Origène [Une esquisse] par Lorenzo Perrone 2 Index I. La vie: Maître d’école, m

Origène [Une esquisse] par Lorenzo Perrone 2 Index I. La vie: Maître d’école, maître d’Église 1. Les sources biographiques et autobiographiques 3 2. Le maître d’école à Alexandrie 4 3. Le didascale de l’Église à Césarée de Palestine 8 II. Les œuvres: La poursuite d’un commentaire intégral des Écritures 1. Un héritage littéraire difficile à transmettre 10 2. La prédominance des genres exégétiques: scholies, homélies et commentaires 12 3. Des séries d’homélies sur l’Ancien et le Nouveau Testament: le maître d’école face à la communauté 13 4. Les grands commentaires bibliques: le génie déployé de l’exégète 14 5. Les traités: l’exégèse au service de la dogmatique, de la spiritualité et de l’apologétique 22 III. La pensée: L’amour du Père et la liberté des fils. Dieu et le monde dans l’attente de la rédemption 1. L’interprétation des Écritures: une théologie biblique 29 2. Un Dieu juste et bon: l’horizon de la paternité divine 32 3. Le Fils en communion avec le Père: de la Sagesse éternelle au Verbe fait homme 37 4. L’Esprit saint dans l’économie du salut: l’œuvre de la sanctification 40 5. Le monde et l’homme: libre arbitre des créatures et providence divine 43 IV. L’origénisme: les vicissitudes d’un héritage vivant 46 Bibliographie 51 Origène: une anthologie essentielle I. Des témoignages personnels: le travail de l’exégète et les débats du théologien 61 II. Au cœur des Écritures: une théologie en recherche 65 III. Le mystère de l’amour de Dieu: la révélation du Père, du Fils et de l’Esprit 72 IV. Le chemin du salut: libération du péché et progrès spirituel 75 3 I. La vie: Maître d’école, maître d’Église* 1. Les sources biographiques et autobiographiques Au dire d’Eusèbe de Césarée, la vie d’Origène mériterait d’être racontée dès sa naissance1. Or, dans les trois premiers siècles de la littérature chrétienne, il n’y a aucun autre écrivain dont la biographie nous soit mieux connue que celle de l’Alexandrin. En effet, c’est grâce au premier historien ecclésiastique que nous sommes en mesure d’en retracer l’itinéraire biographique, bien qu’il s’agisse d’une perspective raccourcie et dictée par des préoccupations apologétiques. Plusieurs aspects que nous transmet le VIe Livre de l’Histoire Ecclésiastique relèvent, chez Eusèbe, de l’exigence de justifier son ‘héros’ vis-à-vis des attaques dont il avait été l’objet, au cours de sa vie et après sa mort, le présentant dans une lumière plus positive. Il poursuit par là la défense qu’avait écrite Pamphile de Césarée dans l’Apologie d’Origène, la complétant après le martyre de son maître en 3102. D’ailleurs, même la seconde source biographique dont nous disposons, le Discours de remerciement d’un des élèves d’Origène, à l’identité controversée, portant sur sa formation dans l’école de Césarée, n’est pas exempte de réserves. Car l’auteur y dessine le portrait de son maître non seulement en tant que philosophe chrétien mais, en outre, comme un véritable “homme divin” conformément au modèle répandu dans la religiosité de l’antiquité tardive3. À côté de cette documentation majeure, il ne faut pas oublier l’apport qui nous vient des matériaux autobiographiques fournis par Origène lui-même. Il n’est pas superflu d’exploiter autant que possible le peu qui reste de son riche courrier (comme l’a fait déjà son premier biographe), mais aussi de dégager à travers ses œuvres des ‘confessions’ personnelles: sans prétendre * Je remercie Agnès Bastit pour la révision stylistique de mon texte. [Rédaction: septembre 2016] 1 Eusèbe, H.E. VI,2,2. 2 Pamphile, Apol. 3 SFAMENI GASPARRO 2007. 4 l’assimiler à un Augustin, il nous faut quand même écouter sa voix intime qui parfois s’exprime de façon assez révélatrice4. 2. Le maître d’école à Alexandrie L’épithète d’‘Alexandrin’ reste liée à Origène, d’abord en raison du lieu où il naquit vers 185 et demeura jusqu’à l’année 232, mais également à cause du milieu culturel dont il hérita les traditions savantes. Né au sein d’une famille chrétienne riche et nombreuse, l’enfance et l’adolescence d’Origène se placent pour nous sous le regard vigilant d’abord de son père, puis de sa mère5. Le premier, du nom de Léonide selon la notice d’Eusèbe, se charge de son éducation l’introduisant en même temps à l’étude de la Bible et à celle des lettres6. Quoique cette image d’Origène enfant contienne en germe sa future herméneutique des Écritures, puisqu’il ne se contente pas de leur sens immédiat et recherche des explications plus profondes, il est raisonnable d’en retenir que l’instruction reçue par son père portait essentiellement sur la lecture de la Bible7. L’intensité de la foi qui anime son foyer se manifeste à l’occasion d’une persécution déclenchée par le préfet d’Égypte Laetus en 201. Tandis que le père se trouvait en prison attendant son martyre, Origène aurait été empêché par sa mère de le suivre dans le même destin8. Après la mort du père, ayant complété ses études de lettres, il assure le soutien économique de la famille comme ‘grammairien’ (grammatikòs)9. Sa tâche consiste dans la lecture et l’explication des auteurs classiques, ce qui lui permettra de s’approprier les techniques de la philologie alexandrine. Celle-ci, prenant en considération les fautes des manuscrits, recommandait en premier lieu l’établissement d’un texte correct, par des procédés de ‘critique textuelle’, avant de passer à son commentaire. Tout en considérant par la suite le métier du grammairien comme répétitif10, Origène sera marqué 4 PERRONE 2013b. 5 NAUTIN 1977 (spécialement p. 413-441); NORELLI 2000 . 