purement physique de l’inertie, est d’une autre allure et d’un caractère complètement différent, puisque du point de vue du système le conatus précède la formulation d’un principe physique. Dans ce qui suit nous allons essayer d’analyser la transformation que le principe d’inertie a subie entre les mains de Spinoza et de dégager la démarche par laquelle Spinoza a établi une connexion entre les voies démonstratives adoptées par ces deux parties du système qui appartiennent l’une à la métaphysique et l’autre à la physique. Mais afin de dégager les enjeux d’une discussion portant sur le statut du principe d’inertie, il faut préalablement étudier le statut de ce principe dans l’œuvre de Descartes aussi bien que la façon dont la pensée du philosophe français est présentée sur ce point précis dans les Principes de philosophie de Descartes de Spinoza. 2. Le caractère du principe d’inertie chez Descartes et la critique de Spinoza Dans ses Principes de philosophie Descartes présente le principe de conservation comme une des lois de la nature qui constituent les « causes secondes des divers mouvements que nous remarquons en tous les corps »2, la cause première qui produit généralement tous les 1. Sur la mise en œuvre du principe de causalité dans la formulation de la loi d’inertie chez Galilée et chez Descartes, voir E. Yakira, La causalité de Galilée à Kant, PUF (Philosophies), 1994, p. 13-23, et p. 30 et suiv. 2. Principes de philosophie, II, § 37 (édition Adam et Tannery, IX-2, p. 84). 106 Astérion, n °3, septembre 2005 mouvements dans le monde étant Dieu, qui par son concours ordinaire conserve dans l’univers autant de mouvement et de repos qu’il y en a mis en le créant. Or, c’est justement de cette action conservatrice divine que dépendent immédiatement les trois lois de la nature comme l’indique Descartes dans un passage qui lui sert à la fois de justification et d’introduction à leur logique. Celle-ci n’est autre que la logique de la conservation des choses par Dieu, les trois lois énonçant 1) la conservation d’une chose en l’état qu’elle est, 2) la conservation du mouvement rectiligne, 3) la conservation de la même quantité de mouvement avant et après le choc des corps3. Comme cependant il n’y a que la première loi qui nous intéresse ici, nous allons focaliser notre analyse sur elle afin de dégager certaines implications métaphysiques sous-jacentes. Le principe de conservation de l’état d’une chose est fondé sur l’immutabilité de l’action divine : Dieu agit d’une façon constante, ce qui explique non seulement la conservation par son concours de la même quantité de mouvement et de repos dans l’univers, mais aussi la persévérance de chaque chose dans son état. Le principe d’inertie devient ainsi aux yeux de Descartes un cas spécial de ce principe général de conservation4 et, partant, un principe ontologiquement vrai. Cette prise de position est certes en opposition manifeste avec la thèse contraire soutenue par d’autres savants du XVIIe siècle, qui postulaient tout simplement ce principe en réduisant sa validité dans le champ strict de la physique, séparée dès lors de tout fondement métaphysique. Mais cette constatation est sans portée pour Descartes, l’inertie étant pour lui la conséquence d’un principe métaphysique qui se concrétise ; elle ne peut pas alors être uniquement associée à cette science qui étudie les propriétés des corps sans s’occuper de 3. Il faut préciser que cette troisième loi, qui dans Le Monde est énoncée en second lieu, n’est en effet que la réciproque de la première, toutes deux faisant partie de la même polémique contre la philosophie naturelle de la scolastique : ce qui requiert une explication selon Descartes, ce n’est pas la conservation du mouvement des corps, mais ses changements, et cette explication relève (dans les Principes) de la troisième loi de la nature, qui formule le principe général qui régit toutes les règles du choc. 4. Notons au passage que ce qui chez Descartes se présente comme allant de soi, implique déjà quelques présupposés implicites. Voir H. Poincaré, La science et l’hypothèse, Flammarion (Champs), Paris, 1968, p. 114 : « La loi d’inertie [...] ne s’impose pas à nous a priori ; d’autres lois seraient, tout aussi bien qu’elle, compatibles avec le principe de raison suffisante. » 107 Astérion, n° 3, septembre 2005 leur statut ontologique, puisqu’elle présuppose une métaphysique créationniste, et plus précisément la doctrine de la création continuée. Le statut que le principe d’inertie acquiert dans la philosophie cartésienne est précisément mis en question par Spinoza dans son ouvrage qui, comme son titre déjà l’indique, reprend cette philosophie pour la démontrer selon la méthode géométrique. Dans ses Principes de la philosophie de Descartes Spinoza place juste avant la démonstration du principe d’inertie énoncé dans la proposition 14 de la deuxième partie une remarque qui rappelle que cette proposition est tenue par beaucoup pour un axiome même si elle est ici démontrée5. Si l’on prend cette remarque au mot, il faut tout d’abord insister sur le fait que Spinoza était, semble-t-il, bien au courant de l’œuvre de certains savants de son époque qui posaient l’inertie comme un principe évident par lui-même, le situant ainsi parmi les propositions que toute théorie physique présuppose axiomatiquement6. Mais il faut aussi souligner que ce qui est ici contesté, uploads/Philosophie/ leprincipe-d-inertie-et-le-conatus-du-corps.pdf
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- Publié le Dec 21, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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