R. N. COUDENHOVE-KALERGI IDÉALISME PRATIQUE NOBLESSE — TECHNIQUE — PACIFISME Tr
R. N. COUDENHOVE-KALERGI IDÉALISME PRATIQUE NOBLESSE — TECHNIQUE — PACIFISME Traduit de l’allemand par Adeline A. Gasnier (2014) 1925 ÉDITIONS PANEUROPA VIENNE – LEIPZIG Copyright 1925 Pan-Europa Éditions NOTE DE LA TRADUCTRICE La présente traduction n’a aucune valeur officielle. Elle a été effectuée bénévolement, d’après une initiative privée, singulière et non lucrative, à partir du document scanné de l’édition de 1925. Praktischer Idealismus n’est vraisemblablement plus édité (plus vendu) en allemand et ne semble pas avoir été traduit. Quant à sa présence en bibliothèque, elle est assez rare. Tout ceci rend donc difficile l’accès au document physique. En revanche, l’ouvrage connaît une certaine vie sur Internet puisqu’il a été numérisé et qu’il est diversement cité (de façon tronquée), dans des contextes souvent déconcertants. Autant de points ne pouvant qu’inciter à redonner une voix à ce livre par le biais d’une traduction complète, aussi fidèle que possible, pour les lecteurs non germanophones. Traduire c’est choisir, et réfléchir aux choix que l’on effectue. Ainsi la présente traduction comprend la pagination originale entre crochets et des notes de traduction signalées par le marqueur [NdT]. Les rares notes n’ayant pas ce marqueur sont de R. N. Coudenhove-Kalergi. Les termes en italique sont les termes soulignés par l’auteur dans l’édition originale. Pour ne pas perturber cet indicateur, les mots et expressions empruntés à d’autres langues (otium, status quo, etc.), qui par convention devraient être en italique dans le texte, ne le sont pas. De même, les rares néologismes utilisés pour alléger la traduction (« esclavagisant », etc.), ne sont pas signalés par des guillemets. Si certaines tournures grammaticales peuvent dérouter les lecteurs, c’est parce que, dans la mesure du possible, il aura été tenté de garder les temps grammaticaux utilisés en allemand (un conditionnel ou un futur ne dénotent pas la même chose qu’un indicatif). Il en va de même pour l’accord des adjectifs : certains adjectifs s’accordent avec les groupes I syntagmatiques précédents, et non avec le terme précédent — en allemand les adjectifs se placent souvent avant les substantifs qu’ils qualifient, il est donc plus fréquent d’utiliser un adjectif pour qualifier un groupe de mots entier, ce qui en français peut donner des phrases inhabituelles. L’axe de traduction privilégié a été celui des redondances : tant que faire se peut, un même mot est toujours traduit de la même façon, quand bien même cela obligerait à une forme de gymnastique intellectuelle. L’avantage de ce parti pris est qu’il conserve les tissages sémantiques générés à l’intérieur de l’ouvrage. Il va sans dire que ce parti pris est un idéal à atteindre, dans la mesure où il n’est pas toujours réalisable (le but principal étant bien sûr que le texte reste lisible en français). Chaque langue recèle ses trésors en termes de polysémies. Parfois ces polysémies se retrouvent d’une langue à l’autre (p. ex. Recht, en allemand désigne le droit, la loi ; et la direction droite, le contraire de la gauche, comme en français). Mais ce n’est pas toujours le cas. Pour ces cas où la polysémie allemande enrichit le texte, tout en se perdant nécessairement dans la traduction française, le terme allemand a été noté entre crochets, suivi d’un complément sémantique. Pour les germanophones, certains mots allemands (vocabulaire philosophique p. ex.) ont aussi notés entre crochets, sans autre explication. Bien entendu cette traduction est une ébauche, non exempt d’erreurs, et reste ouverte à toutes les corrections. Par-delà ces choix de traduction, il y a le choix de traduire cet ouvrage en particulier. Ce livre a une situation historique remarquable : composé de trois essais de Richard Nikolaus von Coudenhove-Kalergi (1894-1972), il a été édité en 1925 par les éditions Paneuropa, à Vienne et Leipzig — soit à quelques moins d’écart de l’édition de Mein Kampf d’Adolf Hitler (1889-1945) par les éditions Eher, à Munich. Ces deux livres fonctionnent, en un sens, en contrepoint l’un de l’autre : dans les deux il est question d’une Europe aussi effondrée que belliqueuse, mais les deux II ne répondent pas du tout de la même manière à ce constat. Quid, si ce livre, Praktischer Idealismus, avait été davantage lu (et compris) ? Praktischer Idealismus propose également aux citoyens européens d’aujourd’hui une réponse à la question : « Pourquoi l’Europe ? » La crise européenne et la remontée des nationalismes, partout dans l’Europe de ce début du XXIe siècle, accentuent la nécessité d’une réflexion partagée. Ce livre offre la possibilité d’une réflexivité européenne : l’Europe n’est pas un problème nouveau. Lire