6 Eusèbe, H.E. VI,2,7-11. 7 NORELLI 2004. 8 Eusèbe, H.E. VI,2,3-6. Origène se souviendra de son père (HEz IV,8) ainsi que des autres martyrs dont il fit la connaissance (H73Ps III,7; HEz IV,7). 9 Eusèbe, H.E. VI,2,15. 10 H74Ps 6 (p. 279): “Notre Maître et Seigneur dispose d’enseignements en si grand nombre qu’il est capable d’enseigner [pour l’éternité et] non pendant dix ans comme le grammairien, après quoi celui-ci n’aura plus rien à enseigner”. 5 pour toujours par cet entraînement philologique dans son travail d’exégèse, mais aussi dans son activité de prédicateur11. D’ailleurs, il y ajoute bientôt l’enseignement de la doctrine chrétienne, d’abord pour suppléer à l’absence de catéchistes qui avaient été obligés de s’éloigner de la ville pendant une nouvelle persécution sous le préfet Aquila (206-210). Ensuite, il se consacre entièrement à l’instruction chrétienne, vraisemblablement dans le cadre de la communauté ecclésiale, qui est en train de consolider ses structures institutionnelles sous le long épiscopat de Démétrius (189-232). Selon le profil biographique tracé par Eusèbe, Origène aurait dirigé le célèbre ‘Didascalée’, succédant à Pantène et Clément comme troisième chef de cette école chrétienne d’Alexandrie12. Du point de vue historique, nous ne pouvons ni établir une succession formelle ni saisir la nature précise de l’établissement scolaire, qui ressemble plutôt aux écoles philosophiques contemporaines, où des disciples se réunissent autour d’un maître reconnu. Toutefois, en raison de l’étude de la Bible et de la préoccupation d’orthodoxie, étant donné qu’Origène dès le début s’oppose aux hérétiques gnostiques et marcionites, le lien avec le milieu écclésial, sous l’autorité croissante de l’évêque, deviendra de plus en plus étroit. Une preuve en est aussi le fait qu’Héraclas, son collaborateur à l’école pour les débutants, deviendra plus tard le successeur de l’évêque Démétrius. Dans un souvenir autobiographique exprimé vers la fin de la vie, Origène rappelle comment durant sa jeunesse les ‘écoles’ (didaskaleia) des hérétiques fleurissaient du fait de la pénurie de maîtres solides au sein des églises; mais par la suite la grâce divine les aurait dotées d’enseignants capables de démasquer victorieusement les doctrines hérétiques13 – ce qui résume bien le défi de l’activité déployée par l’Alexandrin tout au cours de sa vie. L’enseignement à Alexandrie n’empêche pas Origène d’entreprendre des voyages et d’établir des contacts ailleurs. Ils deviendront de plus en plus fréquents en raison de la renommée grandissante du maître alexandrin. Sa curiosité intellectuelle le pousse à accueillir l’influence des traditions exégétiques judéo-chrétiennes (paradoseis), même avant qu’il déménage en Palestine après 232, par l’entremise de l’‘Hébreu’ (ho Hebraios), un maître juif converti envers lequel Origène attestera ses dettes à plusieurs reprises, à la différence de son silence à l’égard de ses prédécesseurs alexandrins à l’exception notable de Philon14. D’autre 11 NEUSCHÄFER 1987; MARTENS 2012. 12 Eusèbe, H.E. VI,3,8. 13 H77Ps II,4. 14 DORIVAL-NAIWELD 2013; SGHERRI 1982. 6 part, en vue de mieux répondre aux exigences du public mixte de chrétiens et païens qui fréquente son école, il ressent le besoin d’approfondir sa connaissance de la philosophie. Il n’est pas sûr que son maître ait été le philosophe Ammonius Saccas, dont Plotin, chef de file du néoplatonisme, sera plus tard le disciple, de même qu’on a du mal à identifier l’Origène philosophe, mentionné par Porphyre dans sa Vie de Plotin, avec notre Alexandrin15. En outre, tout en reconnaissant ces analogies, il ne faut pas considérer la figure d’Origène comme entièrement assimilable à celle des philosophes contemporains, dont il prend par ailleurs ses distances, comme il le fait aussi par rapport à son ancien métier de grammairien16. Dès le commencement de son enseignement, il se veut plutôt un ‘didascale’ (didaskalos) qui se situe dans le sillon de Jésus Christ, avec les prophètes et les apôtres17, et s’efforce de l’imiter, sinon par la voie radicale du martyre souvent uploads/Litterature/ origene-une-esquisse.pdf

  • 77
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager