B.Martinez 1 LE SAVOIR EN CONSTRUCTION Former à une pédagogie de compréhension
B.Martinez 1 LE SAVOIR EN CONSTRUCTION Former à une pédagogie de compréhension Britt-Mari BARTH Introduction Le défi le plus important à relever dans la formation des enseignants et des formateurs est sans doute d’arriver à susciter un changement conceptuel dans leur rapport avec le savoir et son élaboration. Nos « théories » implicites ne peuvent plus être satisfaisantes telles quelles pour celui qui est devenu enseignant ou formateur : il a besoin d’outils d’analyse pour modifier et élargir sa perception intuitive. Il ne faut jamais perdre de vue qu’une méthode n’a pas de valeur en soi. Des modèles pour comprendre. Les méthodes pour apprendre sont devenues des modèles pour comprendre. Les méthodes pour apprendre, devenues des outils d’analyse, permettent l’entrée conceptuelle de l’étude des notions qui structurent un dispositif de formation : le savoir, son élaboration et sa médiation. Le but de l’ouvrage. Rendre le savoir accessible, exprimer le savoir dans une forme concrète, engager l’apprenant dans un processus d’élaboration de sens, guider le processus de construction de sens et préparer au transfert des connaissances et à la capacité d’abstraction. 1) LE SAVOIR ET SON ELABORATION Chapitre 1 : Savoir ou savoir transmettre, un faux débat Traditionnellement, les enseignants se définissent plutôt par rapport à leur discipline et pratiquent en conséquence une pédagogie centrée sur le savoir. Leur formation a généralement été conçue dans ce sens. Le problème du transfert des connaissances. Pour arriver à une compréhension conceptuelle d’un savoir abstrait, il est nécessaire de l’appréhender à partir de situations ou d’actions multiples et variées, permettant, par leur rapprochement, de discerner l’essentiel dans un contexte donné. Ce qu’il importe de discerner n’est pas visible, mais de l’ordre de la relation. L’aide à l’interprétation et à la méthodologie d’analyse devient donc essentielle. Les concepts organisateurs qui structurent chaque savoir. Il est important pour l’enseignant ou le formateur de réfléchir sur les concepts organisateurs qui le structurent, lui donnent une cohérence interne et sont indispensables pour l’observer et l’interpréter. Mais tous les élèves réfléchissent-ils nécessairement parce que l’enseignant réfléchit ? Nous touchons là au cœur du problème : les processus cognitifs par lesquels un savoir se construit et qui vont au-delà des compétences spécifiques. Savoir et savoir transmettre. L’enseignant devrait être autant un spécialiste de la transmission du savoir que du savoir lui-même. Le savoir de l’enseignant est d’abord au service de l’élève. La formation de l’enseignant devrait lui fournir des modèles pédagogiques explicites, mis en relation avec les problèmes réels qu’il cherche à résoudre Les opérations mentales de construction du savoir. Pouvons-nous décrire les opérations mentales nécessaires aux apprentissages dont parlent les instructions officielles pour que les enseignants puissent : - reconnaître leur mise en œuvre chez les élèves ? - les stimuler par des actions pédagogiques qu’ils leur proposent ? - diagnostiquer les blocages qui se présentent ? B.Martinez 2 - leur faire prendre conscience des stratégies d’apprentissage efficaces pour qu’ils puissent les employer de façon autonome ? Former les enseignants à une pédagogie de la compréhension - par une pédagogie de la compréhension - semble être la priorité : la compréhension de la discipline enseignée et celle des conditions permettant aux apprenants d’acquérir les savoirs et les savoir-faire jugés importants. Cette manière de concevoir la pédagogie, qui situe l’apprentissage dans ses dimensions à la fois cognitives, affectives et sociales, est étroitement liée à la compréhension qu’on a de ce que signifient élaboration et médiation du savoir. Chapitre 2 : Qu’est-ce que comprendre ? Si j’utilise le terme comprendre au lieu d’apprendre, c’est bien pour marquer que je me pose dans une perspective pédagogique : comprendre se réfère à une norme implicite ou explicite. Cette compréhension est le fruit d’observations de ces moments mêmes où quelque chose prend sens pour quelqu’un, où sa vision d’un objet de pensée se modifie. Fausses compréhensions des élèves. Les trois types de confusion peuvent être décrits de la façon suivante : Confusion entre le mot et le sens. La fonction du mot abstrait en tant que symbole de sens n’est pas comprise. Confusion entre les éléments pertinents et non pertinents par rapport à un problème donné. Ils interprètent l’exemple à partir de leurs propres cadres de référence et arrivent à une autre signification que celle prévue par l’enseignant. Confusion dans le mode de raisonnement. Ils procèdent par association verbale-stimulus-réponse- en associant un mot à quelques exemples, mais sans avoir saisi la nature des liens entre le mot et les exemples. Ces « confusions » se sont traduites par de