[Version post-print] Cahiers de praxématique 54-55, 2010, 59-72 PULM : http://w
[Version post-print] Cahiers de praxématique 54-55, 2010, 59-72 PULM : http://www.pulm.fr/index.php/cahiers-de-praxmatique-n-54-55.html Corpus de référence et corpus d’usages : méthodologie de constitution pour une analyse des communications pilote-contrôleur1 Stéphanie Lopez CLLE-ERSS UMR 5263 (université Toulouse 2 – CNRS) et ENAC Résumé : Afin d’avoir une meilleure idée des formes langagières spécialisées employées lors des communications radiotéléphoniques en anglais, une étude basée sur une analyse contrastive entre un corpus de référence et un corpus de communications pilote-contrôleur réelles a été initiée. La méthodologie de constitution et de traitement de ces corpus joue un rôle primordial dans l’exploitation optimale des données recueillies. Mots clés : corpus, langage spécialisé, norme et usages, analyse contrastive, contrôle aérien. Abstract: In order to have a better idea of the different specialized languages used in radiotelephony, a comparative study between a reference corpus and one made up of real communications has been initiated. The methodology used to compile these corpora plays a key role in the optimal future data analysis. Key words: corpora, language for specific purposes (LSP), norm and use, contrastive analysis, air traffic control. Introduction Le domaine du contrôle aérien offre l’exemple parfait de l’instauration et de la mise en pratique d’une norme langagière : la phraséologie aéronautique, un langage contrôlé créé pour couvrir les situations les plus courantes de la navigation aérienne afin de sécuriser et d’optimiser les communications radiotéléphoniques entre pilotes et contrôleurs. Lorsque ces derniers ne partagent pas la même langue maternelle, lors de situations de contrôle de vols internationaux par exemple, la phraséologie alors employée est basée sur la langue anglaise. Afin de garantir une communication radiotéléphonique concise, efficace et non-ambiguë, elle est soumise à des règles syntaxiques, lexicales, sémantiques et phonétiques strictes et ne laisse en principe aucune place à la créativité. Les situations de contrôle moins fréquentes et non couvertes par la phraséologie nécessitent, quant à elles, un recours à une forme langagière plus naturelle : le plain language. Ces différentes formes langagières que sont la phraséologie et le plain language, ainsi que les variations qui en découlent, sont au cœur de notre projet de recherche en doctorat. Celui-ci a pour origine les besoins de l'École Nationale de l'Aviation Civile (ENAC) en matière d'enseignement de l'anglais. Notre objectif consiste à dresser un panorama des usages faits de la langue anglaise par les contrôleurs français et les pilotes étrangers lors de leurs communications radiotéléphoniques. Pour cela, nous avons décidé de baser notre étude sur une analyse contrastive entre un corpus de référence, représentant la norme, et un corpus de communications pilote-contrôleur réelles, représentant les usages. Nous pensons en effet que les corpus sont essentiels à l’identification des éléments centraux et typiques d’une langue ou d’un langage (Sinclair, 1991) : ils ont pour objectif de « rendre compte de tous les aspects de la langue, à partir d’une collection qui en forme un échantillon raisonné » (Blanche- Benveniste, 2000). La méthodologie de constitution et de traitement d’un corpus joue donc un rôle primordial dans l’exploitation optimale des données recueillies. Cet article vise à présenter la méthodologie mise en œuvre pour la constitution et le traitement de nos corpus afin de permettre, par la suite, une comparaison raisonnable et proportionnée de nos données. Nous introduirons dans un premier temps les notions de phraséologie et de plain language, ainsi que leurs caractéristiques. Nous présenterons ensuite les méthodologies de constitution des corpus de référence et d’usages réels, avant de donner un bref aperçu du nettoyage appliqué aux corpus afin de favoriser une comparaison équilibrée du lexique de ces derniers. 1 Cette étude est financée par l’École Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) dans le cadre d’un projet de recherche en doctorat. [Version post-print] Cahiers de praxématique 54-55, 2010, 59-72 PULM : http://www.pulm.fr/index.php/cahiers-de-praxmatique-n-54-55.html Phraséologie et plain language Lors de situations de contrôle du trafic international, les communications entre pilotes d'aéronefs et contrôleurs de la navigation aérienne (ou communications sol-bord) s'effectuent principalement grâce à un langage spécialisé appelé phraséologie aéronautique. Il s'agit d'un langage contrôlé créé et modelé par l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI)2 d'après la langue anglaise. Il est composé de messages comprenant une structure syntaxique très particulière, un lexique et une prononciation spécifiques au domaine du contrôle aérien. L'objectif de ce langage est de sécuriser de façon optimale les échanges radiotéléphoniques correspondant aux situations les plus fréquentes de la navigation aérienne en simplifiant, clarifiant et désambigüisant leur contenu. Les principales caractéristiques de la phraséologie sont les