Praktischer Idealismus permet de prendre la mesure du chemin parcouru en près de quatre-vingt- dix ans, et permet de conscientiser les implicites de cette construction européenne, en laquelle beaucoup d’Européens ne croient plus, avant même que de savoir en quoi ils ne croient plus. Les trois essais rassemblés dans cet ouvrage demeurent étonnamment actuels et actifs pour les débats contemporains : « Noblesse » (1920) traite des questions associées aux notions d’élites, d’excellence, et de mérite, qui aujourd’hui encore ont toute leur place dans le débat public ; « Apologie de la technique » (1922) apporte des réponses quant aux comportements paradoxaux que cristallisent les technologies aujourd’hui (entre rejet luddite et utilitarisme inconscient). Refaire un point philosophique à partir de cet essai de 1922 pourrait peut-être débloquer certains débats figés, car si notre époque semble avoir parfaitement intégré l’éthique technique exposée par Coudenhove-Kalergi dans cet essai, on peut aussi s’étonner que l’une des dynamiques les plus importantes de son propos ait été oubliée : « La technique sans l’éthique mène aussi bien à des catastrophes que l’éthique sans la technique. » (p. 118) L’éthique et la technique doivent se compléter, doivent avancer ensemble, se réfléchir et se conscientiser ensemble. En 2014, il n’est plus possible de penser la technique comme en 1922. Les machines de 2014 n’ont plus rien à voir avec les machines de 1922. L’asservissement des machines ne peut plus être pensé comme en 1922. Cet essai est un plaidoyer pour la nécessité d’une III IV évolution conjointe entre éthique et technique, soit une question qui devrait avoir toute sa place dans le débat public ; « Pacifisme » (1924) peut tout aussi bien faire écho aux problèmes du pacifisme actuel qu’à ceux de l’écologie contemporaine : quelles méthodes, quels engagements, quels visées ? De façon plus étendue, cet essai est un antidote face au problème logique, très perturbant, que pose Mein Kampf (en guise de naufrage de la pensée des Lumières) : – soit A et B deux protagonistes ; – A postule que la violence physique est le seul argument valable ; – B postule que la raison dialogique est le seul argument valable ; – si A agresse B et tue B (qui ne se défend pas), alors A a raison. – si A agresse B et que B blesse ou tue A pour se défendre, alors A a raison. L’essai « Pacifisme » confronte cette impasse apparente et permet de renouer, sans hypocrisie, avec l’optimisme des Lumières. En somme, que l’on soit en accord ou en désaccord avec la pensée de R. N. Coudenhove-Kalergi, il n’en reste pas moins que son effort pour poser distinctement les termes des débats présente une aide importante pour s’orienter et se positionner, dans la pensée comme dans l’action. A. A. Gasnier, Paris, 2014 adeliga@outlook.com AVANT-PROPOS L’idéalisme pratique est un héroïsme ; le matérialisme pratique est un eudémonisme. Celui qui ne croit pas en un idéal, n’a aucune raison d’agir idéalement, de se battre ou de souffrir pour un idéal. En effet il ne connaît et ne reconnaît qu’une seule valeur : le plaisir [Lust : désir, envie] ; et qu’un seul mal : la douleur. L’héroïsme suppose la croyance [Glauben : foi] et l’adhésion à un idéal, c’est-à-dire la conviction qu’il y a de plus grandes valeurs que le plaisir, et de plus grands maux que la douleur. Cette opposition se retrouve à travers toute l’histoire de l’humanité ; c’est l’opposition entre les épicuriens et les stoïciens. Cette opposition est bien plus profonde que celle qui existe entre les théistes et les athées : car il y a des épicuriens qui ont cru en des dieux, comme Épicure lui-même ; et il y a des idéalistes qui ont été athées, comme Bouddha. Il ne s’agit donc pas ici de la croyance en des dieux — mais plutôt de la croyance en des valeurs. Le matérialisme est sans présupposé — mais aussi sans imagination [phantasieloser] ni créativité ; l’idéalisme est toujours problématique et se tisse souvent de non-sens et d’absurdité : c’est pourquoi l’humanité lui doit ses plus grandes œuvres et actions [Taten]. * L’héroïsme est une aristocratie de la mentalité. L’héroïsme est autant apparenté à l’idéal aristocratique que le matérialisme l’est avec l’idéal démocratique [III]. La démocratie croit bien plus en le nombre qu’en la valeur, en la chance [Glück : bonheur] qu’en la grandeur. C’est pourquoi la démocratie politique ne peut devenir féconde et créatrice que si elle démolit la pseudo-démocratie du nom et de l’or, pour à sa place donner naissance à une uploads/Philosophie/ coudenhove-kalergi-richard-nikolaus-idealisme-pratique-noblesse-technique-pacifisme-1925.pdf
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- Publié le Jui 14, 2022
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