60  SCIENCES ET AVENIR - JUILLET 2011 SANTÉ Perdre cinq ou quinze kilos… et en

60  SCIENCES ET AVENIR - JUILLET 2011 SANTÉ Perdre cinq ou quinze kilos… et en reprendre cinq, dix ou vingt… Rien de plus facile ! Tous les adeptes des régimes connais- sent ce phénomène, défini comme la reprise des kilos per- dus dans les mois ou années qui suivent la phase de restriction alimentaire, parfois même avec quelques kilos supplémentaires en bonus. « Halte aux régimes yo-yo », pouvait-on d’ailleurs lire sur les affiches de la Deu- xième Journée européenne de l’obésité, le 21 mai. Pourtant, la vérité est que la diminution plus ou moins drastique de ses ap- ports alimentaires ne prévaut la plupart du temps que pour le court terme. La preuve ? Un chiffre : trois à cinq ans après un régime, 80 % des personnes reprennent leur poids d’ori- gine (1). Un constat sur lequel ironise le Dr Jean-Philippe Zer- mati, spécialiste des troubles du comportement alimentaire à Paris et cofondateur du Gros (2) (Groupe de réflexion sur l’obé- sité et le surpoids). « Vous vou- lez grossir ou développer un trouble du comportement ali- mentaire dans dix ans ? C’est simple, faites un régime… », propose-t-il, ironique. Ironique mais réaliste. Car depuis plus de dix ans, les preuves de la noci- vité mais aussi de l’inefficacité des régimes s’accumulent. En novembre 2010, c’était au tour de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimenta- tion, de l’environnement et du travail) de les dénoncer. Les raisons de cette reprise qua- si inéluctable des kilos perdus reposent sur de complexes mé- canismes, pas encore tous élucidés, mais aussi sur un ma- lentendu. Les adeptes des ré- gimes n’ont en effet de regard que pour un poids « idéalisé ». Et forcément ils en oublient l’autre, le poids d’équilibre, dit set point, celui pour lequel nous sommes programmés et qui « correspond au poids d’un in- dividu qui mangerait stricte- ment à sa faim », explique le Dr Zermati. Mais ces deux poids ne sont pas faits pour se ren- contrer. Et seuls certains gar- dent stable leur set point tout au long de leur vie. Or, on ne fait pas ce que l’on veut avec son poids. « Car il faut tenir compte d’un complexe système de ré- gulation individuel qui nous maintient à un point d’équi- libre, appelé pondérostat, poids de référence qui résiste à l’amaigrissement comme à la prise de poids », détaille le Pr Irène Margaritis, coordina- trice de la rédaction du rapport de l’Anses. Ce pondérostat fait intervenir de nombreux fac- teurs tels que notre métabo- lisme de base, nos gènes, des hormones, le stress et bien sûr des facteurs psychologiques. « Il faudrait pouvoir abaisser son set point avec un coupe- faim “idéal” que l’on prendrait toute sa vie sans aucuns effets secondaires », imagine le Dr Zermati En attendant la très hy- pothétique mise au point d’une telle molécule, on peut aussi ou- blier les régimes et comprendre le pourquoi du yo-yo. Décryp- tage en cinq points.  Le métabolisme de base, entre graisse et muscle Pour faire baisser le poids et la masse grasse, la plupart des schémas de restriction calo- rique proposent une balance énergétique dite négative. C’est- à-dire un programme qui le plus souvent associe une diminution des apports caloriques, le ré- gime, à une augmentation des dépenses, soit une activité phy- sique en hausse. Malheureuse- ment, ce duo ne suffit pas car la situation est plus complexe. En effet, le corps n’est pas fait que de masse graisseuse et d’adipocytes, les cellules grais- seuses, mais aussi de muscle. « Or, quand on cherche à perdre de la graisse, on puise d’abord et de manière incontournable dans les réserves et on perd du muscle », détaille le Pr Mar- garitis. Tout se passe comme si le corps se mettait en mode « économie ». Une adaptation intelligente à la contrainte ali- mentaire en quelque sorte. « L’étape suivante est la perte de poids effective et là le piège est qu’évidemment, on ne sait pas que la composition corpo- relle a changé. Avec la perte de muscle, le métabolisme de re- pos diminue aussi », poursuit la spécialiste. Et donc, re- prendre une alimentation nor- male après une phase de restric- tion, et même après ce que les vendeurs de régimes X, Y ou Z présentent comme la période de « stabilisation », c’est forcément encore trop et mène, à plus ou moins longue échéance, au stoc- kage. « Car quand on se réali- mente, on regagne toujours plus de graisse que de muscle », rapporte le Dr Zermati. Pour- quoi ? La réponse n’est pas en- core claire mais probablement parce que la thermogenèse, la production de chaleur, détermi- née par le muscle, se retrouve aussi diminuée. D’où un retour à la case départ. Enfin, du côté des adipocytes, il faut aussi sa- voir que la croissance du tissu adipeux s’effectue soit en aug- mentant la taille de ses adipo- cytes (hypertrophie), soit leur nombre (hyperplasie), soit les deux. « Or, le premier phéno- mène est réversible, pas le se- cond, ce qui signifie que le yo-yo 80 % des personnes qui font un régime reprennent inexorablement leurs kilos perdus au bout de quelques années. Quels sont les mécanismes de ce fameux « effet rebond » ? Explications en cinq points. Régimes : pour en finir avec le JUILLET 2011 - SCIENCES ET AVENIR  61 corps ne peut plus maigrir, pré- cise le Dr Zermati. Et donc pro- mettre une perte de poids à tous relève du mensonge. »  Le facteur génétique Les gènes sont partout et leur rôle est évidemment essentiel. Un travail récent (3) a montré que dans un groupe de per- sonnes toutes candidates à la perte de poids, il suffisait de la présence d’un seul gène pour que les choses soient très diffé- rentes : en effet, les personnes présentant une mutation d’un gène, celui codant pour le PPARg, un récepteur présent sur les adipocytes, perdaient dans un premier temps autant de poids que les autres. Mais, une fois le régime terminé, elles étaient aussi celles qui en rega- gnaient plus. Et on ne sait pas encore si le fait de présenter cette mutation correspond à une diminution de la capacité à utiliser les réserves de graisse ou bien à une augmentation des capacités de stockage. En tout cas, le problème est d’autant plus complexe que bien d’autres gènes sont sur les rangs. En début d’année, un col- lectif coordonné par l’université de Maastricht (Pays-Bas) a pu- blié dans la revue PlosOne (4) un travail original démontrant qu’après un régime, le maintien ou pas du poids dépendait en partie de la présence d’un autre gène, dit ECA, et impliqué, lui, dans la régulation de la pression artérielle. Les scientifiques se sont intéressés à un groupe d’une centaine de femmes, âgées de 29 à 49 ans, en surpoids ou obèses et candidates à un ré- gime. Pour identifier d’éven- tuels marqueurs sanguins de la reprise de poids, ils ont soumis ces femmes à des prises de sang et d’urine, analysant, avant et après régime, une trentaine de protéines et d’hormones. Résul- tat : chez certaines d’entre elles, l’abaissement pendant la pé- riode de restriction calorique du taux d’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), connue pour son rôle de régulateur de la pression artérielle, pouvait pré- dire une reprise du poids une fois leur régime terminé. Pour Edwin Mariman, professeur de génétique fonctionnelle à l’uni- versité de Maastricht (Pays- Bas), qui a coordonné ces tra- vaux, le mystère reste entier et aucune explication ne peut en- core être proposée, si ce n’est un possible lien avec le sodium et la rétention d’eau. Et l’équipe prévoit de travailler à la mise au point d’un test sanguin qui iden- tifierait ceux qui vont échouer sur le long terme, histoire de leur proposer un suivi personna- lisé mieux adapté avec des ob- jectifs réalistes.  L ’influence du stress et du sommeil C’est classique, tout le monde l’a observé : en période de stress, de tension, le grignotage est roi, les quantités alimentaires ingé- rées augmentées. Mais plus sub- tilement, une équipe a démontré que le stress était carrément induit par le simple fait… de ré- péter des régimes. Une démons- tration magistrale réalisée fin 2010 par l’équipe du Pr Tracy Bale (5), de l’université de Penn- sylvanie (Etats-Unis). Son équipe s’est intéressée au com- portement alimentaire de souris soumises à un régime hypocalo- rique de trois semaines au bout desquelles les animaux  Maigrir... puis regrossir, souvent au-delà du poids initial. Ce phénomène, très complexe, fait intervenir des mécanismes physiques et psychologiques. BERNARD MARTINEZ POUR SCIENCES ET AVENIR 62  SCIENCES ET AVENIR - JUILLET 2011 SANTÉ avaient perdu 10 à 15 % de leur poids, un objectif tout à fait similaire à celui que les jour- naux féminins proposent avant l’été, le fameux « moins cinq ki- los avant la plage ». Dans un pre- mier temps et au fur et à mesure que uploads/Management/ en-finir-avec-l-x27-effet-yoyo-des-re-gimes.pdf

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  • Publié le Nov 07, 2022
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