fausses conceptions. Autrement dit, les enfants n’ont pas compris ce qu’il fallait comprendre, ni ce qu’il fallait faire pour comprendre. La relation entre les fausses compréhensions et l’enseignement donné. Trois constats permettent d’y réfléchir : Le premier constat concerne les façons « d’émettre » le message-savoir : - l’explication d’une notion est donnée en utilisant des catégories plus générales, donc à un niveau supérieur d’abstraction. - L’explication se donne à un niveau d’abstraction inférieur, mais sans explication des liens qui relient ces éléments entre eux. - L’enseignant présente un, ou rarement deux exemples, mais sans que les élèves comprennent de quoi l’exemple est l’exemple. - Une explication sous forme d’analogie est utilisée mais sans comprendre de la part des élèves ce qu’il faut rapprocher. Ce premier constat m’a permis de réaliser que le savoir a une organisation tridimensionnelle, mettant en relation différents niveaux d’abstraction : c’est la relation réciproque entre ces dimensions du savoir qui est importante à la fois pour le définir et le comprendre. Le deuxième constat concerne l’attitude des élèves face au savoir. Pendant la situation d’apprentissage, ils n’ont pas souvent l’occasion de vérifier leur compréhension du « message émis ». Ils écoutent. L’idée qu’ils se font de ce qu’on attend d’eux semble guider leur façon d’apprendre. Le troisième constat concerne la relation entre le savoir et la façon dont il est compris. Le savoir n’existe pas en dehors de la façon dont il est « su ». Quelques conclusions provisoires Les trois types de confusions des enfants semblent ainsi être en relation directe avec le mode pédagogique. Selon l’analyse faite, les conceptions pédagogiques sont traversées par trois constantes : - le manque d’activités et de réflexions communes - une conception trop statique du savoir B.Martinez 3 - l’emploi de mots d’un haut niveau d’abstraction Mais deux questions fondamentales restaient posées : qu ‘est-ce que comprendre ? comprendre quoi ? Elles ne pouvaient manquer de renvoyer à ma propre expérience. Cheminement vers un cadre conceptuel Mon questionnement s’est précisé et renforcé, sans doute par opposition à la théorie béhavioriste, qui était alors très prisée à travers une première génération d’une « pédagogie par objectifs ». Celle-ci expliquant l’apprentissage comme une liaison entre un stimulus et une réponse, ne s’intéressait pas aux processus mentaux invisibles comme celui de la compréhension. Elle m’a conduite, en revanche, à chercher et à découvrir un autre cadre conceptuel qui pouvait y répondre et qui fut alors une révélation pour moi : les théories issues de la « révolution cognitive » et en particulier celles de Jérôme Bruner. Ces lectures m’ont par la suite amenée à celles de Vygotski que Bruner a été l’un des premiers à faire connaître aux Etats-Unis. La notion de concept La notion de catégorie ou concept – définie comme une relation entre le mot, ce à quoi le mot se réfère, c’est à dire des situations réelles, dans lesquelles ce mot est utilisé, et les caractéristiques ou les attributs qui permettent d’identifier ce à quoi on se réfère, m’a intéressée. La notion de conceptualisation J’ai découvert un cadre conceptuel, qui, sur beaucoup de plans, était en contradiction avec les théories d’apprentissage de l’époque, et pas seulement avec le béhaviorisme. Il s’opposait également, sur des points importants, à la théorie piagétienne, bien qu’ils aient en commun l’idée que l’apprentissage est une construction active. La compréhension vue comme un processus de conceptualisation Voir la compréhension comme un processus d’élaboration et d’utilisation de concepts dans le sens de Bruner implique la prise de conscience de préalables essentiels : - le processus est lié à un produit. On ne peut pas séparer la pensée de son contenu. Les deux sont indissociables. - Ce dont la pensée dispose influence fortement la leçon dont elle peut interpréter un « contenu » nouveau. Ce n’est pas le contenu exposé qui informe d’abord l’apprenant, mais ce qu’il sait qui lui permet de donner une signification au contenu exposé. En conséquence, ce qu’on propose à l’apprenant, comme « support de pensée », doit s’articuler avec son répertoire cognitif. Pour qu’il y ait compréhension dans une situation de transmission de connaissances, on doit s’intéresser à ces deux éléments essentiels mais surtout aux relations qui existent entre eux : - le potentiel cognitif et affectif de l’apprenant, son « répertoire ». - le support pédagogique qui véhicule le contenu à transmettre. Le potentiel de l’apprenant La façon de comprendre comment se fait l’échange entre l’organisme apprenant et son environnement est déterminante pour les choix pédagogiques. Dans le modèle explicatif où « l’état interne » uploads/Philosophie/ britt-mary-barth.pdf
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- Publié le Fev 13, 2021
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