LA GESTION DES TALENTS : ÉMERGENCE D'UN NOUVEAU MODÈLE DE MANAGEMENT ? Pierre M
LA GESTION DES TALENTS : ÉMERGENCE D'UN NOUVEAU MODÈLE DE MANAGEMENT ? Pierre Mirallès Management Prospective Ed. | « Management & Avenir » 2007/1 n° 11 | pages 29 à 42 ISSN 1768-5958 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2007-1-page-29.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Management Prospective Ed.. © Management Prospective Ed.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Le talent est défini comme « excellence + différence » et vu comme une idiosyncrasie. Manager les talents implique de mettre en œuvre un ensemble cohérent de pratiques de gestion typiques, telles que le scou- ting (détection/sélection), le casting (composition d’équipe), le coaching (accompagnement/conditionnement) et le cocooning (protection/réten- tion). L’émergence dans les organisations du management des talents exprime l’immersion d’une partie de leurs activités dans le monde de l’hypercompétition. Abstract The purpose of the paper is to propose a concept for talent useable in management sciences. Talent is seen as a personal, idiosyncratic resource, and represented as “excellence + difference”. Managing tal- ents involves various corporate skills, such as scouting (detecting/selecting), casting (combining talents into a successful team), coaching (conditioning) or cocooning (protecting/retaining). The emergence of talent management among organizations shows the irruption of hypercompetition in their field of activities. 1. Un essoufflement du modèle de la compétence ? Dominant depuis les années 1980, le modèle de la compétence (Zarifian, 1999) semble marquer quelques signes d’essoufflement, voire de bureaucratisation. Malgré son attrait intellectuel et la pression des milieux patronaux (parfois dési- reux de « casser » certaines conventions collectives jugées trop rigides), les modèles et les instruments de la gestion des compétences se sont souvent dans la pratique révélés assez décevants (Dietrich et alii, 1999). Plusieurs causes à cela.T out d’abord la complexité des dispositifs mis en œuvre, souvent basés sur des hypothèses cogni- tives sophistiquées (Le Boterf,1994),les a rendus très lourds à concevoir et à main- Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Catholique de Louvain - - 130.104.1.130 - 23/04/2020 10:34 - © Management Prospective Ed. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Catholique de Louvain - - 130.104.1.130 - 23/04/2020 10:34 - © Management Prospective Ed. tenir, difficiles à faire comprendre et partant à faire accepter. D’autant plus diffi- ciles à accepter que, à la différence des bonnes vieilles grilles de classification, le lien entre compétence et rémunération apparaît loin d’être clair (Oiry, 2003). En effet l’individualisation des salaires, en cours de généralisation, s’établit en grande partie sur la base des performances réalisées, qu’elles soient individuelles ou col- lectives, bien plus que sur celle des compétences acquises (deux personnes occu- pant le même poste étant supposées mobiliser le même stock de compétences). Paradoxalement, le modèle de la compétence, qui prétendait mieux « coller » aux situations de travail réelles, et donc permettre une meilleure adéquation entre emploi et rémunération que le modèle des qualifications, vient mettre à l’ordre du jour la notion (ô combien plus floue) de potentiel, qui tend à devenir un moyen privilégié de différencier deux individus dotés en principe des mêmes compé- tences, mais dont les performances effectives, et surtout attendues, divergent (Bournois et Roussillon, 1998). Le potentiel d’un individu est avant tout conçu comme un ensemble de ressources latentes, incluant des compétences non actua- lisées dans l’emploi, mais aussi l’aptitude à en acquérir de nouvelles, et donc fina- lement le potentiel s’assimile plus ou moins à une sorte de capacité générale d’ap- prentissage. Simultanément, les développements de la gestion par projet, elle- même vue comme un moyen de transformer l’organisation, et qui met l’accent davantage sur la capacité à trouver ou faire émerger des compétences adaptées aux problèmes rencontrés que sur l’utilisation d’un stock pré-établi de savoir-faire rela- tivement stables, ont contribué non seulement à rendre rapidement obsolètes nombre de « référentiels métiers » laborieusement élaborés, mais aussi à déstabili- ser de nombreux salariés désormais sommés d’inventer leurs propres modes opé- ratoires, renforçant encore les processus de domination au sein des organisations. Enfin, les turbulences de la situation économique (bouleversements technolo- giques, fusions/acquisitions, succession de changements rapides des règles du jeu dans de nombreux marchés…) ont pratiquement rendu impossible l’établissement de prévisions fiables, pourtant nécessaires à la plupart des modèles de GPEC. Elles soumettent en permanence les organisations à l’obligation de s’adapter à des cir- constances inattendues, rendant le plus souvent illusoires les espoirs de maintien de l’employabilité des salariés, qui constituaient la contrepartie « sociale » de la révi- sion des anciennes grilles de qualification au profit des référentiels de compé- tences. 