Terrain Numéro 8 (1987) Rituels contemporains .................................

Terrain Numéro 8 (1987) Rituels contemporains ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Giordana Charuty La folie, entre histoire et anthropologie ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Giordana Charuty, « La folie, entre histoire et anthropologie », Terrain [En ligne], 8 | 1987, mis en ligne le 19 juillet 2007. URL : http://terrain.revues.org/index3156.html DOI : en cours d'attribution Éditeur : Ministère de la culture / Maison des sciences de l’homme http://terrain.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://terrain.revues.org/index3156.html Document généré automatiquement le 04 février 2011. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © T errain La folie, entre histoire et anthropologie 2 Terrain, 8 | 1987 Giordana Charuty La folie, entre histoire et anthropologie Pagination originale : p. 77-81 1 Les ethnologues qui travaillent sur des sociétés non occidentales s'inscrivent dans une tradition anthropologique qui a élaboré des outils d'analyse spécifiques, qu'ils se donnent pour projet l'étude de la maladie comme fait social ou qu'ils rencontrent le corps malade comme objet d'enquête. Si l'on considère, par exemple, les travaux africanistes qui, dans ce cadre, font une place particulière à l'étude des représentations de la folie et des cures qui réintègrent l'individu dans l'ordre social, il apparaît que la diversité des figures distinguées s'ordonne en un nombre limité de catégories – l'agression sorcellaire, la possession – persécution de la part de divinités ou d'esprits ancestraux, la possession-initiation... lesquelles furent des objets d'élection pour l'ethnologie "exotique" naissante. De plus, dans un mouvement convergent, les nouvelles préoccupations thérapeutiques formulées par des psychiatres occidentaux confrontés à des discours interprétatifs déroutants a remis en question l'autonomie de leur discipline pour, à partir de l'activité clinique, interroger les représentations locales de la folie à la lumière d'autres savoirs, et notamment des concepts de la psychanalyse. 2 Dans nos sociétés européennes, il en va autrement pour deux raisons. L'expérience de terrain confronte sans arrêt l'ethnologue à une pluralité éclatée d'institutions, de pratiques et de discours dont les principes organisateurs ne relèvent ni des mêmes savoirs, ni des mêmes formes culturelles, ni des mêmes chronologies. Quelques-unes de ces institutions, quelques- uns de ces savoirs ont produit leur propre histoire mais sont aussi entrés dans le champ de l'analyse scientifique par le biais de la philosophie, de la sociologie, de l'histoire ou de la médecine. 3 L'ethnologue a-t-il encore sa place au milieu de cette diversité de démarches ? Sans ignorer leurs résultats, comment peut-il s'en déprendre pour définir les matériaux et développer les interprétations qui justifient la pertinence de son regard ? L'œuvre de Michel Foucault ouvre sur une telle réflexion. 4 Alors que l'Histoire de la folie fut saluée par Michel Serres et par Roland Barthes (qui participait alors à la grande enquête sur la vie matérielle lancée par les Annales) comme appartenant "pleinement à ce mouvement conquérant de l'ethnologie moderne, ou de l'histoire ethnologique comme on voudra", 1 il n'y a pas eu en France, entre Michel Foucault et les La folie, entre histoire et anthropologie 3 Terrain, 8 | 1987 ethnologues, l'équivalent du débat qui s'est instauré, malgré toutes les difficultés que l'on sait, avec les historiens. Non que Foucault se soit désintéressé de l'ethnologie. On lui doit même, dès 1966, des pages d'une très grande lucidité sur ce qui pourrait être, ce que devrait être une ethnologie des sociétés européennes qui, tout en s'attachant aux processus inconscients d'une culture donnée, saurait préserver face à la psychanalyse sa propre spécificité. En introduisant la dimension de l'historicité au sein de l'inconscient culturel, "elle n'assimilerait pas les mécanismes et les formes d'une société à la pression et à la répression de fantasmes collectifs, retrouvant ainsi, mais à une plus grande échelle, ce que l'analyse peut découvrir au niveau des individus ; elle définirait comme système des inconscients culturels l'ensemble des structures formelles qui rendent signifiants les discours mythiques, donnent leur cohérence et leur nécessité aux règles qui régissent les besoins, fondent autrement qu'en nature, ailleurs que sur de pures fonctions biologiques, les normes de vie 2". Quelques années plus tard, l'équipe réunie pour travailler sur l'expertise médicale comprendra une ethnologue, Jeanne Favret. Mais, dans le même temps, c'est l'enseignement de Georges Devereux à l'École pratique des hautes études qui exerce une influence décisive sur l'orientation de la recherche en anthropologie de la folie. Dès lors, la distinction entre "désordre ethnique" et "désordre idiosyncrasique" servira de cadre de référence obligé aux rares études européennes des représentations coutumières du trouble psychique. 