L’incipit dans les contes fantastiques de Théophile Gautier: Étude sélective de
L’incipit dans les contes fantastiques de Théophile Gautier: Étude sélective de La Cafetière et Le Chevalier double AYATI Akram Maître assistante, Université d’Ispahan akram_ayati@yahoo.com Date de réception : 12.02.2011, Date d’acceptation : 19.04.2011 Résumé : Comment commencer? La question touche autant l’auteur que le lecteur. L’incipit fait déjà l’objet de nombreuses recherches qui ont interrogé les divers aspects de sa pratique. Au seuil du récit, l’attente à laquelle l’incipit se doit de répondre est polyvalente. L’incipit doit endosser, dans tout texte romanesque, les enjeux particuliers pour lesquels, il revendique les stratégies expressives particulières. En évoquant les fonctions que l’incipit remplit dans une œuvre et les étudiants particulièrement dans deux contes fantastiques de Théophile Gautier, La Cafetière et Le Chevalier double, nous avons l’objectif de répondre, dans cet article, aux questions concernant le rôle de l’incipit par rapport à la structure du conte et cela à travers l’étude de la relation entre le texte et le paratexte. L'étude de la modalité de la représentation du contrat de lecture dans les incipit nous mène en plus à examiner comment l’écrivain fait de ce lieu stratégique du texte non seulement une occasion d’ancrer son univers fantastique, mais aussi un emplacement d’exhiber son art d’écriture, propre à lui. Mots-clés : Incipit, narration, histoire, conte fantastique, Théophile Gautier. Introduction : Les premiers mots ou paragraphes d’un roman ou de toute œuvre littéraire a une importance particulière. C’est en effet après la lecture de ces premiers mots que le lecteur décide de continuer sa lecture ou bien de renoncer à l’œuvre. L’écriture de cette partie est également, un moment crucial pour l’écrivain, car il est le lieu romanesque sur lequel s’édifie tout le texte du roman et le début du roman supporte l’édifice entier. L’incipit se veut comme « le moment où le texte littéraire s’arrache à la prose du monde et trahit d’autant mieux ses rapports à cette prose » (J. Dubois, 1971, 297), il est le « lieu de contact, de rencontre et d’échange entre les désirs de l’écriture et les attentes de la lecture […] » (Del Lungo, 2003, 14). Bien que l’étude de l’incipit et de la clausule romanesques soit encore restée un des domaines presque intacts de la critique littéraire en Iran, mais c’était dans la seconde moitié du XXe siècle que la 2/ Revue des Études de la Langue Française, Deuxième année, N° 3, Automne- Hiver 2010- 2011 critique s’y est intéressée et la recherche sur le sujet a pris un essor important. Dans son livre intitulé Je n’ai jamais appris à écrire, ou les Incipit (1969), Louis Aragon considère la première phrase comme étant le fil conducteur de tout le roman et remarque bien que tout le texte est en fait, l’exploration et la découverte des moyens linguistiques qui se représentent dans ces « phrases seuils » (cité in: Hamon, 1975, 502). Italo Calvino reconnaît l’incipit en tant que « lieu littéraire par excellence » (cité in. Del Lungo, 2003, 12). Certains critiques vont même à affirmer que l’incipit est en quelque sorte, un extrait condensé de tout l'histoire narrée. Certains d’autres mettent l’accent sur le fait que l’ambiance particulière du roman se révèle dans l’incipit et que les motifs les plus importants de l’histoire se manifestent, d’une manière plus ou moins nette, dans ces premiers mots du texte. L’importance de l’incipit relève aussi des fonctions, que celui-ci assume dans un texte, qui ne se limitent pas à accrocher le lecteur et l’influencer sur sa saisie dans le roman. Il a en plus, une valeur d'annonce. En fait, il définit préalablement le genre du texte et les choix de narration de l'auteur s’agissant du point de vue adopté par ce dernier, des vocabulaires et du registre de la langue utilisée. L’étude de l’incipit permettra également de repérer les signes précisant le « contrat de lecture » selon lequel une « horizon d’attente » particulière serait formée chez le lecteur. Il faut pourtant remarquer que ce « contrat de lecture » ne sera pas seulement conclu à l’incipit, mais il concerne également une série d’éléments autour du texte dits le paratexte. Le paratexte constitue, à l’instar de l’incipit, une partie de cette « stratégie du début » dont profite l’auteur afin de stimuler, tout au début, l’attention et la curiosité du lecteur et de garantir son accompagnement dans toute l’histoire. En évoquant les fonctions que l’incipit remplit dans une œuvre et les étudiant particulièrement dans deux contes fantastiques de Théophile Gautier, nous avons l’objectif de répondre, dans cet article, aux questions concernant le rôle de l’incipit