2010 François Dosse Renaissance de l'événement Un défi pour l'historien : entre
2010 François Dosse Renaissance de l'événement Un défi pour l'historien : entre Sphinx et Phénix Copyright © Presses Universitaires de France, Paris, 2015 ISBN numérique : 9782130641988 ISBN papier : 9782130585244 Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. Présentation On assiste de toutes parts au « retour » de l’événement. Aux notions de structure, d’invariant, de longue durée, d’histoire immobile, se sont substituées les notions de chaos organisateur, de fractale, de théorie des catastrophes, d’émergence, de mutation, de rupture… Ce basculement n’affecte pas seulement l’histoire. Il est général à l’ensemble des sciences humaines et atteste une préoccupation nouvelle d’attention à ce qui advient de nouveau dans une interrogation renouvelée sur l’événement. François Dosse, dont les travaux en historiographie sont connus, met dans cet ouvrage la notion d’événement à l’épreuve du regard de diverses disciplines pour en mesurer la fécondité potentielle. Comme l’a dit Michel de Certeau, « l’événement est ce qu’il devient », ce qui induit un déplacement majeur de l’approche de l’événement, de ses causes à ses traces. Telle est la grande nouveauté que perçoit l’auteur et qui change radicalement notre rapport à l’événement en le défatalisant. On ne peut donc parler d’un simple « retour » de l’événement au sens ancien du terme. Après la longue éclipse de l’événement dans les sciences humaines, le « retour » spectaculaire de l’événement que l’on connaît n’a, en effet, pas grand-chose à voir avec la conception restrictive qui était celle de l’école historique des méthodiques du XIXe siècle. L’objet de cette investigation est de rechercher les clés de compréhension de l’ère que nous traversons, celle d’un rapport à l’historicité marqué par une événementialisation du sens dans tous les domaines. Plus qu’un « retour », nous vivons donc une renaissance ou un retour de la différence. Que revient-il de l’événement ? Assiste-t-on à un simple retour d’une événementialité factuelle ou à la naissance d’un nouveau regard sur l’événement ? Et surtout, s’est-on posé la question de savoir ce qu’est un événement ? L'auteur François Dosse François Dosse, historien, professeur des universités à Paris 12, a publié de nombreux ouvrages dans le domaine de l’historiographie et de l’histoire intellectuelle. Il a récemment co- dirigé avec Christian Delacroix, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt Historiographies. Concepts et débats, Gallimard, « Folio », 2010. Table des matières Introduction Première partie Le tragique XX siècle et la redécouverte de l’événement I. L’événement assimilé par une chronosophie II. Contre le fardeau de l’histoire : Nietzsche l’intempestif III. Le culte de l’événement authentifié IV. Péguy : dans l’événement, contre l’événementiel V. Le schème de l’explication causale VI. Le présent est davantage que l’instant L’herméneutique événementiale L’événement entre phénoménologie et histoire La psychanalyse devant l’événement : l’hétérochronie I. Déchirures temporelles II. L’insistance sur l’advenue du nouveau III. Une archéologie de l’événement IV. Une métaphysique de l’événement V. Une herméneutique du récit de l’événement ou une problématique des Lieux de mémoire VI. Une herméneutique critique VII. L’événement revisité VIII. L’histoire-batailles renouvelée IX. La prise de la Bastille le 14 juillet 1789 : étude de cas Troisième partie L’événement à l’heure des médias I. L’événement-monstre II. Le cas de l’événement Mai 68 : une prolifération de sens III. Un constructivisme IV. La part des témoins V. Temporalités feuilletées Vers une poïétique de l’événement Régime pluriel d’historicités Conclusion Bibliographie Index général O Introduction n assiste de toutes parts au « retour » de l’événement. La renaissance de la collection « Les journées qui ont fait la France » chez Gallimard en est un des nombreux symptômes. Aux notions de structure, d’invariant, de longue durée, d’histoire immobile se sont substituées les notions de chaos organisateur, de fractale, de théorie des catastrophes, d’émergence, d’énaction, de mutation, de rupture ... Ce basculement n’affecte pas la seule discipline de l’histoire. Il est général à l’ensemble des sciences humaines et atteste une préoccupation nouvelle d’attention à ce qui advient de nouveau dans une interrogation renouvelée sur l’événement. Il semble opportun de mettre la notion d’événement à l’épreuve du regard de diverses disciplines pour en mesurer la fécondité potentielle et sa valeur heuristique. Comme l’a dit Michel de Certeau à propos de Mai 68, « l’événement est ce qu’il