5 Ce désintérêt de l'ethnologie française pour les méthodes successivement mises en œuvre par Foucault dans l'analyse des pratiques sociales est particulièrement manifeste dans le récent "état des lieux" de l'anthropologie établi par la revue L'Homme dont aucun des articles rassemblés ne mentionne les travaux du philosophe même lorsque ceux-ci ont profondément renouvelé l'analyse d'objets qui, tels les pratiques politiques et les dispositifs de pouvoir, sont aussi aujourd'hui ceux de l'ethnologue. Ce silence est d'autant plus surprenant qu'aux États- Unis par exemple, comme en témoigne l'ouvrage d'Hubert Dreyfus et Paul Rabinow dont la traduction française parut quelques mois après la mort de Michel Foucault 3, ce sont des anthropologues qui se montrent les plus attentifs aux conséquences des résultats acquis par la méthode "généalogique" adoptée depuis Surveiller et Punir. Et l'on peut penser que les recherches réalisées au Maroc par Rabinow sur les mutations des formes culturelles de la domination symbolique ne sont pas étrangères aux interrogations qui servent de fil conducteur à cette exploration du "parcours philosophique" de Foucault : les sciences humaines peuvent- elles "s'affranchir de leurs rapports au pouvoir" ? Comment construire le sens des pratiques culturelles à partir d'une interprétation qui n'est ni "une invention subjective, ni une description objective, mais un acte d'imagination, d'analyse, et d'engagement" ? Quel est le statut de l'"interprète" dans notre propre société 4 ? 6 Il est vrai qu'en faisant l'archéologie du savoir et de la pratique psychiatriques, Michel Foucault poursuivait un projet autre que celui d'une anthropologie de la folie. Comme il le dit lui-même dans un entretien accordé en 1976 à Alessandro Fontana et Pasquale Pasquino, l'Histoire de la folie s'inscrit dans une interrogation sur les effets de pouvoir de la science, sur les rapports que la production scientifique entretient avec les structures politiques et économiques de la société. Le choix de la psychiatrie, comme ensuite celui de la médecine clinique, au détriment par exemple des mathématiques ou de la physique, tenait à son statut épistémologique de science "douteuse" et à ses relations manifestes avec des pratiques de régulation sociale 4. Encore marquée par un débat qui définissait l'impensé d'une science en termes de "fonctions idéologiques", l'Histoire de la folie conservait implicitement l'hypothèse d'une "folie vive" que la psychiatrie aurait réprimée. On sait que Michel Foucault l'a, plus tard, récusée comme l'envers d'une formulation négative du pouvoir limité à ses seules expressions répressives. Les analyses ultérieures des procédures d'individualisation élaborées par une société disciplinaire, les enquêtes ponctuelles sur les rapports entre psychiatrie et justice pénale ou sur l'usage familial et populaire de l'enfermement par lettre de cachet ont alors permis une lecture La folie, entre histoire et anthropologie 4 Terrain, 8 | 1987 rétrospective de cette première "histoire" qui situe, en toute rigueur, sa force novatrice : rompre avec l'idée que la folie est un objet naturel qui préexisterait aux institutions et aux savoirs qui l'ont objectivée comme telle. La parution des deux derniers volumes de l'Histoire de la sexualité fournissait l'occasion à Michel Foucault de revenir une fois encore à ce premier livre pour préciser la continuité de la démarche : "La notion qui sert de forme commune aux études que j'ai menées depuis l'Histoire de la folie est celle de problématisation"... 5. Si elle n'a, ainsi, jamais cessé de repenser les objets que dès le départ elle s'était donnés, de dévoiler l'impensé de ses démonstrations pour en définir avec toujours plus de rigueur les méthodes, n'est-ce pas rendre un juste hommage à la richesse de cette œuvre que d'y puiser, à son tour, le programme et les questions d'une analyse anthropologique du désordre psychique ? 7 Michel Foucault était, en tout cas, tout disposé à l'admettre comme en témoigne l'intérêt que, quelques mois avant sa mort, il manifestait pour une semblable approche. 8 Des comportements observables, aujourd'hui, dans des villages languedociens, il ressort que des personnages, tels l'innocent ou la femme hystérique s'imposent d'eux-mêmes au uploads/Litterature/ terrain-3156-8-la-folie-entre-histoire-et-anthropologie.pdf

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