Les cahiers THÉODILE no 8 (décembre 2007), p. 1–16 Analyser le « dire sur le fa
Les cahiers THÉODILE no 8 (décembre 2007), p. 1–16 Analyser le « dire sur le faire » en lecture des élèves de maternelle Maria KREZA Université Charles de Gaulle–Lille 3 Équipe THÉODILE (E.A. 1764) Ce que nous allons présenter ici s’inscrit dans une recherche en cours que nous menons depuis 2003, dans le cadre d’une thèse de doctorat1. Notre objet d’étude principal est le lien entre le « faire » et le « dire sur son faire » dans des tâches de lecture chez des enfants de dernière année de l’école maternelle. Nous avons étudié ce lien dans deux contextes pédagogico-didactiques différents, celui de la France et celui de la Grèce. Le(s) liens entre « faire » et « dire sur son faire » présentent-ils des différences selon le contexte pédagogico-didactique dans lequel se trouvent les élèves ? Ou au contraire peut-on les décrire selon une configuration plus « générale » et « généralisante » ? Pour la présente contribution, nous allons nous focaliser sur des interrogations d’ordre théorique et méthodologique, suscitées par l’analyse du « dire sur le faire » des élèves de maternelle dans les tâches de lecture que nous leur avons données. Avant de continuer, nous jugeons important de préciser le sens qu’on attribue à deux termes centraux de notre question de recherche. Nous employons le terme « faire » pour désigner tout ce que font les élèves, qui peut être observable ou pas, conscientisé ou pas, dans des situations données et créées ici par le cher- cheur. L’analyse du faire est, selon nous, plus complexe qu’une évaluation des performances du sujet dans une tâche donnée. Cela renvoie aux processus et stratégies mis en place par le sujet, aux réflexions qui les ont accompagnées, et au résultat de ces processus. L’activité de lecture est par définition un acte qui ne laisse pas toujours des traces visibles, ce qui pose un double problème, qui fait en même temps la spécificité de toute étude qui porte sur la lecture des sujets. Le chercheur-observateur du « faire » de l’enfant en lecture ne voit qu’une partie du « faire » réellement effectué (pour comprendre cela, il suffit de penser à la « lecture silencieuse »). La seule trace visible est ce que l’enfant dit avoir lu ou les choix qu’il a faits dans des tâches qui « nécessitent une certaine lecture ». L’« invisibilité » de 1 – Il s’agit d’une thèse en co-tutelle entre la France et la Grèce, sous la direction de Dominique-Guy Brassart et de Maria Sfyroera. 2 M. Kreza la procédure de la lecture et le fait que son résultat n’est pas « devant les yeux » ni de l’enfant ni du chercheur (contrairement à ce qui se passe avec l’écriture et les productions scripturales des élèves), posent des difficultés quant à la discussion entre chercheur et sujet-lecteur à propos d’un objet qui est présent mais pas « vi- sible » (au sens strict de ce terme). Alors, l’emploi du terme « faire » nous permet ici d’« envisager ce que font les élèves de manière plus ouverte » (Reuter, 2005, p. 33). En ce qui concerne le terme « dire sur le faire » ou « dire sur son faire » qui nous intéresse ici, il ne renvoie pas seulement à une description ou mise en mots, à une verbalisation de son « faire », ni exclusivement à une explicitation de son « faire » (dans le sens où on rend « explicite » quelque chose qui ne l’est pas avant). Selon Lahire (1998), il est « en tant que pratique, lui aussi dans l’ordre du "faire" » (p. 22). Le « dire sur son faire » peut prendre/avoir des « facettes » diverses, ce que nous allons présenter plus loin dans cet article, en mettant l’accent sur les aspects qui nous concernent le plus pour la présente étude. Dans un premier temps, nous allons nous référer à la méthodologie que nous avons employée pour recueillir nos données, puis nous allons développer nos réflexions autour de la spécificité de notre objet d’étude et autour des indicateurs d’analyse possibles du « dire sur le faire », à travers des exemples concrets issus de nos données. MÉTHODOLOGIE DU RECUEIL DES DONNÉES Afin d’apporter des éléments de réponse à la question de recherche présentée ci-dessus, nous avons analysé, dans des tâches de lecture, le « faire » et le « dire sur le faire » (et plus précisément « dire sur son faire ») d’élèves qui sont en dernière année de l’école maternelle en France et en Grèce2. Notre échantillon comporte au total vingt-quatre élèves, douze pour chaque pays : six filles et six garçons, qui étaient de niveaux différents quant à leurs compétences en lecture (niveau assez bon – moyen – pas bon). Nous leur avons donné quatre tâches de lecture (que nous allons présenter ci-après) trois fois dans la même année scolaire, en faisant l’hypothèse qu’il y aurait une certaine évolution de la relation entre le « faire » et le « dire sur son faire » entre le début et la fin de l’année scolaire, due aussi bien au contexte didactico- pédagogique dans lequel se trouve l’élève, qu’à des facteurs extérieurs à celui-ci, liés à la maturation et au développement cognitif et langagier de l’enfant. Pour pouvoir étudier les éventuelles influences du contexte scolaire et social, nous 2 – L’école maternelle grecque n’est pas organisée en sections. Dans certains cas, on retrouve dans le même établissement des classes d’âges, la « classe des grands » et la « classe des petits ». Dans la « classe des grands », la majorité des enfants ont cinq ans et une minorité a quatre ans (classes plutôt hétérogènes en ce qui concerne l’âge des élèves). Pour faciliter la lisibilité du texte, nous allons utiliser dorénavant le terme « classe des grands » pour désigner aussi bien pour la Grèce que pour la France la classe des enfants les plus âgés de la maternelle, les « grands » étant ceux qui ont entre cinq et six ans. Analyser le « dire sur le faire » en lecture des élèves de maternelle 3 avons construit notre échantillon avec des sujets appartenant à quatre écoles (et donc classes) différentes. Plus précisément, pour la Grèce, les enfants de la première école étaient d’un milieu social relativement « élevé » (GR1), la deuxième école était considérée comme étant dans un milieu « défavorisé » (GR2). En France, la première école dans laquelle nous avons réalisé notre étude était une école de milieu « favorisé » (FR 1), et la deuxième école faisait partie d’une zone ZEP (FR 2). Nous avons effectué des observations des pratiques des enseignants de ces quatre classes la même année où nous avons donné les tâches aux élèves, ainsi que l’année précédente. L’analyse de ces données, mise en lien avec les objectifs des documents officiels de chaque pays, peut nous donner des informations im- portantes par rapport au style d’enseignement de chaque instituteur, à la place et à la forme de la lecture dans les activités proposées aux élèves, à la place et la forme des processus et réflexions « méta » dans la démarche de l’enseignant et dans ce qui est demandé aux élèves, et tout cela en l’inscrivant dans la « tradition » et le contexte pédagogique et institutionnel de chaque pays. Nous avons aussi effectué des entretiens semi directifs auprès de ces enseignants, afin d’étudier leurs conceptions par rapport à la lecture en dernière année de maternelle, par rapport à leurs pratiques d’enseignement de la lecture et la façon dont ils s’approprient ce qui est indiqué par les programmes à ce propos, et afin de mettre leurs discours en relation avec les pratiques observées. Nous allons nous focaliser ici sur les données issues des tâches de lecture pro- posées aux enfants, et plus précisément à l’analyse du « dire sur leur faire ». Mais pour cela, il nous semble important de présenter les tâches précises demandées ainsi que le type de questions posées aux élèves durant ces tâches. TÂCHES DE LECTURE ET TYPES DE QUESTIONS POSÉES Comme nous l’avons évoqué auparavant, à chacune des trois périodes de l’an- née où nous avons observé les enfants, nous leur avons donné les quatre mêmes tâches. La construction de ces tâches n’a pas été réalisée dans le but d’une évalua- tion normative de ce que l’élève doit ou devrait savoir à ce niveau d’enseignement. Nous pouvons dire qu’il s’agit plutôt de ce que l’élève de cet âge est « susceptible » de connaître ; il s’agit des tâches qui entrent – si nous pouvons nous permettre cette expression – dans la zone proximale de développement des sujets de cet âge3, telle qu’elle est définie par les recherches et par les objectifs fixés dans les programmes des deux pays. En même temps, les tâches données ne prétendent pas avoir la valeur d’un test d’évaluation, mais il s’agit plutôt des situations créées afin d’observer le « faire » et le « uploads/Management/ cahiers-theodile-8-pdf.pdf
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- Publié le Fev 13, 2022
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