Nietzsche par Gilles Deleuze « Nietzsche intègre à la philosophie deux moyens d

Nietzsche par Gilles Deleuze « Nietzsche intègre à la philosophie deux moyens d'expression, l'aphorisme et le poème. Ces formes impliquent une nouvelle conception de la philosophie, une nouvelle image du penseur et de la pensée. À l'idéal de la connaissance, à la découverte du vrai, Nietzsche substitue l'inter- prétation et l'évaluation... Précisément l'apho- risme est à la fois l'art d'interpréter et la chose à interpréter ; le poème, à la fois d'évaluer et la chose à évaluer... Le philosophe de l'avenir est artiste et médecin, en un mot, législateur. » Cette étude magistrale du grand philosophe, emporté par la démence puis « trahi » par sa soeur qui « essaya de mettre Nietzsche au service du national-socialisme », fut publiée par Gilles Deleuze en 1965 et régulièrement rééditée. Elle comporte une partie biographique, une analyse très sensible de la philosophie nietzs- chéenne, un dictionnaire des principaux personnages et des extraits de l'oeuvre choisis par Gilles Deleuze. www.puf.com PC 2666 8 € TTC France Nietzsche par Gilles Deleuze Philosophes puf CD ' N CD Cr) CD CD Ci) N CD z o t .1 !" puf 9 3 Nietzsche par Gilles Deleuze « Nietzsche intègre à la philosophie deux moyens d'expression, l'aphorisme et le poème. Ces formes impliquent une nouvelle conception de la philosophie, une nouvelle image du penseur et de la pensée. À l'idéal de la connaissance, à la découverte du vrai, Nietzsche substitue l'inter- prétation et l'évaluation... Précisément l'apho- risme est à la fois l'art d'interpréter et la chose à interpréter ; le poème, à la fois d'évaluer et la chose à évaluer... Le philosophe de l'avenir est artiste et médecin, en un mot, législateur. » Cette étude magistrale du grand philosophe, emporté par la démence puis « trahi » par sa soeur qui « essaya de mettre Nietzsche au service du national-socialisme », fut publiée par Gilles Deleuze en 1965 et régulièrement rééditée. Elle comporte une partie biographique, une analyse très sensible de la philosophie nietzs- chéenne, un dictionnaire des principaux personnages et des extraits de l'oeuvre choisis par Gilles Deleuze. www.puf.com PC 2666 8 € TTC France Nietzsche par Gilles Deleuze Philosophes puf CD ' N CD Cr) CD CD Ci) N CD z o t .1 !" puf 9 3 PHILOSOPHES Nietzsche PAR GILLES DELEUZE PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE ISBN 2 13 055112 2 Dépôt légal — F. édition : 1965 Réimpression de la 13' édition : 2006, avril © Presses Universitaires de France, 1965 6, avenue Reille, 75014 Paris La vie Le premier livre de Zarathoustra commence par le récit de trois métamorphoses : « Comment l'esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant. » Le chameau est l'animal qui porte : il porte le poids des valeurs établies, les fardeaux de l'éducation, de la morale et de la culture. Il les porte dans le désert, et, là, se transforme en lion : le lion casse les statues, piétine les fardeaux, mène la critique de toutes les valeurs établies. Enfin il appartient au lion de devenir enfant, c'est-à-dire Jeu et nouveau commencement, créateur de nouvelles valeurs et de nouveaux principes d'éva- luation. Selon Nietzsche ces trois métamorphoses signifient, entre autres choses, des moments de son couvre, et aussi des stades de sa vie et de sa santé. Sans doute les coupures sont-elles toutes relatives : le lion est présent dans le chameau, l'enfant est dans le lion ; et dans l'enfant il y a l'issue tragique. Frédéric-Guillaume Nietzsche naquit en 1844, au presbytère de Roecken, dans une région de la Thu- ringe annexée à la Prusse. Du côté de la mère comme 6 NIETZSCHE du père, la famille était de pasteurs luthériens. Le père, délicat et cultivé, pasteur lui-même, meurt dès 1849 (ramollissement cérébral, encéphalite ou apoplexie). Nietzsche est élevé à Naumburg, dans un milieu féminin, avec sa soeur cadette Élisabeth. Il est l'enfant prodige ; on garde ses dissertations, ses essais de composition musicale. Il fait ses études à Pforta, puis à Biffin et à Leipzig. Il choisit la philo- logie contre la théologie. Mais déjà la philosophie le hante, avec l'image de Schopenhauer, penseur soli- taire, « penseur privé n. Les travaux philologiques de Nietzsche (Théognis, Simonide, Diogène-Laërce) le font nommer dès 1869 professeur de philologie à Bâle. Commence l'intimité avec Wagner, qu'il avait rencontré à Leipzig, et qui habitait Tribschen, près de Lucerne. Comme dit Nietzsche : parmi les plus beaux jours de ma vie. Wagner a presque soixante ans ; Cosima, à peine trente. Cosima est la fille de Liszt ; pour Wagner, elle a quitté le musicien Hans von Bülow. Ses amis l'appellent parfois Ariane, et suggèrent les égalités Bülow-Thésée, Wagner-Dio- nysos. Nietzsche rencontre ici un schème affectif, qui est déjà le sien et qu'il s'appropriera de mieux en mieux. Ces beaux jours ne sont pas sans troubles : tantôt il a l'impression désagréable que Wagner se sert de lui, et lui emprunte sa propre conception du tragique ; tantôt l'impression délicieuse que, avec l'aide de Cosima, il va porter Wagner jusqu'à des vérités que celui-ci n'aurait pas découvertes tout seul. Son professorat l'a fait citoyen suisse. Il est ambu- lancier pendant la guerre de 70. Il y perd ses derniers LA VIE 7 « fard aux s : un certain nationalisme, une certaine sympathie pour Bismarck et la Prusse. Il ne peut plus supporter l'identification de la culture et de l'Etat, ni croire que la victoire des armes soit un signe pour la culture. Son mépris de l'Allemagne apparaît déjà, son incapacité de vivre parmi le:, Allemands. Chez Nietzsche, l'abandon des vieilles croyances ne forme pas une crise (ce qui fait crise ou rupture, c'est plutôt l'inspiration, la révélation d'une Idée nouvelle). Ses problèmes ne sont pas d'abandon. Nous n'avons aucune raison de suspecter les déclarations d'Ecce Homo, quand Nietzsche dit que, déjà en matière religieuse et malgré l'hérédité, l'athéisme lui fut naturel, instinctif. Mais Nietzsche s'enfonce dans h. solitude. En 1871, il écrit La Nais- sance de la Tragédie, où le vrai Nietzsche perce sous les masques de Wagner et, de Schopenhauer : le livre est mal accueilli par les philologues. Nietzsche s'éprouve comme l'Intempestif, et découvre l'in- compatibilité du penseur privé et du professeur public. Dans la quatrième Considération intempestive, Wagner à Bayreuth » p 875), les réserves sur Wagner deviennent explicites. Et l'inauguration de Bayreuth, l'atmosphère de kermesse qu'il y 'rouve, les cortèges officiels, les discours, la présence du vieil empereur l'écoeurent. Devant ce qui leur semble des c:iange- ments de Nietzsche, ses ai lis s'étonne-nt. Nietzsche s'intéresse de plus en plus aux sciences positives, à la physique, à la biologie, à la médecine. Sa santé même a disparu ; il vit dans les maux de tête et d'estomac, les troubles oculaires, les difficultés de parole. Il renonce à enseigner. « La maladie me délivra lente- ment : elle m'épargna toute rupture, toute démarche violente et scabreuse... Elle me conférait le droit de changer radicalement mes habitudes. » Et comme Wagner était une compensation pour Nietzsche- professeur, le wagnérisme tomba avec le professorat. Grâce à Overbeck, le plus fidèle et le plus intelligent de ses amis, il obtient de Bâle en 1878 une pension. Alors commence la vie voyageuse : ombre, locataire de meublés modestes, cherchant un climat favorable, il va de stations en stations, en Suisse, en Italie, dans le Midi de la France. Tantôt seul, tantôt avec des amis (Malwida von Meysenburg, vieille wagné- rienne ; Peter Gast, son ancien élève, musicien sur lequel il compte pour remplacer Wagner ; Paul Rée, dont le rapprochent le goût des sciences naturelles et la dissection de la morale). Parfois, il retourne à Naumburg. A Sorrente, il revoit Wagner une dernière fois, un Wagner devenu nationaliste et pieux. En 1878, il inaugure sa grande critique des valeurs, l'âge du Lion, avec Humain, trop humain. Ses amis le compren- nent mal, Wagner l'attaque. Surtout, il est de plus en plus malade. « Ne pas pouvoir lire ! Ne pouvoir écrire que très rarement ! Ne fréquenter personne ! Ne pas pouvoir entendre de musique ! » En 1880, il décrit ainsi son état : « Une continuelle souffrance, chaque jour pendant des heures une sensation toute proche du mal de mer, une demi-paralysie qui me rend la parole difficile et, pour faire diversion, des attaques furieuses (à la dernière je vomis pendant trois jours et trois nuits, j'avais soif de la mort...). Si je pouvais vous décrire l'incessant de tout cela, la continuelle souffrance tenaillante â la tête, sur les yeux, et cette impression générale de paralysie, de la tête aux pieds. En quel sens la maladie — ou même la folie — est- elle présente dans rceuvre de Nietzsche ? Jamais elle n'est source d'inspiration. Jamais Nietzsche n'a conçu la philosophie comme pouvant procéder de la souffrance, du malaise ou de l'angoisse — bien que le philosophe, le type du philosophe selon Nietzsche, ait un excès de souffrance. Mais, pas plus il ne conçoit la maladie comme un événement affectant uploads/Philosophie/ deleuze-nietzsche-puf-1965.pdf

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