Les mots… du Plaisir par Eric Cobast COL L E CTI O N LES LEXI Q UE S D E L’I NS
Les mots… du Plaisir par Eric Cobast COL L E CTI O N LES LEXI Q UE S D E L’I NS E E C CAHIERS MÉTHODOLOGIQUES POUR LES CLASSES PRÉPARATOIRES AUX GRANDES ÉCOLES DE COMMERCE LEXIQUE N° 18 COLLECTION DIRIGÉE PAR ERIC COBAST 1 Les mots… du Plaisir Par Eric Cobast Professeur agrégé de l’Université Professeur Associé à l’École Nationale de la Magistrature et à l’École Nationale Supérieure des Offi ciers de Police Conseiller Scientifi que de la Division Prépas & Santé du Groupe INSEEC LES LEXIQ UE S D E L’ I NS E E C 2 Sommaire Du bon usage d’un lexique ....................................................... 3 Introduction : Le Plaisir… d’un mot ........................................ 4 Première Partie : Tout en nuances… ....................................... 6 Deuxième partie : Les Maux du Plaisir ................................. 14 Troisième Partie : Les noms propres du Plaisir .................... 23 Bibliographie .......................................................................... 29 3 Du bon usage d’un lexique « Définir », c’est toujours ce par quoi commence le Socrate que Platon met en scène dans ses dialogues. Sans délimiter avec précision le sens des mots, comment s’entendre ? Sans débuter par cet accord contractuel sur le langage, comment parvenir à penser ensemble ? À dialoguer enfin ? Or rien n’est moins simple. Circonscrire la surface sémantique d’une notion réclame souvent bien davantage qu’un simple dictionnaire. Il faut aller certes à l’usage mais aussi à la source même de la formation du terme. Or si l’étymologie ne dit pas nécessairement – et contrairement à ce qu’elle annonce – la vérité d’un mot, elle en indique la pente, elle en découvre « l’arrière-goût » souvent indispensable à l’appréciation connotative. Bref, il est utile de maîtriser le sens des mots du champ notionnel dans lequel on travaille, ne serait-ce que pour analyser correctement les énoncés des sujets proposés, cerner avec justesse les enjeux des textes dont la lecture et l’étude sont conseillées, pour argumenter enfin sans craindre l’imprécision. Cela passe nécessairement par une étude lexicale et notionnelle à l’occasion de laquelle on peut déjà suggérer une mise-en-problème, un début de questionnement, un commencement de réflexion. C’est dire que chacune des entrées proposées est conçue à la fois comme une définition précise de la notion citée et comme un premier exercice de problématisation. On trouvera souvent également en appui une citation qui amorce une première argumentation. L’ambition de ce petit lexique est donc de fournir des informations nécessaires mais aussi d’inciter déjà à la réflexion, d’apporter les définitions attendues mais également de surprendre parfois à l’occasion d’une entrée plus originale. LES LEXIQ UE S D E L’ I NS E E C 4 Introduction : Le Plaisir… d’un mot Il y a quelques années déjà le programme du Concours portait sur « Le Bon- heur » et le sujet proposé par HEC était formulé en ces termes : « Du Bonheur, il n’y a rien à dire ». C’était mettre le doigt sur la diffi culté à représenter ce bonheur, à le traduire, voire le communiquer ou le transmettre. Kant, de fait, le considérait comme un idéal, non de la raison mais de l’imagination. Il y voyait un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. Du plaisir en va-t-il de même ? Car si Bonheur et Plaisir se laissent depuis l’Antiquité défi nir l’un par l’autre, se distinguant évidemment l’un de l’autre pour mieux s’opposer l’un à l’autre. Ainsi L’Ency- clopédie de Diderot et D’Alembert commence par défi nir le Bonheur pour fi nir par le confronter au Plaisir : Le Bonheur est un état, une situation telle qu’on en désirerait la durée sans changement ; et en cela le bonheur est différent du plaisir qui n’est qu’un sentiment agréable, mais court et passager, et qui ne peut jamais être un état. Le Bonheur aurait bien plutôt le privilège de pouvoir en être un. Le Plaisir serait-il l’expérience dégradée, parce qu’éphémère, d’un Bonheur par défi nition pérenne ? Une expérience tout aussi ineffable ? Retour à la défi nition du mot… Comme souvent, il y a des saveurs inattendues. Dans un premier temps, tout simplement et assez communément les diction- naires relaient : « Mouvement agréable excité dans l’âme par une impression physique ou morale. ». La terminologie désuète masque plus qu’elle ne dévoile vraiment le sens du mot : qu’est-ce qu’un « mouvement » de l’âme ? « Excité » qui plus est ? Ce que l’on peut néanmoins retenir de cette défi nition héritée du Littré, c’est que le « plaisir » compte parmi les « affects ». Ce dernier terme très précisément associe « l’âme et le corps ». C’est dire que par « affect », il faut entendre un « effet » que produit dans l’esprit une sensa- tion, une information captée par le corps. Si je suis affecté par la chaleur, la sensation de chaleur agit sur ma volonté, mon « moral », ou plus vaguement encore mon état d’esprit. Au nombre des « affects » les mieux cernés : les pas- sions, les sentiments, les émotions. La peur est un « affect » : un objet extérieur « affecte » l’imagination, la vie psychique du sujet. Voilà donc qui a de quoi surprendre celui qui réduirait le plaisir à une simple sensation agréable (ou alors il vaut mieux défi nir le sens du mot « agréable », voir à cet effet le mot « agrément », la toute première entrée de notre lexique.). De fait, si le plaisir 5 est bien un affect sans représentation, il ne suppose pas moins une véritable approbation de l’esprit. La sensation de plaisir est non seulement une sensa- tion identifi ée par l’esprit mais aussi une sensation que l’esprit juge bénéfi que. Ainsi le plaisir apparaît-il comme un sentiment complexe : éprouver du plai- sir, ce n’est pas seulement être satisfait, trouver comment combler le manque révélé par le besoin. « Avec plaisir » dit-on pour souligner un assentiment, « pour le plaisir » glisse-t-on à la faveur d’un divertissement, de l’exercice d’un acte gratuit, « tu me feras le plaisir de bien vouloir accepter » marque une volonté qui naguère s’exprimait avec le « bon plaisir » royal. Bref, toutes ces expressions lexicalisées convergent. Le plaisir n’est pas la simple plénitude, c’est aussi ce que Spinoza nomme une conscience approbative de la vie, c’est davantage qu’une satiété : un appétit. C’est aussi ce qui inspire Montesquieu, dans l’Essai sur le goût (1757) qui associe « plaisir » et « goût ». Ce dernier mot est riche en effet de signifi cations. S’il désigne avant tout l’un des cinq sens, il exprime aussi une inclination, une tendance, voire une préférence : Dans notre manière d’être actuelle, notre âme goûte trois sortes de plaisirs : il y en a qu’elle tire du fond de son existence même ; d’autres qui résultent de son union avec le corps ; d’autres enfi n qui sont fondés sur les plis et les préjugés que de certaines institutions, de certains usages, de certaines habitudes, lui ont fait prendre. Ce sont ces différents plaisirs de notre âme qui forment les objets du goût, comme le beau, le bon, l’agréable, le naïf, le délicat, le tendre, le gracieux, le je ne sais quoi, le noble, le grand, le sublime, les majestueux, etc. Par exemple, lorsque nous trouvons du plaisir à voir une chose avec une utilité pour nous, nous disons qu’elle est bonne ; lorsque nous trouvons du plaisir à la voir, sans que nous y démêlions une utilité présente, nous l’appelons belle [1]. Les sources du beau, du bon, de l’agréable, etc., sont donc dans nous-mêmes ; et en chercher les raisons, c’est chercher les causes des plaisirs de notre âme. Examinons donc notre âme, étudions-la dans ses actions et dans ses passions, cherchons-la dans ses plaisirs ; c’est là où elle se manifeste davantage. La poé- sie, la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique, la danse, les différentes sortes de jeux, enfi n les ouvrages de la nature et de l’art peuvent lui donner du plaisir : voyons pourquoi, comment et quand ils le lui donnent ; rendons raison de nos sentiments : cela pourra contribuer à nous former le goût, qui n’est autre chose que l’avantage de découvrir avec fi nesse et avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes. LES LEXIQ UE S D E L’ I NS E E C 6 Première Partie : Tout en nuances… Notre vocabulaire est riche de mots qui expriment la satisfaction à des degrés divers et selon des modalités très différentes. De quoi rendre fi nalement opti- miste. Notre culture n’est pas si pessimiste que cela, moins « mélancolique » que ne le suggère tel ou tel idéologue embusqué. Mais de quoi rendre égale- ment prudent le lecteur d’un sujet de dissertation. Il y a des nuances à déga- ger qui souvent donnent accès au uploads/Philosophie/ 18-les-mots-du-plaisir-eric-cobast.pdf
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- Publié le Sep 08, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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