QUAND LA PSYCHANALYSE QUESTIONNE L’EXCLUSION SOCIALE Marie-Jean Sauret in Josep
QUAND LA PSYCHANALYSE QUESTIONNE L’EXCLUSION SOCIALE Marie-Jean Sauret in Joseph Rouzel, Travail social et psychanalyse Champ social | « Psychanalyse et travail social » 2005 | pages 45 à 56 ISBN 9782913376489 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/travail-social-et-psychanalyse---page-45.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Champ social. © Champ social. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Ainsi serons- nous plus à même de questionner les formes contemporaines de dé-liaison. 1- LE SUJET DE L’EXCLUSION SOCIALE L’humain naît deux fois : une fois comme vivant biologique, et une fois comme par- lant. Cette seconde naissance, en impliquant deux sujets, solidarise le sujet de la parole et le lien social. Cette naissance au langage contraint le sujet de se poser à lui- même la question qu’il adresse aux objets : « Que suis-je ? ». Bien plus, il est contraint de tenir compte non seulement de la réponse qu’il se donne, mais de la « matière » de la question et de la réponse : des mots, de la « motière » ! Il découvre en effet que, dans les mots, il n’y est que représenté : soit qu’il y manque d’être. Son être est lié à la parole qui l’inclut comme défaut : d’où le qualificatif de « parlêtre » avec lequel Lacan désigne parfois le sujet. Seulement le langage est incapable de fournir au sujet une réponse à la question de ce qu’il est, telle que cette réponse lui livre le réel de son être de sujet. Dans le lan- gage, le sujet n’est que représenté autant dire que c’est un exclu de structure. Ainsi il manque puisqu’il est irrémédiablement séparé de son être. Freud en déduit : donc il désire. Et la psychanalyse, avec Lacan, a identifié à la jouissance la substance négative supposée arrachée au sujet du simple fait qu’il parle. Cette seconde naissance bouleverse le rapport du sujet à sa biologie. Les humains tiennent ensemble parce que les mots, les éléments langagiers qui représentent les sujets, les signifiants, s’articulent. L’exclusion, de l’être de jouissance de chacun, est la - 45 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 13 - - 81.194.43.202 - 26/03/2020 17:01 - © Champ social Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 13 - - 81.194.43.202 - 26/03/2020 17:01 - © Champ social conséquence, et la condition, de la constitution du lien social. La psychanalyse, après Lacan, appelle « lien social » un certain usage du discours précisément pour organi- ser un « vivre ensemble ». Seulement, le langage est de structure, affecté d’un trou, incapable de restituer son être au sujet – la réponse est langagière tandis que son être de jouissance est de l’ordre du réel. Le savoir est donc affecté d’un défaut irréductible que Freud a iden- tifié au refoulement originaire constitutif de l’inconscient. Ce défaut de savoir n’en- traîne pas forcément le désir de savoir : car si un tel savoir existait, le trou serait com- blé et ce serait la fin du sujet du désir. Mais ce défaut de savoir suggère qu’il doit bien exister quelque part quelqu’un qui sait : telle est la fonction « sujet supposé savoir » à qui l’humain demande la restitution de son être, perdu à parler. 2- LES PREMIÈRES FORMES D’EXCLUSION SOCIALE L’humain attend son être de l’Autre : mythologies, religions, philosophies, sont ainsi les premières réponses qu’il s’est données – des ontologies. Certes, les solutions com- munes, adoptées par les hommes, ont donné forme au lien social, autour d’une même façon de considérer le défaut de jouissance inhérent à chacun et, du coup, à toute collectivité et de le traiter. En ces temps religieux, où, ainsi que Marcel Gauchet l’a souligné2, l’homme a renoncé à sa responsabilité au profit de l’autorité divine, il existait bien des exclus : soit ceux qui pouvaient être identifiés comme étrangers à cette conception parce qu’ils étaient « inclus » dans une autre organisation sociale (une autre religion par exemple), soit parce qu’ils portaient ce que l’on croyait être les marques de la malé- diction divine (à une certaine époque : les pêcheurs, les pestiférés, les pervers, les miséreux), soit enfin parce qu’ils avaient choisi de renoncer à la vie publique et aux bénéfices temporels pour se consacrer à la prière et à la pénitence – mendiants, moines, soldats de Dieu… Le point commun entre ces exclus, c’est que leur exclu- sion garde un sens aux yeux de tous, voire une fonction (d’exemple ou de contre- exemple, de menace ou de protection) : ils participent du discours commun qui fait lien social. De sorte que nous avons du mal à imaginer ce qu’aurait pu être un vrai exclu. 