37 • Formation et profession 22(3), 2014 Introduction Les compétences sociales

37 • Formation et profession 22(3), 2014 Introduction Les compétences sociales trouvent une place nouvelle dans les curriculums européens des années 2000. Ces dernières se logent parmi les huit compétences clés à faire acquérir pour « une société européenne de la connaissance ». À ce titre, citons le ministre français de l’Éducation nationale, Peillon (2013), qui déclare dans son ouvrage intitulé « Refondons l’école », que « développer l’estime de soi, la confiance, l’initiative, la coopération, ce n’est pas seulement une condition de l’épanouissement personnel, c’est aussi indispensable à l’acquisition de connaissances et à la réussite scolaire comme professionnelle ». L’intérêt accordé à ce type de compétence ne fait plus aucun doute. Dutrénit (1997) nous rappelle que lorsqu’une personne possède ces compétences sociales, (...) « elle est capable de suivre une formation, de s’intégrer dans la vie citoyenne et de progresser dans une profession ». Desbiens, Royer, Bertrand et Fortin (2000) ajoutent qu’elle est une variable de poids dans l’intégration scolaire et sociale. Scheier, Botvin, Griffin, et Diaz (2000) affirment que lorsque le niveau de compétence sociale est faible, il devient un facteur de risque quant au développement de conduites déviantes. Face à cet intérêt pour cette formation aux « savoirs sociaux », se voient questionnés les outils pédagogiques et les conceptualisations didactiques proposés aux enseignants permettant de concourir à ce type d’apprentissage. Notre volonté, dans cet article, sera de proposer un exemple de formation sociale qui s’ancrera sur un cycle d’éducation physique et sportive (EPS). Cette formation aura pour perspective (non détaillée ici) de se poursuivre dans une autre matière : les sciences physiques. Nicolas Epinoux Université Bordeaux, France Lucile Lafont Université Bordeaux, France ésumé Le développement des compétences sociales des adolescents en milieu scolaire est une préoccupation récente sur la scène éducative européenne. Ces dernières doivent devenir un objet d’enseignement, avec leurs contenus d’enseignement adaptés. C’est dans cette perspective que nous proposerons de mesurer les effets d’un protocole de formation d’une compétence sociale scolaire en éducation physique et sportive (EPS) et en sciences physiques. Cette démarche s’appuiera sur les nombreux travaux traitant de l’apprentissage coopératif et montrant ses avantages, notamment pour ce type d’acquisition. Mots-clés compétences sociales, apprentissage coopératif, formation Abstract The development of the social competencies of the teenagers in schools is a concern recently clarified on the European educational scene. The latter have to become an object of full teaching, with their adapted contents of teaching. It is in this perspective that we shall suggest measuring the effects of a protocol of training and request of a school social competence in Physical Education (PE) and in physical sciences. This approach will lean on the numerous works dealing with the cooperative learning (AC). These studies demonstrate the advantages of this educational device, in particular for this type of acquisition. Keywords social competencies, cooperative learning, training R Développer les compétences sociales par l’apprentissage coopératif au collège : apprendre à collaborer pour réaliser un projet collectif en EPS et en sciences physiques Developing social skills through cooperative learning at college: Learning how to collaborate by conducting collective EPS and physical science projects doi:10.18162/fp.2014.197 Développer les compétences sociales par l’apprentissage coopératif au collège : apprendre à collaborer pour réaliser un projet collectif en EPS et en sciences physiques Formation et profession 22(3), 2014 • 38 À notre connaissance, aucune formation de type scolaire n’existe permettant aux enseignants de s’emparer de cet objectif pour tous les élèves du secondaire. Des plans de formation existent, notamment, en Amérique du Nord, mais ils se centrent sur les élèves ayant des difficultés de comportement (Gresham, 1998; Massé, 1999; Walker, Colvin et Ramsey, 1995). Gendron, Royer, Bertrand et Potvin (2005) ajoutent que ces programmes ont des résultats mitigés dans la mesure où ils visent davantage le volet de mise à niveau des connaissances plutôt que celui de la mise en pratique. Notre ambition est de proposer un cadre d’analyse et de travail efficace cherchant à développer les compétences sociales pour tous les élèves en EPS mais aussi dans d’autres disciplines où les interactions sociales peuvent permettre d’optimiser les apprentissages. Notre cadre d’analyse sera le cadre des apprentissages réalisés en interaction (socioconstructivisme) positionné dans le cadre plus large de l’approche pluridimensionnelle des acquisitions (Beaudichon, Verba et Winnykamen, 1988). Notre contribution s’attachera à mettre en lumière une partie des résultats d’une étude réalisée en EPS et en sciences physiques cherchant à développer la collaboration entre les élèves pour mener à bien un projet collectif. L’impact de la mise en place concrète d’une formation spécifique au « travailler ensemble » sera ainsi examiné. Clarification de la notion de compétence sociale Un domaine d’apprentissage singulier Le Parlement européen (2006) précise la notion de compétence sociale : La compétence sociale renvoie aux compétences personnelles, interpersonnelles et interculturelles ainsi qu’à toutes les formes de comportement d’un individu pour participer de manière efficace et constructive à la vie sociale et professionnelle. Elle correspond au bien-être personnel et collectif. Cette vision globale impose une réflexion didactique mais aussi pédagogique. Le fait de ranger les compétences sociales ou la compétence sociale dans la catégorie des éléments à transmettre ne suffit pas à la décréter « enseignable » et encore moins « enseignée ». Léziart (1996) nous rappelle que l’école ne transmet pas de manière directe les savoirs ou les pratiques requis par la société, s’il en était ainsi, son existence ne se justifierait pas. En effet, les compétences sociales s’imposent comme des outils contemporains de réussite personnelle et professionnelle. Mais celles-ci ne sont, pour l’heure, que peu sollicitées dans l’école. Ce « savoir » porte en lui une double singularité qui fait à la fois sa force mais aussi, pour l’heure, sa principale faiblesse. D’une part, il n’est pas un savoir « traditionnel ». Il n’est pas issu d’une transposition didactique classique, entendue comme la transformation d’un savoir savant en un savoir à enseigner (Chevallard, 1986). Les compétences sociales ne peuvent exister pour elles-mêmes dans une école cloisonnée en disciplines indépendantes basée sur des savoirs cartésiens ou sur des pratiques sociales structurées (les activités physiques et sportives [APSA], la musique, les arts). Les compétences sociales ne rentrent pas dans ces catégories. Elles ne sont ni une discipline scolaire ni un savoir savant. Elles héritent d’un statut complexe, à l’écart du concept central dans l’enseignement français, de programme disciplinaire. Mis à part les programmes d’EPS de collège et de lycée (Ministère de l’Éducation nationale, 2008; Ministère de l’Éducation nationale, 2010) qui font référence de façon explicite aux compétences 39 • Formation et profession 22(3), 2014 sociales, les autres disciplines occultent massivement cette partie de l’enseignement. Paradoxalement, elles sont omniprésentes dans les pratiques pédagogiques. Si certains climats de classe peuvent en limiter l’impact tangible, il n’empêche qu’elles sont à chaque instant sollicitées. Si l’on s’intéresse à la nature des compétences sociales, on peut affirmer que leur caractéristique principale est qu’elles n’existent que dans l’inter-action. Elles « portent » d’autres compétences dites « scolaires » dès qu’on sollicite une mise en œuvre inter-active de travaux. Ceci étant, on peut affirmer que toute action à l’école est destinée à être jugée. Ces actions sont donc par nature sociales. De fait, les compétences sociales ont une identité singulière qui peut générer des difficultés quant à leur existence pédagogique concrète aux côtés des autres savoirs « cartésiens ». Se pose alors la question de savoir si ces compétences s’apprennent. Notre contribution cherchera à montrer que oui. Collaborer ne va pas de soi. À un âge où l’identité se construit dans la comparaison systématique à autrui (Durand, 1987), le respect, l’écoute, l’entraide, l’autonomie collective ne se décrètent pas. La confrontation aux résultats, aux identités de ses alter ego est une source pour certains de motivation, pour d’autres de conflits plus ou moins extériorisés, à la source, bien souvent, de violences, mais aussi de stress, ou encore d’appréhension. Nous pensons que les progrès sur ces thématiques ne peuvent s’obtenir que dans la formalisation et la mise en œuvre effective des éléments constituants les contenus d’enseignement de ces domaines de compétences. Ces compétences sont des outils fondamentaux au service de la réussite de l’élève. Cette assertion est d’autant plus incontournable dans une approche pédagogique par compétence (APC) qui oriente les activités des élèves sur des actions de plus en plus ouvertes sur les autres. Comment réaliser une présentation, travailler avec d’autres, prendre la parole dans un groupe ou devant la classe sans formation autour des compétences sociales? Dialoguer, s’écouter, s’opposer de façon argumentée et émotionnellement maitrisée ne s’apprennent-ils pas? Positionner les compétences sociales comme élément des curriculums scolaires induit une réponse positive. Il faut donc chercher à identifier les éléments que nous voulons faire acquérir et ensuite réfléchir sur les moyens d’y parvenir. Une identité scolaire à construire Pour Cloutier (1996) et Scheier et al. (2000) cité dans Gendron et al. (2005), la compétence sociale est un ensemble d’habiletés que les adolescents possèdent à différents niveaux : l’estime de soi, le sentiment d’efficacité personnelle, la cognition sociale et la résolution de problèmes interpersonnels... Vouloir former aux compétences sociales implique, dans un premier temps, uploads/Management/ developper-les-competences-sociales.pdf

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  • Publié le Jan 25, 2021
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