devient », ce qui induit un déplacement de l’approche de l’amont de l’événement vers son aval, de ses causes à ses traces. Tel est le grand déplacement nouveau grâce auquel on ne peut parler d’un simple « retour » de l’événement au sens ancien du terme. Après la longue éclipse de l’événement dans les sciences humaines, le « retour » spectaculaire de l’événement que l’on connaît n’a en effet pas grand-chose à voir avec la conception restrictive qui était celle de l’école historique des méthodiques du XIXe siècle. L’objet de cette investigation est de rechercher les clés de compréhension de l’ère nouvelle que nous traversons, celle d’un nouveau rapport à l’historicité marqué par une événementialisation du sens dans tous les domaines. Plus qu’un « retour », nous vivons une renaissance ou un retour de la différence. La publication en 2005 sous la direction d’un historien particulièrement novateur dans sa discipline, Alain Corbin, d’un ouvrage sur les grandes dates de l’Histoire de France, vite devenu un best-seller, est tout à fait significative de cet engouement nouveau pour les événements [1] . À la base de cette publication, l’excellente idée d’exhumer un vieux manuel d’histoire poussiéreux de 1923 s’adressant au public scolaire du primaire, d’en reprendre les vignettes qui présentent les grandes dates de l’histoire de France et de confronter cet évangile national au regard savant d’une cinquantaine d’historiens d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui revient de l’événement ? Assiste-t-on à un simple retour d’une événementialité factuelle ou à la naissance d’un nouveau regard sur l’événement ? Et surtout s’est-on posé la question de savoir ce qu’est un événement ? Il convient en premier lieu de se tourner vers quelques dictionnaires pour restituer comment s’est constitué dans le temps ce mot d’événement. Son usage est attesté depuis le XVe siècle et il revêt alors un sens particulièrement large et vague puisqu’il signifie tout « ce qui arrive ». Il provient, nous rappelle Alain Rey [2] , du latin evenire qui veut dire « sortir », « avoir un résultat », « se produire », « advenir », signifiant donc un avènement. Chez Cicéron par exemple son usage évoque la fin d’un procès, son résultat. En même temps, le mot événement vient d’eventum et eventus qui désigne un phénomène en tant qu’il fait rupture, mais il est rarement employé sinon au pluriel, eventa : « Il ajoute peut-être plus encore une connotation heureuse à l’idée d’issue [3] . » À la différence d’aujourd’hui, l’acception latine n’a pas pour objet de signifier l’inattendu, le surgissement du nouveau. On trouve déjà dans le monde grec avec la notion de kairos un antécédent à l’idée d’événement. Le Kairos chez les Grecs avait la faculté de conjoindre Aîon et Chronos pour permettre l’effectuation d’une action en une occasion opportune qu’il convenait de ne pas laisser passer. La divinité qui représentait Kairos était un éphèbe à l’épaisse touffe de cheveux, et il fallait profiter de son passage furtif pour le saisir par les cheveux. La réussite d’une telle opération permettait d’agir efficacement, de maîtriser la situation en la prenant à pleines mains en son nœud, permettant un changement radical. Le terme kairos est particulièrement difficile à traduire nous précise Barbara Cassin, qui y voit le propre de la temporalité sophistique [4] . Cette notion introduit à la fois de la coupure et de l’ouverture, en s’opposant au télos : « Le kairos est autotélique, il contient en lui-même sa propre fin [5] . » Il est ce passage furtif par lequel on peut faire l’économie de l’idée de finalité, trouvant son identité dans la seule singularité. Dans son acception dominante au XVIe siècle, le terme d’événement renvoie au fait d’aboutir à une issue, à un succès, à un dénouement. Le mot sera encore longtemps utilisé en ce sens, même si ce dernier va tomber peu à peu en désuétude. Sieyès écrit encore en 1789 : « Le public ne s’y est point trompé. On l’a toujours entendu désapprouver une mesure dont il prévoyait l’événement [6] . » Puis, au XVIIe siècle, ce sens disparaît peu à peu pour laisser place à quelque chose qui s’est passé, à un fait d’une certaine importance, de nature un peu exceptionnelle qui rompt une routine, sens qu’il a conservé depuis lors. Mais cette stratification de sens rend possible des usages multiples empruntant à l’une ou à l’autre signification. Ainsi, Flaubert use du vocable à la fois comme signifiant tout ce qui s’insère dans la uploads/Litterature/ renaissance-de-l-evenement.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 18, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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