3- LA FAILLITE DES DIEUX L’organisation des affaires terrestres a permis le développement d’une rationalité qui a fini par supplanter toutes les ontologies : la science moderne et le capitalisme. Les Lumières promettaient d’éclairer le fonctionnement des choses au point de per- mettre la construction d’un monde meilleur. Nous imaginons mal les drames sub- jectifs dont les affaires Galilée ou Giordano Bruno ne donnent qu’un aperçu : sans 46 - Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 13 - - 81.194.43.202 - 26/03/2020 17:01 - © Champ social Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 13 - - 81.194.43.202 - 26/03/2020 17:01 - © Champ social doute la communauté humaine fut-elle en bloc exclue du sens qu’elle avait donné au monde. À comparer aux conséquences de l’effondrement du mur de Berlin : il a modifié l’ordre d’un monde que nous pensions éternels, ouvrant à l’idée d’une mon- dialisation sans alternative politique. La faillite programmée des ontologies à prétention universelle n’a rien changé à la structure du sujet. Seulement la science l’a abandonné en panne de sens. Le sujet était divisé entre sujet de la science, de l’explication, et sujet du sens, désormais sur les bras : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Alchimie, astrologie, magie, sorcellerie, sont les vestiges de la science d’avant, celle qui ne distinguait pas le sens et l’explication. Sans doute bon nombre de psychothérapies et de médecines douces témoignent également de la nostalgie de cette époque. Cependant, cette crise a entraîné une mutation de l’économie psychique : les sujets ont rapatrié dans l’intime la question du sens, se dotant eux-mêmes d’une solution garantie par la figure d’autorité qu’ils avaient sous la main – la figure paternelle. Désormais, Dieu est inconscient3 ! Les sujets se dotent dans la foulée du moyen de symboliser leur séparation d’avec l’Autre autour de ce qu’ils doivent nécessairement céder de (leur être de) jouissance à parler. Telles sont les matrices des complexes d’Œdipe et de castration. Cette solution, vous l’avez reconnue, c’est la névrose : c’est là que Freud est allé la recueillir, et l’on comprend qu’il l’ait qualifiée de religion privée. Nous ne mesurons plus le bouleversement que Freud a introduit en inventant la psy- chanalyse, il est de même ampleur que la révolution scientifique ou la réunification de l’Allemagne : Freud obtempère, et, pour la première fois, dans l’histoire de la cli- nique, donne la parole au patient, et se met à son école. La psychanalyse est la seule pratique qui considère l’autre comme un sujet, aujourd’hui encore. Bien des psy- chothérapeutes protesteront pour souligner combien leur théorie « veut le bien du sujet ». Je ne le conteste pas, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, pas de charité ou d’humanisme, mais d’une pratique qui, en acte, laisse le dernier mot au sujet de la parole, changé de le prendre. 4- LES LEÇONS ET LIMITES DE LA NÉVROSE : LA SINGULARITÉ DU SYMPTÔME Freud devait en apprendre l’une des solutions, la solution névrotique, au problème qui nous occupe : comment un sujet est-il susceptible de se lier au commun, d’une part sans s’y dissoudre (pour mieux se faire accepter, aimer, au prix uploads/Litterature/ sauret-qd-la-psya-questionne-l-x27-exclusion-sociale-chaso-rouze-2005-01-0045.pdf
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- Publié le Apv 09, 2022
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