GRAND MYTHE (8) E T TE X TE DE B O U S Q U E T Etranger : le Na 5 frs. C A R N
GRAND MYTHE (8) E T TE X TE DE B O U S Q U E T Etranger : le Na 5 frs. C A R N E T LA FIN DU GRAND M YTHE (8) JOE BOUSQUET Chronique : André Breton et Paul Eluard, L’Immaculée Conception. Carnets mensuels (sauf août et septembre, soit dix numéros par an). AGENT GENERAL: JOSE CORTI, 6, RUE DE CLICHY, PARIS. Adresser tout ce qui concerne l’administration et la rédaction à NI. Carlo Suarès, 15, Avenue de la Bourdonnais. Paris VIIe . Chèques postaux Paris 152573. Abonnement pour l’année 1931 : France et Colonies : 25 frs. — Etranger : 35 frs. LA FIN DU GRAND MYTHE VIII Une métaphysique actuelle Trop de philosophes et de métaphysiciens ont érigé des systèmes sur leurs propres données inconscientes, des systèmes théoriques, abstraits, qui n’ont aucun lien avec la vie quotidienne. Trop de savants ont accumulé des milliards d’informations encyclopédiques dont nous ne savons que faire parce qu’elles sont privées de leur signification essentielle. C’est pour cela que nous avons écrit, pour illustrer la façon immédiate dont notre exposé mythique peut se traduire, comment le mouvement métaphysique de réabsoption se traduit directement dans la représentation inconsciente que se don nent les hommes tous les jours. Il est urgent d’établir ce lien entre la métaphysique et la vie quotidienne la plus élémentaire; entre l’universel et la technique. Ce lien est psychologique; sont but est de restituer aux hommes le bonheur. Tout autre but ne nous intéresse pas. Ne nous lassons pas de répéter que toutes ces questions ne nous intéressent que dans la mesure où elles sont actuelles; et dans la crainte que le lecteur ne se laisse distraire de notre volonté de consommer dans l’instant présent, pour tout le monde, et dans un nouvel ordre social adéquat à la Vérité, la totalité des expressions mythiques, nous lui demandons de faire pour son propre compte au fur et à mesure de notre exposé du drame mythique, une mise au point avec sa propre situation individuelle, aujourd’hui dans le 3 monde de 1931, dans sa vie quotidienne, ses pensées, ses désirs et son être tout entier. Il ne tardera pas à s’apercevoir que malgré toute sa « supériorité » d’homme moderne, il ressemble étrangement à l’homme préhistorique; que malgré quelques différences de rap ports entre les personnages mythiques c’est toujours la même pièce qui se joue; que malgré leurs noms différents, malgré leur aspect scientifique et intelligent, malgré qu’il aient un peu changé, les per sonnages sont toujours les mêmes depuis le commencement des temps. Enfin il s’apercevra de l’urgence qu’il y a à construire un monde tout à fait nouveau. Espace et Temps L’examen scientifique du « quelque chose » dont est fait l’univers a abouti à la conclusion que ce « quelque chose » n’est pas une ma tière compacte mais du mouvement. Il n’existe pas plus un état de plein compact qu’il n’existe un état de néant, pas plus de matière que d’esprit. Le mouvement dont le monde est fait est, métaphysique ment, le « ? » qui se pose pour se nier, c’est-à-dire pour se faire réabsorber. L’univers est donc la représentation que ce « ? » se donne à lui-même dans ce but, où coexistent la parfaite sérénité de la réunion du commencement et de la fin dans la totalité absolue de la Vérité, et à la fois les luttes, les souffrances, les révolutions, tout le drame en somme de la représentation, dans une réalité absolue où rien n’est vrai. Ce qui est vrai dans chaque élément du drame c’est son essence, son pourquoi, de sorte que cette représentation n’est pas en-dehors de la vérité, dans le sens d’extérieure, mais en-dehors dans le sens qu’elle l’entoure comme une graine entoure son propre germe. Et de même que «le grain doit m ourir», doit cesser d’exister pour libérer la vie qu’il portait en lui, et qui, si on voulait l’examiner au microscope se déroberait indéfiniment, de même chaque élément de la représentation doit mourir à lui-même pour que surgisse une 4 autre forme qui à son tour devra mourir. La naissance et la mort, vues comme de l’intérieur de la sève sont des phénomènes extérieurs, des phénomènes simplement de surface. L’essentiel est de s’identifier à la sève et non pas aux formes qui meurent. Tout est réel La vérité est, nous le répétons, le pourquoi de chaque élément, c’est-à-dire sa négation dans son affirmation. Cette affirmation-néga tion (qu’en termes soumis au temps et à l’espace nous sommes obligés d’appeler de cette façon antinomique) se résout en fin