par rapport à la structure du conte et cela à travers l’étude de la relation entre le texte et le paratexte, celle du thématique du conte ou des stratégies de la narration. Nous allons étudier également la modalité de la représentation du contrat de lecture et celle de l’annonce du genre et les choix de la narration de l’auteur dans les incipits et montrerons à travers l’explication des deux concepts principaux de la théorie de la « réception » qui sont le « contrat de lecture » et l’ « horizon d’attente », comment l’incipit joue un rôle décisif dans le déclanchement de l’écriture fantastique. Autrement dit, nous essayerons de répondre à un ensemble des questions telles: Comment l’incipit s’est formé et représenté dans ces deux contes fantastiques ? Comment l’histoire est-elle générée à partir de sa première unité narrative ? Quelles fonctions remplira-t-il L’incipit dans les contes fantastiques de Théophile Gautier: … / 3 l’incipit dans la formation et la représentation du mode fantastique ? Cette dernière question est directement liée à la définition de la littérature fantastique dans laquelle, comme le remarque Jean Bellemin-Noël dans son Histoire littéraire de France, « le réel et l'imaginaire doivent se rencontrer, voire se contaminer » (1973). Le fantastique est, selon les mots de Nerval, « l'épanchement du songe dans la vie réelle » (1953, 10), puisqu’il ne suffit pas qu'il y ait du surnaturel dans un récit pour que celui-ci puisse être qualifié de fantastique. Il faut que le lecteur ou le spectateur doute toujours de la réalité des événements ou des êtres mis en scène sans pouvoir à aucun moment affirmer qu'il se soit vraiment passé quelque chose de surnaturel. Nous sommes donc toujours dans cet étrange rapport entre le rêve et la réalité qui sera établi d’emblée, dès l’incipit. Nous envisageons deux contes fantastiques de Théophile Gautier en tant que corpus de cette étude. Ces deux contes sont en effet, collectés avec dix autres, en un seul volume intitulé Contes fantastiques publié en 1986 par la librairie José Corti. I- La détermination des bornes de l’incipit Du point de vue théorique, la détermination des limites de l’incipit est une question fondamentale qui s’étend d’une seule première phrase et même de quelques premiers mots à « la première unité » du texte, une unité plus ou moins longue. Il y a des méthodes et des critères pour préciser cette limite, pourtant, nous rejoignons le point de vue d’Andrea Del Lungo basé sur « la recherche d’un effet de clôture ou d’une fracture dans le texte, soit formelle soit thématique, isolant la première unité ». (Del Lungo, 1993, 135- 136). Le premier conte de Gautier a pour titre La Cafetière dont le sous-titre conte fantastique désigne bien le genre du texte, tandis qu’au premier regard, on ne repère pas d’indication précise pour le deuxième conte intitulé Le chevalier double. Le conte, rappelons-le, est un récit bref dont l'action, toujours relatée au passé, se situe dans un univers différent du monde réel. Le récit repose explicitement sur le caractère fictif de l'intrigue, ancrée dans l'imaginaire, le merveilleux, le surnaturel et l'invraisemblable. La Cafetière raconte l’histoire d’un homme qui, au cours d’un voyage, s’arrête dans un lieu qu’il ne connaît pas, où il fait un rêve étrange: il se voit avec une femme qui se transforme à l’aube en cafetière et qui se révèle être, au réveil, la sœur disparue de son hôte. De même, Le chevalier double est l'histoire d'un jeune Danois qui, né sous les signes conjugués de deux étoiles, demeure partagé entre ses élans généreux et ses impulsions criminelles jusqu'au jour où il peut reconnaître son double sous les traits d'un adversaire qu’il a finalement réussi à vaincre. Les deux récits sont bien fondés 4/ Revue des Études de la Langue Française, Deuxième année, N° 3, Automne- Hiver 2010- 2011 selon une structure apte au conte fantastique et les éléments caractéristiques du genre s’apparaissent dès le début. La détermination des limites de l'incipit dans ces deux contes nous permet de mieux cerner les caractéristiques du conte et leur agencement dans l’incipit. L’incipit de La Cafetière s’étend en deux pages où se terminent apparemment la description de l’état des arrivants et celle de la chambre du personnage principal, à partir desquelles le narrateur esquisse une intrigue, une aventure fantastique qui provient même du décor déjà décrit. Cette frontière peut être facilement remarquée par le passage brutal du descriptif au narratif, précisé par la locution « uploads/Litterature/ ui-journals-v2n3p1.pdf
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- Publié le Aoû 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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