Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres La
Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres La première réformation générale de l’Université de Paris (1366) Professeur Jacques Verger Citer ce document / Cite this document : Verger Jacques. La première réformation générale de l’Université de Paris (1366) . In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 155e année, N. 3, 2011. pp. 1229-1251; doi : 10.3406/crai.2011.93275 http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2011_num_155_3_93275 Document généré le 19/02/2018 1. Chartularium Universitatis Parisiensis, H. Denifle et É. Chatelain éd., t. IV (désormais abrégé CUP, IV), Paris, 1897, n° 2690, p. 715. 2. É. Pasquier, Les recherches de la France, éd. critique sous la dir. de M.-M. Fragonard et F. Roudaut, t. III, Paris, 1996, p. 1810. 3. Historia Universitatis Parisiensis…, par C. É. Du Boulay, t. IV, Paris, 1668, p. 388-392. 4. J.-B. L. Crevier, Histoire de l’Université de Paris depuis son origine jusqu’en l’année 1600, t. 2, Paris, 1761, p. 444. ; l’analyse complète du texte occupe les p. 444-451. 5. Chartularium Universitatis Parisiensis, H. Denifle et É. Chatelain éd., t. III, Paris, 1894 (désormais abrégé CUP, III), n° 1319, p. 143. COMMUNICATION LA PREMIÈRE RÉFORMATION GÉNÉRALE DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS (1366), PAR M. JACQUES VERGER, CORRESPONDANT DE L’ACADÉMIE L’intérêt du texte qui fait l’objet de la présente communication, tient d’abord à la place particulière qu’il a prise dans la mémoire collective et l’historiographie de l’université de Paris. Promulguant le 1er juin 1452 une nouvelle et très complète réforme de l’université, le cardinal Guillaume d’Estouteville ne mentionne explicitement comme précédent que la réforme de 13661. Au début du XVIIe siècle, dans ses célèbres Recherches de la France, Étienne Pasquier la qualifie, il est vrai, de « troisième… vraye Reformation » de l’uni- versité mais comme, selon son décompte, la première était la lettre du cardinal Robert de Courson de 1215, qui est plutôt un acte de fondation, et la seconde, le règlement imposé en 1279 par le légat Simon de Brie pour l’élection du recteur, qui ne porte donc que sur un point très particulier, on peut considérer que, de son propre aveu, celle de 1366 était en fait la première « vraie réformation » géné- rale2. C’est d’ailleurs ainsi que la présente aussi bien l’Historia Universitatis Parisiensis de César Égasse Du Boulay dans son tome IV de 16683 que l’Histoire de l’Université de Paris de Jean-Baptiste Crevier qui, en 1761, parle à son propos d’un « objet de grande conséquence »4. Enfin, le Chartularium de Denifle et Châtelain lui donne le titre de statuta pro omnibus facultatibus universitatis Parisiensis, qu’il n’avait affecté à aucun document antérieur5. Laissons là cette rapide revue historiographique et demandons- nous si le texte lui-même, tel qu’il nous est parvenu, mérite cette 1230 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 6. CUP, III, n° 1319, p. 143-148. 7. Sans prétendre à l’exhaustivité, le Chartularium mentionne le « livre du recteur » (Londres, Brit. Lib., Addit. 17304), le livre de la nation anglaise (Paris, BNF, n.a.l. 535), le livre de la nation normande ou « cartulaire du collège d’Harcourt » (Chartres, BM, ms 595/662) (CUP, III, n° 1319, p. 148). 8. CUP, III, n° 1318. 9. Ibid. qualification. Certes, il est de taille relativement modeste, cinq pages in-f° imprimées dans le tome III du Chartularium et son contenu effectif, on le verra, est manifestement très partiel et ne concerne pratiquement que deux facultés, celle des arts et celle de théologie6. Mais le fait qu’il ait été recopié dans plusieurs registres officiels de l’université7, la solennité qui a présidé, nous y reviendrons, à sa composition et à sa publication, le caractère général affirmé dans le mandement pontifical qui est à l’origine de l’entreprise – [vobis] committimus et mandamus quatinus quecunque (…) reformanda, statuenda et ordinanda utiliter videbitis, reformare, statuere et ordi- nare (…) curetis8 –, le plan adopté qui prétend passer en revue toutes les facultés dans l’ordre hiérarchique des disciplines (théologie, droit canonique, médecine et arts), plan original qui sera repris dans les réformes ultérieures, tout cela nous autorise, nous semble-t-il, à parler pour le texte du 5 juin 1366 de « première réformation générale de l’université de Paris » et nous invite à examiner d’un peu plus près les conditions dans lesquelles ce texte a été élaboré, ainsi que son contenu et sa portée. Ce texte, nous l’avons dit, est relativement court. Il se présente comme une lettre adressée par les cardinaux Jean de Blauzac et Gilles Aycelin au chancelier et à l’université de Paris, lettre rédigée, corrigée et enregistrée à Avignon le 5 juin 1366, par un notaire public, Arnaud Prel de Heppenaert, originaire du diocèse de Liège, en présence de témoins. Après un protocole classique – suscription, adresse et salut – vient, en guise de notification, la copie du mande- ment déjà cité9 du pape Urbain V confiant aux deux cardinaux susdits la tâche de composer et de publier les statuts de réforme de l’université qui, après enquête et consultation, leur sembleraient nécessaires. Suit un bref exposé des conditions dans lesquelles les cardinaux ont travaillé, à Avignon même. On ne trouve en revanche ni préambule définissant l’esprit général de la réforme, ni articuli communes s’appliquant à l’ensemble de l’université. Le texte passe en effet immédiatement aux articles consacrés successivement à chacune des facultés. RÉFORMATION GÉNÉRALE DE 1366 1231 10. CUP, III, n° 1319, p. 143-144. 11. Ibid., p. 144. 12. Ibid., p. 144-146. 13. Ibid., p. 146-148. 14. Pour réunir les indications prosopographiques ci-dessous, j’ai bénéficié de nombreuses réfé- rences aimablement fournies par mes collègues Pierre Jugie, Hélène Millet, Élisabeth Mornet, Vincent Tabbagh, Charles Vulliez. Je les en remercie vivement. Il y en a 15 pour celle de théologie, portant principalement sur la tenue vestimentaire des bacheliers, les leçons que doivent suivre les débutants (Bible et Sentences), les lectures des cursores Biblie et surtout des bacheliers sententiaires (rythme et modalités de lecture, lectures inaugurales ou principia, recours aux arguments philoso- phiques en théologie, contrôle de la publication des commentaires des sententiaires), la participation des bacheliers, surtout des bache- liers « formés », aux disputes, enfin l’absentéisme des maîtres10. Aux facultés de droit canonique et de médecine ne sont consacrés que deux articles, rappelant pour l’une et l’autre l’interdiction de toute dispense en ce qui concerne les programmes à étudier, les lectures à assurer et les disputes à soutenir avant de pouvoir se présenter à la licence11. À la faculté des arts, les cardinaux imposent 12 articles de réforme, portant sur la tenue des étudiants, les programmes de cours, les lectures et disputes des bacheliers, l’examen de licence12. Le texte se poursuit par 7 articles relatifs à l’exercice du privilège de non-résidence pour les maîtres et étudiants titulaires de bénéfices ecclésiastiques et se termine enfin par les clauses finales qui en ordonnent la publication et l’application, puis viennent la souscrip- tion du notaire et la liste des témoins13. Nous apprenons ainsi que l’acte a été rédigé le 5 juin 1366 dans la livrée même du cardinal Jean de Blauzac. Ce texte ne pose guère de problèmes de compréhension immé- diate, mais son interprétation soulève quelques difficultés qu’il faut essayer de résoudre. Demandons-nous d’abord qui en sont les auteurs14. À première vue, il s’agit, très classiquement et comme c’était souvent le cas depuis 1215, d’un texte essentiellement ecclésiastique, émané de l’autorité apostolique, négocié entre les représentants du pape et ceux de l’université. Officiellement, c’est le pape Urbain V qui est à l’origine de la réforme. Comme il le dit dans sa lettre de commission, datée du 2 mai 1366, le pontife a appris, par des rapports dignes de foi, que 1232 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 15. CUP, III, n° 1318. 16. Dont témoigne par ex. l’encyclopédiste allemand Conrad de Megenberg dans son Yconomica (v. 1354) : voir J. Verger, « Venerabilis mater universitas Parisiensis. La présentation de l’univer- sité de Paris dans l’Yconomica de Conrad de Megenberg », dans Finances, pouvoirs et mémoire. Hommages à Jean Favier, dir. par J. Kerhervé et A. Rigaudière, Paris, 1999, p. 55-64. 17. CUP, III, n° 1262 à 1266 ; ces rotuli donnent les noms de 25 maîtres en théologie, 11 en droit canonique, 26 en médecine et 447 ès-arts (souvent étudiants d’une faculté supérieure) ; y manquent les simples étudiants ès-arts et même certains étudiants des facultés supérieures. 18. Cf. W. Maleczek, « Das Papsttum und die Anfänge der Universität im Mittelalter », Römische historische Mitteilungen 27, 1985, p. 85-143. 19. Cf. L. Vones, Urban V. (1362-1370) : Kirchenreform zwischen Kardinalkollegium, Kurie und Klientel, Stuttgart, 1998, p. 424-446, et Y. Chiron, Urbain V le bienheureux, Versailles, 2010, p. 207-226. 20. Ces actes sont insérés dans CUP, III, entre les n° 1268 et 1356. 21. Cf. J. Verger, « La politique universitaire des papes d’Avignon », Annuaire de la Société des Amis du Palais des Papes et des monuments d’Avignon 77, 2000, p. 17-29. 22. Il est possible qu’après son retour à Rome en octobre 1367, Urbain V se soit montré un peu moins bien disposé vis-à-vis des universitaires parisiens dont certains, à l’instigation du roi de France, uploads/Litterature/ premiere-reformation-generale-de-l-x27-universite-de-paris.pdf
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- Publié le Jui 15, 2022
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