COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION

COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ PLATON OEUVRES COMPLÈTES TOME V — a* PARTIE CRATYLE TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT Louis MÉRIDIER Professeur à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris. PARIS SOCIÉTÉ D'ÉDITION « LES BELLES LETTRES » 95, BOULEVARD RASPAIL ig3i Tous droits réservés. Conformément aux statuts de l'Association Guillaume Budé, ce volume a été soumis à l'approbation de la commission technique, qui a chargé M. Emile Chambry d'en jaire la revision et d'en surveiller la correction en collaboration avec M. Louis Méridier. 281 v,5" a Ct&A***-C*> CRATYLE 772883 NOTICE Il n'est pas un dialogue de Platon qui ait suscité chez les- modernes plus de discussions que le Cratyle. Dans ses ana- lyses parues entre 1891 et 1901, H. Kirchner 1 passait en revue trente-deux études consacrées à cet ouvrage, et depuis lors ce nombre a continué de s'accroître. Quel est le but du Cratyle ? Quelle opinion l'auteur y exprime-t-il sur l'origine du langage ? Contre quelles écoles ou quelles personnes est dirigée sa polémique ? Dans quelle mesure la plaisanterie s'y mêle-t-elle au sérieux ? Autant de questions sur lesquelles les commentateurs n'ont cessé de se diviser. C'est assez dire qu'en ajoutant à cette longue liste un nouvel essai d'inter- prétation, on ne prétend point donner une solution défini- tive des problèmes soulevés par le Cratyle. Du moins paraît- il possible d'atteindre sur un certain nombre de points, par un examen attentif de la marche du dialogue, à des conclu- sions vraisemblables 2 . ANALYSE DU DIALOGUE Préambule. Le dialogue met en scène trois person- Exposé nages, Hermogène, Cratyle et Socrate. du problème. \\ s 'ouvre brusquement : Hermogène, en discussion avec Cratyle, lui propose de (383 a-384 e). faire part de leur entretien à Socrate, qui vient d'arriver. De 1. Die verschiedenen Auffassungen des platonischen Dialogs Kratylus. Progr. Brieg, 1891/2, 1892/3, 1896/7, 1900/01. 1. Nous avons tiré un profit tout particulier du travail pénétrant et vigoureux, bien qu'un peu systématique, de F. Horn, Platonstudien,. Neue Folge, Wien, 190^, p. 1 et suiv. 8 CRATYLE quoi s'agit-il ? Suivant Cratyle. il existe naturellement (cpûaei) pour chaque objet une juste dénomination (ôvouaro; ôpôoVrc, 383 a b) qui est la même pour tous, Grecs et Barbares. Mais Hermogène ne peut obtenir de lui l'explication de ses propos obscurs. Que Socrate veuille bien les interpréter, ou donner son avis sur la question ! Socrate répond que le problème est difficile et qu'il en ignore la solution. D'ailleurs il est prêt à la rechercher de concert avec ses interlocuteurs. Hermogène expose sa thèse, opposée à celle de Cratyle: la justesse des noms est affaire de convention et d'accord (ffuv<hjxi) xal fc|u>AGV''a, 384 d). Le nom qu'on attribue à chaque objet est juste ; si on le change pour un autre, par exemple en nom- mant un serviteur, le dernier n'est pas moins juste. Il n'y a pas de nom donné par la nature ; l'usage et la coutume (vo'jao) xal lOet) font tout en cette matière. Entretien ^a longue discussion qui s'engage alors de Socrate entre Socrate et Hermogène occupe la et d'Hermogène pius grande partie du dialogue. Elle (385a-421 d). r ° , EH-xi v r comprend quatre étapes : I (385 a-3o,i b). Au cours de la première, Socrate fait admettre à son interlocuteur les propositions suivantes : i . Les choses ont une essence fixe et stable (*i¥« (UCaifaiyrq TYp cùsi'as, 386 a; oùcc'av Ttvà péêatov, 386 e) qui ne dépend pas de nous; 2. Les actes (-zpâîjciç) qui se rapportent aux choses sont une forme déterminée de réalité (sv ti elooç tcov èVrwv, 386 e). Ils se font en conformité avec leur propre nature, et non selon notre façon de voir ; 3. Or parler est un acte, et nommer (to âvopoÇttv) en est une partie. Il faut donc nommer les choses suivant le moyen qu'elles ont naturellement de nommer et d être nommées (i) 7téwuxe xà tç,t.';ilx-x ovouâwSiv t£ xal ôvopaÇtafoc, 387 d) ; 4. C'est à l'aide du nom qu'on nomme. Le nom est un instrument qui sert à instruire et à distinguer la réalité (ovojia... ô*ioa<7xaXixd'v xl Istiv opyavov xal cta/.p'.Ttxov tt,ç oùcia;, 388 b c); 5. C'est le législateur (vouioôfr^ç) qui établit les noms (388 e); 6. Il doit avoir les yeux fixés sur ce qui est le nom en soi (xcoç ttxnh èxEtvo l<mv ovojxa, 38g d), pour imposer aux sons NOTICE 9 et aux syllabes le nom approprié naturellement à chaque objet ; 7. Peu importe que les législateurs n'opèrent pas sur les mêmes syllabes, pourvu qu'ils leur imposent la forme de nom (to -ou ovoaaTo; elBot;, 390 a ; cf. tSéav, 38o, e) requise par l'objet ; 8. L'homme capable de juger l'ouvrage du législateur (le nom) est celui qui s'en servira, c'est-à-dire l'homme qui sait interroger et répondre (tov èpwTâv xat ànoxpiveaOai ixiarci- [xsvov), en d'autres termes le dialecticien (oiaXtxTixdv, 390 c). C'est lui qui devra diriger (siziaxàir^, 390 d) le travail du législateur. Résumé et conclusion. Fixer les noms n'est pas l'œuvre du premier venu, comme le croyait Hermogène ; et Cratyle a raison : les noms appartiennent naturellement (cpùc£t) aux choses, et il n'est donné d'être un artisan de noms (Sr i%atoup- yoç ôvoy.àTtov) qu'à celui-là qui, le regard attaché sur le nom naturel de l'objet, sait en imposer la forme aux lettres et aux syllabes (3go d e). II (3g 1 b-396 c). Il faut maintenant rechercher en quoi consiste cette justesse naturelle du nom, c'est-à-dire comment se réalise cette destination idéale. Pour le savoir, Socrate propose de s'adresser aux sophistes. Mais Hermogène lui ayant fait observer que la démarche serait illogique, puis- qu'on a réfuté précédemment la thèse de Protagoras, il décide de consulter Homère et les poètes. En se fondant sur les noms d'Astyanax et d'Hector, Socrate tire d'Homère les lois que voici : 1 . Il est juste de donner au fils le nom du père, quand la génération se fait suivant l'ordre naturel (3g3 c) ; 2. Peu importe alors que le même sens s'exprime par telles ou telles syllabes: des lettres peuvent être ajoutées, ou retranchées, ou déplacées ; elles peuvent être entièrement différentes; il suffit que l'essence de l'objet se manifeste dans le nom (3g3 d-3g4 c) ; 3. Les êtres dont la génération s'est faite contre nature (toi; 7rapà cpùciv, 3g4 d) doivent être désignés non par le nom de leur père, mais par celui du genre (yevoç) auquel ils appar- tiennent. Explication des noms d'Oreste, Agamemnon, Atrée, Pélops, Tantale, Zeus, Rronos, Ouranos (3g4 d-396 d). III (3g6 d- 421 c). Mais les noms donnés aux héros et aux hommes risquent d'induire en erreur. Beaucoup d'entre eux io CRATYLE sont établis d'après les appellations des ancêtres, et sans aucune convenance ; d'autres expriment un souhait. Il faut examiner plutôt les noms appliqués à ce qui a par nature une existence éternelle Qzk àei ovra xai irecpuxdxa, 397 b). Ici, une digression où Socrate explique l'étymologie de 6sdç (397 c d), celles de Safjuftv, d'après Hésiode (397 e- 398 c), de vjpwç (3g8 c-e), d'àv6p(07roç (399 a), de ^/jr, (399 d- 400 b), de coma (4oo b c). Ramené par Hermogène à la recherche annoncée, Socrate commence son examen. Il passe successivement en revue trois groupes de noms, dont il indique l'étymologie : 1, Ceux des dieux : Rhéa, Kronos, Poséidon, Pluton, Hadès, Déméter, Héra, Pherréphatta, Apollon, les Muses, Léto, Artémis, Dionysos (ici, étymologie de olvoç, le vin), Aphrodite, Pallas, Athéna, Héphaïstos, Ares, Hermès, Pan (4oo e-4o8 d) ; a. Ceux des astres et des phénomènes naturels : le soleil (tjXioç), la lune (seÀTJvy), oeXavata), le mois (|Jt.etç), l'éclair (<x<7Tpa7CYj), le feu (rciïp), l'eau (uowp), l'air (àVjp), l'éther (aîôrjp), la terre (yti, Ya '°0> ^es saisons (wpai), l'année et l'an (IviaoTOç, exoç, 409 a-4ioe). 3. Ceux des notions morales: cppôVrçatç, vdrjatç, <rcocppo<juv7i, £7ti<7x>i[ji.r J , <7uv£(7tç, compta, àyaô^v, StxaioauvTj, oixouov (et àStxta), àvBpeta, appyjv, àv/jp, yuviq, 6r,Xu (ici, étymologie de ôàXXstv), tiyyriy \li\/ }vrt\ , xaxia, BetXi'a, xrcopia, àpsTTj, xaxdv, acaypô'v, xaXô'v, (jujAcpÉpov, xspoaX^ov (et xepBoç), XuaireXouv, wcpsXt|/.ov, pXaSepdv, Ci)|M<3&cç, o«ov(ici, parenthèse sur l'étymo- logie de 7]p.spa), 7]OOV7], Xu7CY], àvia, àXYTjSwv, 88uvtj, à^ôrjScav, yapà,Tip<|/tç, T£p7tvd;, EÙcppoffuvTj, £7u6u[xta, 6u;xdç, tjXEpoç, 7ro8oç, èpwç, Bolja, ot'y,<7'.ç, fouX*/], àêouX''a, àxoyta, èxououov, àvaYxatov. Etymologies de ovojxa, àXVjGeta, ov, ouata (4n c-42i c). IV. Les noms examinés jusqu'ici sont des dérivés et des composés. Pour les interpréter, on remonte nécessairement aux noms primitifs (xà ^pàixa ovdjxaxa) dont ils proviennent. Mais ceux-ci, par définition, ne peuvent s'expliquer à la lumière d'autres noms, et leur explication requiert un pro- cédé différent. Quelle est la méthode à suivre ? 1 (4a 1 c- 4a5 b). Il faut partir du principe déjà posé : pour être juste, le nom doit faire voir la nature de l'objet désigné (olov Exacrô'v £<jTt xôôv ovxtov, 422 d). Il est une façon de mimer à l'aide de la voix. Mais imiter le chant du coq, ce NOTICE ii n'est pas nommer le coq. L'imitation obtenue par uploads/Litterature/ meridier-platon-cratyle-pdf.pdf

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