de compte en une affirmation, du simple fait qu’il y a « quelque chose » ainsi que nous l’avons vu au début de cet exposé. Qu’il y ait quelque chose, que ce quelque chose soit totalement, absolument réel, et que des millions d’hommes en soient à chaque instant les prisonniers, est une constatation évidente car même si ce « quelque chose » n’était qu’une gigantesque « Maya » dont il faut sortir, la souffrance de celui qui ne sait pas en sortir est, pour lui, réelle par dessus tout, et la faim de celui qui n’a pas à manger est également réelle, et sa lassitude est réelle, et l’ordre de choses que défendent avec achar nement les suppôts du Grand Mythe est en toute réalité égoïste, cruel, assassin. » Oui, quand même tout ceci ne serait qu’une formidable illusion, elle nous bouscule assez aujourd’hui, chacun de nous individuelle ment, pour nous obliger à la conquérir au lieu de la fuir. Aux valeurs mythiques doivent succéder des valeurs vraies. Les grands mots dont les avocats du Mythe tissent leurs innombrables discours officiels n’y feront rien : les problèmes travail, consommation, famille, sexe, etc... ne seront résolus qu’en termes réels de travail, de consommation, de famille, de sexe, etc... Il ne s’agit ni de religion, ni de morale, ni de tradition, ni d’aucun équilibre établi sur les données incons cientes d’une équation humaine non résolue. La résolution totale de l’équation humaine devra nécessairement nous conduire à en 5 visager ensuite tous les problèmes matériels d’un point de vue uniquement technique, car la technique basée sur la conscience intégrale aura le loisir de s’orienter directement vers une solution humaine et réelle. La fonction du «je» Notre point de vue métaphysique permettra à chacun de décou vrir la véritable signification de son « je » individuel. Un jour il deviendra donc impossible de baser l’existence humaine sur un fausse signification de ce « je ». Ce « je » a une fonction à remplir, un but à atteindre. Cela aussi c’est une question de technique aussitôt que l’on a compris le problème fondamental dont le « j e » n’est qu’un des termes. Qu’il s’agisse d’un individu humain ou qu’il s’agisse d’une machine le problème fondamental à résoudre est le même : il s’agit de savoir pourquoi cette machine est là, ce que c’est qu’un homme, et de les mettre en état de fonctionner selon leur véritable | essence. Le rôle d’un « je » individuel est de se consumer, de se dissoudre dans sa propre représentation, et non pas de souffrir dans une représentation mythique qui lui impose un rôle impossible à com prendre. Le Mythe affirme la réalité des « je » individuels en les maintenant dans un état d’irréalité complète. Si au contraire les « j e » individuels rétablissaient leur réalité véritable, ils ne pour- ! raient que « mourir » pour donner des fruits. Ainsi une société basée ! sur la propriété affirme que les « j e » sont matériellement vrais puisqu’ils sont capables de posséder; et parce qu’ils s’identifient à leurs possessions ces « je » perdent le sens de leur raison d’être. Ils sont faussés parce qu’ils croient pouvoir posséder, parce que leur équation originelle, non résolue, l’équation « je-cela » les a con damnés à se perdre, parce qu’ils ne savent pas qui ils sont, ce qu’ils font, pourquoi ils sont là. En réalité les « je » individuels sont le moyen grâce auquel 9 la création dans le temps et l’espace se réabsorbe elle-même en ramassant en un point de conscience le temps et l’espace tout en tiers. Toutes les recherches, les luttes, les angoisses, les souffrances du Mythe humain, toutes les croyances, les folles inventions reli gieuses de l’inconscient ne sont que la lente et douloureuse réab sorption du temps et de l’espace en un seul point à la fois universel et inexistant. Une entité humaine individuelle n’est que la possibilité ' de réabsorber une illusion, de se détruire en s’accomplissant, de re trouver l’universel en cessant d’exister. L’histoire entière du mythe est l’histoire de cette terrible réab sorption du temps et de l’espace par des points de conscience, des centres individuels, qui refusent de mourir, mais qui ne peuvent remplir leur destinée qu’en mourant. Ces millions d’acteurs, devenus fous, ne quittent plus un seul instant leurs déguisements : la terre est devenue un vaste asile d’aliénés où chacun, déguisé en uploads/Philosophie/ carnet-8-octobre-1931-par-carlo-suares.pdf
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- Publié le Jan 11, 2021
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