suivantes (DGAC, 2007 ; Mell, 1992 ; Philps, 1989, 1991 ; Rubenbauer, 2009) : − l'omniprésence de la tournure impérative dans les messages émis par les contrôleurs ; − la rareté des tournures interrogatives et négatives ; − la quasi-absence des auxiliaires modaux ; − l'effacement systématique des déterminants (article défini ou pronom possessif) ; − l'effacement du pronom personnel sujet ; − l'effacement des prépositions ; − l'effacement des auxiliaires be et have dans les formes be + -en, be + -ing et have + -en ; − la nominalisation des concepts ; − l'emploi d'un lexique hautement spécialisé, univoque et fini (inférieur à 1000 mots) ; − l'emploi d'un alphabet propre à la radiotéléphonie (alpha, bravo, charlie, delta, echo, etc.) ; − une épellation et une prononciation particulières des chiffres. Certaines de ces caractéristiques sont illustrées dans les exemples, issus de notre corpus de référence, présentés ci-dessous : (1) P3: Merignac Delivery, Citron Air 3 2 4 5, stand delta 8, requesting start-up, destination Lyon, information Lima. C: Citron Air 3 2 4 5, start-up approved, CTOT 1 2 5 0, Sauveterre 3 alpha departure, level 1 1 0, squawk 2 3 2 0. (2) C: golf charlie delta, unable to approve due traffic congestion, make full stop runway 09, cleared to land. Ces caractéristiques syntaxiques, lexicales, sémantiques et phonétiques font de la phraséologie l'outil essentiel à la transmission des connaissances spécialisées nécessaires à une gestion sécurisée et optimale du trafic aérien. Cependant, la phraséologie est un outil limité : elle a été pensée pour couvrir un certain nombre de situations de contrôle. Par conséquent, lors de situations non couvertes par celle- ci, les pilotes et les contrôleurs doivent avoir recours à une forme langagière plus naturelle, le plain language, définit par l’OACI (2010) comme « the spontaneous, creative and non-coded use of a given natural language ». Cette forme langagière, dont le recours lors de situations inhabituelles ou d'urgences est aisément admis, est tout de même propice à bon nombre de situations du quotidien (OACI). Ses principales caractéristiques sont les suivantes (OACI) : − il doit être employé dans les situations pour lesquelles la phraséologie n'est pas disponible, sans pour autant remplacer celle-ci complètement ; − il comprend un lexique plus vaste que celui de la phraséologie pouvant être en rapport avec des domaines et des thèmes extérieurs à celui de l'aviation ; − il doit être délivré, comme la phraséologie, de façon claire, précise et non-ambiguë afin de clarifier et d’élaborer des instructions ou lorsque le besoin de négocier des instructions se fait sentir ; 2 L’OACI (ou ICAO : International Civil Aviation Organization) est l’organisation dépendante des Nations Unies chargée de l’élaboration des normes à l’origine de la standardisation du transport aérien civil international. 3 Les énoncés de communications sol-bord commençant par « P: » sont émis par un pilote et ceux commençant par « C: » par un contrôleur. [Version post-print] Cahiers de praxématique 54-55, 2010, 59-72 PULM : http://www.pulm.fr/index.php/cahiers-de-praxmatique-n-54-55.html − il doit atteindre les mêmes objectifs que la phraséologie ; − et ne doit donc, en aucun cas, être interprété comme un permis de bavarder sur la fréquence. La définition et les caractéristiques du plain language, présentées ci-dessus, nous laissent penser que cette forme langagière s’apparente davantage au langage naturel qu’à un langage contrôlé. L’OACI (2010 : 6.2.8.4) le présente d’ailleurs comme un langage non-phraséologique : « In simple terms, plain language can be thought of as the non-phraseology language that is used by participants in radiotelephony communications when standardized phraseology is not appropriate ». Pourtant, le plain language semble être influencé par la phraséologie pour répondre aux besoins de concision, de clarté et de non-ambiguïté qui régissent les communications sol-bord (OACI, 2010 : 3.3.14) : Plain language in aeronautical radiotelephony communications means the spontaneous, creative and non-coded use of a given natural language, although constrained by the functions and topics (aviation and non-aviation) that are required by aeronautical radiotelephony communications, as well as by specific safety-critical requirements for intelligibility, directness, appropriacy, non-ambiguity and concision. Nous sommes donc à même de nous demander si le plain language correspond au langage naturel employé dans un domaine restreint, celui du contrôle de la navigation aérienne – il s’agirait dans ce cas d’une langue de spécialité (Lerat, 1995) – ou s’il doit être considéré comme un langage contrôlé qui présenterait une structure plus naturelle que la phraséologie prescrite. Pour l’instant, il nous semble préférable de qualifier le plain language de forme langagière « plus ou moins » naturelle, ayant certaines des restrictions de la phraséologie et pouvant présenter certaines de ses caractéristiques. Afin d’avoir une uploads/Management/ methodologie-des-communications-pilote-controleur.pdf
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- Publié le Sep 02, 2021
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