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Copyright © Cahiers de recherche sociologique, 1994 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 6 mai 2020 22:51 Cahiers de recherche sociologique Marginalité et exclusion sociales : des lieux et des formes Danielle Laberge et Shirley Roy Marginalité et exclusion sociales Numéro 22, 1994 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1002205ar DOI : https://doi.org/10.7202/1002205ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département de sociologie - Université du Québec à Montréal ISSN 0831-1048 (imprimé) 1923-5771 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Laberge, D. & Roy, S. (1994). Marginalité et exclusion sociales : des lieux et des formes. Cahiers de recherche sociologique, (22), 5–9. https://doi.org/10.7202/1002205ar Cahiers de recherche sociologique, no 22, 1994 Présentation Marginalité et exclusion sociales: des lieux et des formes Danielle LABERGE et Shirley ROY La marginalité et l'exclusion sociales ne constituent plus des thèmes étrangers à l'analyse des phénomènes sociaux contemporains. L'intérêt pour ces questions relève-t-il de l'augmentation et de la transformation effective du phénomène, d'une sensibilité pairticulière des chercheurs à ce «nouveau champ», ou de l'épuisement des modèles d'analyse posant les transformations sociales en lien avec une idéologie du progrès? On peut certainement penser qu'il s'agit d'une conjonction de ces divers éléments et d'un certain nombre d'autres encore. On pourrait même soutenir l'idée que la marginalité et l'exclusion sociales constituent le lieu fort d'une société que l'on dit en transformation, en mutation, voire en éclatement. Ces modes particuliers de rapport au social pourraient être interprétés comme l'envers ou l'échec de l'intégration, de l'assimilation ou de l'insertion sociale touchant aussi bien des individus que des groupes complets. Dans un tel cadre, aborder la question large de la marginalité et de l'exclusion sociales, ce n'est pas uniquement s'intéresser à de «nouveaux» groupes sociaux en difficulté: c'est s'introduire dans un champ de recherche qui soulève des questions aussi bien théoriques, politiques, épistémologiques que méthodologiques. C'est, entre autres choses, poser la question des rapports sociaux et de leur transformation, de la norme sociale et de son application, des institutions et des structures sociales et de leur réorganisation; plus encore, c'est accepter de s'interroger sur l'idéologie égalitariste, moteur de l'ensemble des transformations sociales au cours du dernier siècle et élément central de nos démocraties. Bien que la marginalité et l'exclusion sociales fassent référence à des univers partiellement différents, ces deux notions renvoient à la fois au processus dynamique de mise à la marge et au sens de celui-ci. Être marginalisé ou exclu suppose une distanciation du social dans le sens d'une détérioration plus ou moins complète des conditions de vie. Cela dit, les processus aussi bien que les conditions de vie propres à des formes particulières de marginalité ou d'exclusion 6 Marginalité et exclusion sociales varient énormément d'un groupe à l'autre, d'un individu à l'autre, d'une étape à l'autre. C'est cette diversité qui ressort clairement de la lecture de ce numéro des Cahiers de recherche sociologique. L'absence d'un modèle intégrateur pour traiter de ces questions ne nous semble pas problématique. Au contraire, on retrouve, à travers la variété et la diversité, une richesse d'analyses, de cadres théoriques et de points de vue. Paradoxalement, malgré les approches et les théories différentes, la lectrice et le lecteur constateront les tendances fortes, de la part des auteurs, à se recentrer autour de quelques éléments: la précarité, la vulnérabilité, la «ghettoïsation», l'isolement. Ces thématiques générales ne prennent pas les mêmes formes, n'ont pas les mêmes origines, ne s'inscrivent pas dans des processus identiques. Cependant, elles constituent les conditions nécessaires, bien que non suffisantes, à la compréhension de la marginalité et de l'exclusion sociales. Dans un texte intitulé «La dynamique des processus de marginalisation: de la vulnérabilité à la désaffiliation», Robert Castel nous propose une réflexion sur les dynamiques enjeu et leur aboutissement dans la forme ultime de l'exclusion, tout en insistant sur l'existence de celles-ci bien avant qu'on puisse observer les manifestations concrètes de la désorganisation. Après avoir étudié les diverses approches qui permettent d'expliquer le phénomène et les diverses stratégies de prises en charge des clientèles touchées, Castel tente une explication du côté de la double articulation entre l'intégration professionnelle et l'inscription relationnelle. La conjonction de ces deux axes produirait trois zones distinctes, celle de l'intégration, celle de la vulnérabilité et, enfin, celle de la désaffiliation. Cette approche est fort intéressante en ce qu'elle nous fait progresser aussi bien dans la compréhension des diverses étapes ou formes du processus que dans l'identification d'éléments et de groupes spécifiques sur lesquels on pourrait potentiellement intervenir. Pour Castel, c'est la relance de la vulnérabilité qui caractérise la période actuelle. Ainsi, entre les pôles de l'intégration, qui suppose travail et relations stables, et de l'exclusion, marquée par le non-travail et l'isolement, se trouverait un espace de fragilité aussi bien professionnelle que relationnelle associé à la transformation actuelle de nos sociétés. Castel identifie donc un des temps forts du basculement et analyse l'effet de mesures de soutien tel le revenu minimum d'insertion comme forme de responsabilisation collective et d'aide temporaire aux personnes démunies. Les diverses formes de marginalisation et d'exclusion sociales ou encore les groupes touchés par la vulnérabilité sociale, comme les nomme Castel, s'inscrivent, selon Paul Morin, dans un espace social lié à la territorialisation, soit à une occupation spécifique du territoire découlant des rapports sociaux existants. Dans son texte «L'autoroute de la marginalisation: de Ville-Marie au Bout-de- l'île», Morin argumente à propos des dynamiques d'exclusion à l'œuvre dans la distribution des services visant des clientèles particulièrement démunies. À travers la structuration ou le développement de ressources serait apparue une dynamique de Présentation 7 ghettoïsation des clientèles issues, paradoxalement, d'une volonté de décentralisation jumelée à une absence quasi complète de considérations liées à l'organisation spatiale. Dans nos sociétés développées, le processus de marginalisation et d'exclusion sociales touche principalement des individus rattachés à des milieux spécifiques. L'élaboration et la mise en œuvre de modèles d'intervention sont pensées, d'abord et avant tout, pour venir en aide aux personnes. Il en va tout autrement dans certaines régions du monde, plus spécialement dans les pays en voie de développement où apparaît une forme particulière d'exclusion sociale, celle qui touche les populations habitant les favelas situées dans ou autour des grandes villes. La question soulevée par Teresa Christina Carreteiro concerne les possibilités réelles ou anticipées, pour les populations vivant dans les bidonvilles, de provoquer des changements de leur situation qui soient profonds et stables. Les conditions de ces gens sont, sur le plan matériel, bien évidemment d'une grande précarité. Cependant, la non-intégration de ces personnes à la société globale et le refus de diverses institutions de les considérer comme des citoyens à part entière constituent le cœur du problème. L'auteure développe l'idée que les populations dépourvues d'organisations sociales minimalement stables sont en quelque sorte condamnées à vivre hors de la société. L'impossibilité de saisir leur histoire individuelle et collective, à cause de leur mode de vie précaire, les condamne à la répétition et les inscrit de façon permanente dans l'exclusion. Pour Carreteiro, la quête de l'historicité devient un enjeu fondamental pour ces populations. Cette question est d'autant plus importante que l'exclusion concerne, non pas une minorité d'individus comme en Amérique du Nord ou en Europe de l'Ouest, mais bien la majorité de la population urbaine brésilienne. Les formes les plus couramment associées à la marginalisation et à l'exclusion sociales touchent généralement à l'univers de la pauvreté. Les textes de Pierre Lascoumes et de Marie-Marthe Cousineau, pour leur part, nous introduisent dans un univers d'exclusion provoquée par des phénomènes autres. Le premier situe celle-ci dans le contexte de l'apparition du VIH et du développement du sida; la seconde nous entretient de certaines formes d'auto-exclusion vécues par les personnes victimes d'agression. Bien que très éloignés, aussi bien dans la configuration que dans les processus de mises à la marge, ces deux textes ont en commun de favoriser l'identification de mécanismes sociaux producteurs d'exclusion qui, tout en ne relevant pas du contexte de la rareté des ressources économiques, ramènent les thèmes de la précarité des conditions de vie et de la vulnérabilité. Lascoumes, dans son texte intitulé «VIH, exclusions et lutte contre les discriminations», cerne des pratiques d'exclusion spécifiques aux diverses pandémies du VIH: l'accès aux soins souvent rendu difficile en raison d'une couverture sociale insuffisante, l'accès aux mesures de santé publique reliées à la prévention et, plus subtiles, certaines formes de discriminations issues de la peur anticipée, qui vont de petites décisions discriminatoires à des traitements 8 Marginalité et exclusion sociales complètement dégradants pour les personnes et les groupes. Pour l'auteur, le débat actuel sur l'apparition du VIH et les réactions qu'il provoque se situe dans la problématique de la «gestion des risques1» qui, par la mise en place de dispositifs, uploads/Litterature/ marginalite-et-esxc.pdf
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- Publié le Dec 18, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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