1 L'écrivain français Albert Camus (1913-1960) fut révélé en 1942 au public mét

1 L'écrivain français Albert Camus (1913-1960) fut révélé en 1942 au public métropolitain par L'Étranger, dans lequel Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir virent une sorte de manifeste de l'existentialisme. Né à Mondovi, petit village du Constantinois, le 7 novembre 1913, c'est à Alger, dans le quartier populaire de Belcourt, qu'Albert Camus passe son enfance et son adolescence, sous le double signe, qu'il n'oubliera jamais, de la pauvreté matérielle et de l'éclat du soleil méditerranéen : « La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire ; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout. » De son père, mort à la guerre en 1914, il ne connaîtra qu'une photographie, et une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d'une exécution capitale ; à sa mère qui parlait peu et difficilement, « qui ne savait même pas lire », le lie « toute sa sensibilité » ; on peut penser qu'une partie de l'œuvre s'est édifiée pour tenter d'équilibrer cette absence et ce silence, ou de leur répondre. À dix-sept ans, l'adolescent studieux et épris des joies du corps est atteint d'une tuberculose dont les rechutes seront nombreuses ; dès sa première manifestation, la maladie lui apprend qu'il est seul, et mortel. À la même période, Camus découvre la philosophie, grâce à l'enseignement et à l'exemple de Jean Grenier, et, bientôt, « l'envie d'être écrivain ». D'abord tenté par une conception idéaliste de l'art et de la vie, il reconnaît rapidement que l'écriture peut être un moyen de dire sa fidélité au monde démuni de son enfance, dont son accès à la culture l'a séparé : « Il me faut témoigner », note-t-il en 1935 dans ses Carnets. Toute son œuvre se voudra témoignage sur la condition humaine, sur et en faveur de l'homme, sans que l'artiste cesse pour autant d'être le témoin exemplaire de son temps. L'apprentissage du réel se fait avec difficulté, comme le prouvent ses tout premiers écrits consacrés au « quartier pauvre » – dont certains ont été publiés de manière posthume – mais aussi avec la « joie profonde » d'écrire. Les récits mi- autobiographiques, mi-symboliques de L'Envers et l'endroit (1937) disent qu'« amour de vivre » et « désespoir de vivre » sont inséparables, que tout notre « royaume est de ce monde », affirment la pleine conscience de la solitude de l'homme, le tragique de son face-à-face avec la nature, et la volonté de « tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort ». Plus lyriques, les essais de Noces (1939) orchestrent ces thèmes qu'ils inscrivent avec bonheur dans les paysages méditerranéens ; ils chantent la « gloire d'aimer sans mesure », la contemplation exaltée du monde, la vérité du soleil, de la mer, de la mort. La présence d'une subjectivité vivante, d'un « je » qui décrit ou médite, évite toute abstraction, et ouvre la voie aux personnages-narrateurs des romans, et au « je » des textes philosophiques. En revanche, La Mort heureuse, roman resté inédit jusqu'en 1971, est un échec, ou une erreur ; en dépit de fragments réussis, dont L'Étranger se souviendra, le roman manque de la nécessité interne que connaîtra toute l'œuvre à venir. Son héros, modèle d'égotisme, figure très nietzschéenne, est bien éloigné de toute préoccupation historique. 2 Critique: « Une pensée profonde est en continuel devenir, épouse l'expérience d'une vie et s'y façonne. De même, la création unique d'un homme se fortifie dans ses visages successifs et multiples que sont les œuvres. » À travers la diversité de leurs formes d'expression : roman, théâtre, essai, journalisme, la pensée et l'œuvre de Camus illustrent parfaitement cette cohérence fondamentale et ce dynamisme fécond. Leur enracinement charnel, tant dans la biographie de leur auteur que dans l'histoire contemporaine, leur refus de tout dogmatisme, de tout « système » qui emprisonne ou mutile l'être humain, dont la misère et la grandeur alimentent leurs doutes et leurs certitudes, la place qu'elles font à la splendeur et à l'indifférence du monde, enfin l'exigence morale, la passion et la lucidité qui les animent, sous le classicisme du langage, sont probablement les traits les plus caractéristiques de cette pensée et de cette œuvre singulières, à la fois limpides et secrètes. Traduit dans le monde entier, Camus continue par la richesse de sa réflexion, le rayonnement et les prestiges de sa création, à être présent dans la sensibilité et la conscience contemporaines. ALBERT CAMUS - Encyclopædia Universalis A. Camus “L’étranger” L'Étranger est le premier roman publié d’Albert Camus, paru en 1942. Il prend place dans la tétralogie que Camus nommera « cycle de l’absurde » qui décrit les fondements de la philosophie camusienne : l’absurde. Cette tétralogie comprend également l’essai intitulé Le Mythe de Sisyphe ainsi que les pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu. Le roman a été traduit en soixante-huit langues, c'est le troisième roman francophone le plus lu dans le monde, après Le Petit Prince de Saint- Exupéry et Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. Une adaptation cinématographique en a été réalisée par Luchino Visconti en 1967. Résumé et analyse. Le roman met en scène un personnage-narrateur nommé Meursault, vivant à Alger en Algérie française. Le roman est découpé en deux parties. Au début de la première partie, Meursault reçoit un télégramme annonçant que sa mère, qu'il a placée à l’hospice de Marengo, vient de mourir. Il se rend en autocar à l’asile de vieillards, situé près d’Alger. Veillant la morte toute la nuit, il assiste le lendemain à la mise en bière et aux funérailles, sans avoir l'attitude attendue d’un fils endeuillé ; le protagoniste ne pleure pas, il ne veut pas simuler un chagrin qu'il ne ressent pas. Le lendemain de l'enterrement, Meursault décide d'aller nager à l'établissement de bains du port, et y rencontre Marie, une dactylo qui avait travaillé dans la même entreprise que lui. Le soir, ils sortent voir un film de Fernandel au cinéma et passent le restant de la nuit ensemble. Le lendemain matin, son voisin, Raymond Sintès, proxénète notoire, lui demande de l'aider à écrire une lettre pour dénigrer sa maîtresse maure envers laquelle il s'est montré 3 brutal ; il craint des représailles du frère de celle-ci. La semaine suivante, Raymond frappe et injurie sa maîtresse dans son appartement. La police intervient et convoque Raymond au commissariat. Celui-ci utilise Meursault comme témoin de moralité. En sortant, il invite Marie et lui à déjeuner le dimanche suivant à un cabanon au bord de la mer, qui appartient à un de ses amis, Masson. Lors de la journée, Marie demande à Meursault s'il veut se marier avec elle. Il répond que ça n'a pas d'importance, mais qu'il accepte volontiers l'idée. Le dimanche midi, après un repas bien arrosé, Meursault, Raymond et Masson se promènent sur la plage et croisent deux Arabes, dont le frère de la maîtresse de Raymond. Meursault, apprenant que Raymond est armé, lui demande de lui confier son revolver pour éviter un drame. Une bagarre éclate, au cours de laquelle Raymond est blessé au visage d'un coup de couteau. Plus tard, Meursault, seul sur la plage, accablé de chaleur et de soleil, rencontre à nouveau l’un des Arabes, qui, à sa vue, sort un couteau. Aveuglé par la sueur, ébloui par le reflet du soleil sur la lame, Meursault tire de sa poche le revolver que Raymond lui a confié et tue l'Arabe d'une seule balle. Puis, sans raison apparente, il tire quatre autres coups sur le corps inerte. Dans la seconde partie du roman, Meursault est arrêté et questionné. Ses propos sincères et naïfs mettent son avocat mal à l'aise. Il ne manifeste aucun regret, mais de l'ennui. Lors du procès, on l'interroge davantage sur son comportement lors de l'enterrement de sa mère que sur le meurtre. Meursault se sent exclu du procès. Il dit avoir commis son acte à cause du soleil, ce qui déclenche l'hilarité de l'audience. Le soleil provoqua, toujours selon Meursault, une distorsion de la vision semblable à une hallucination. La sentence tombe : il est condamné à la guillotine. L’aumônier visite Meursault pour qu'il se confie à Dieu dans ses derniers instants, Meursault refuse. Quand l'aumônier lui dit qu'il priera pour lui, cela déclenche sa colère. Avant son départ pour la mort, Meursault finit par trouver la paix dans la sérénité de la nuit, et même souhaiter que le jour de son exécution de grandes foules qui le haïssent soient au rendez-vous. Le roman rappelle le théâtre de l'absurde. C'est un genre traitant fréquemment de l’absurdité de l’Homme et de la vie en général, celle-ci menant toujours à une fin tragique. On appelle Camus “philosophe de l’absurde”. 4 5 A. Camus. L’étranger. Extrait. Pp.9-11 (Chapitre 1) Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier. L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à uploads/Litterature/4-camus-a-l-x27-etranger.pdf

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