2. Emergence du management des talents Avec les années 2000, plusieurs phénomènes nouveaux connaissent une importan- ce accrue : il s’agit en particulier des risques de pénurie de main d’œuvre, du développement de l’hypercompétition, et du poids croissant de l’innovation dans le coût des produits mis sur le marché mondial. Le retrait de la vie active de cohortes nombreuses de baby-boomers risque d’entraîner un sévère déficit de main 30 n°11 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Catholique de Louvain - - 130.104.1.130 - 23/04/2020 10:34 - © Management Prospective Ed. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Catholique de Louvain - - 130.104.1.130 - 23/04/2020 10:34 - © Management Prospective Ed. d’œuvre qualifiée. Simultanément, la mondialisation se concrétise par un phéno- mène d’hypercompétition entre firmes, tel qu’il a été théorisé par R. D’Aveni (1995) il y a quelques années. L’hypercompétition, c’est avant tout un contexte au sein duquel aucun acteur ne peut prétendre à bénéficier d’un avantage concurren- tiel unique et durable (comme par exemple le coût de production ou les barrières à l’entrée), mais dans lequel les différents compétiteurs recherchent des combinai- sons éphémères d’avantages concurrentiels variés tels que le délai de mise en mar- ché, la qualité, la capacité financière, la technologie, etc. Par ailleurs, nos économies se « déforment » dans le sens du renversement de la proportion traditionnelle entre coûts de conception et coûts de production des biens et des services. Selon D. Pineau-Valencienne, de 30% des coûts totaux, les coûts de conception – R&D, design, marketing, etc. – seraient passés à 70% du coût de revient des produits mis sur le marché actuellement, les coûts de manufacturing suivant l’évolution inverse. Cette déformation, rendue possible ou encouragée par la diffusion des technolo- gies de l’information, s’accompagne d’une augmentation considérable de l’incer- titude et des risques auxquels sont confrontés les entreprises. En effet, des firmes présentes depuis très longtemps sur un marché sont désormais appelées à remettre en jeu leur position pratiquement à chaque sortie d’un nouveau produit, ou au moins d’une nouvelle génération de produits. Raréfaction de la ressource humai- ne, mondialisation et hypercompétition, déformation de nos économies par le transfert massif de la valeur vers les processus amont, ces phénomènes créent des conditions qui tendent à renforcer considérablement les exigences de performan- ce et d’implication des salariés. Dans un tel environnement incertain, il faut faire confiance avant toute chose aux hommes et à leurs ressources personnelles. De ce fait, le rapport des forces évolue de plus en plus en faveur des individualités capables de « faire la différence » dans la compétition. En effet, il semble bien que, dans de nombreux secteurs de l’économie, la perfor- mance des organisations repose de plus en plus sur l’excellence individuelle d’un petit nombre de personnes-clés, personnes que désigne le qualificatif de « talents ». Ces individus ne se sont pas nécessairement des dirigeants ou des leaders. Simplement, ils disposent d’atouts personnels exceptionnels et contrôlent des pro- cessus déterminants pour l’organisation. C’est par exemple le cas du présentateur du « 20 heures » sur une grande chaîne de télévision, du styliste chez le grand cou- turier, du grand joueur dans l’équipe professionnelle de football, mais aussi de nombre de chercheurs, concepteurs, marketeurs, développeurs, etc. Et pourtant, la réflexion théorique sur le concept de talent, sur le rôle du talent dans la perfor- mance, ou encore ses conséquences au niveau du management des organisations, paraît à ce jour singulièrement pauvre. En fait, le terme même de talent est prati- quement absent uploads/Management/ la-gestion-des-talents-emergence-d-x27-un-nouveau-modele-de-management-pierre-miralles.pdf
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- Publié le Aoû 07, 2022
- Catégorie Management
- Langue French
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